
«C’est comme un rêve qui se réalise. L’eau, que nous étions contraints d’aller chercher à des kilomètres de là, à dos d’âne, des sources lointaines, coule dans les robinets.»
Tanout et Tazila, deux zones d’ombre de la commune de Ain Azel, à environ 75 km au sud du chef-lieu de la wilaya de Sétif, hier encore livrées à une nature ingrate sur ces étendues rocheuses, souffrant de l’oubli et de l’indifférence de l’homme, se relèvent aujourd’hui de leur mal profond et revivent, à la force de l’espoir qui anime les populations de ces contrées montagneuses, pour une vie digne et décente.
Sur ces hauteurs où le vent glacial qui sévit n’affecte plus les visages ridés, de ceux-là qui ont vécu des hivers rigoureux et des étés torrides, d’autant plus secoués par ce paysage rocheux à vous édifier sur les souffrances endurées de longues années durant par ces populations, d’autant plus affectées par les affres de la décennie noire, le soleil illumine enfin ces contrées lointaines où les conditions d’une vie digne et décente prennent forme chaque jour un peu plus.
En ce mois de novembre glacial, porteurs des premières pluies bienfaitrices, nous empruntons, sur 50 km, la route vers Ain Azel, avant de joindre l’axe sinueux qui monte vers ces deux zones d’ombre, accrochées à flanc de montagne aux confins de la wilaya de Batna. Au fur et à mesure que nous avançons sur cette nouvelle route en bitume, l’impact du changement est là, marqué par des indicateurs qui ne trompent pas pour ceux qui ont connu Tanout et Tazila avant cette vaste opération de mise à niveau.
La route qui monte s’ouvre au fur et à mesure que nous avançons sur d’autres chemins de désenclavement qui ouvrent de nouveaux horizons pour les habitants de la voie, Lejdridi, Guidoum, Boukhers et d’autres mechtas lointaines que les habitants ne pouvaient rejoindre qu’à dos d’ânes.
L’eau à portée de main
Les nombreux supports électriques qui se déploient sur ces terrains rocheux sont les signes d’efforts intenses qui ont permis à l’énergie électrique de défier monts et montagnes pour gagner ces lieux où l’eau potable est désormais à portée de main non sans susciter un profond sentiment de satisfaction des habitants de ces zones d’ombre que Ali Ouadjane ne cache pas :
«c’est comme un rêve qui se réalise, l’eau que nous étions contraints d’aller chercher à plusieurs kilomètres de là, à dos d’ânes, de sources lointaines quand elles ne se tarissaient pas, coule des robinets, la route vous a permis de joindre ces contrées enclavées et lointaines, le gaz naturel arrive, que demander de plus sinon que remercier le président de la république, Abdelmadjid Tebboune, d’avoir pensé à nous et de nous avoir permis d’accéder à une vie digne et décente.»
Le logement rural et la nécessité de multiplier les quotas dans ces zones déshéritées est l’une des préoccupations exprimées par les citoyens qui sont restés là et ont résisté aux affres de la décennie noire et de ceux qui reviennent au fur et à mesure vers leurs terres.
Sur cette dernière préoccupation, Dali Alaoua, le chef de la daira de Ain Azel, souligne que «le logement existe, la contrainte est tout autre et ailleurs.
la réglementation stipule que les bénéficiaires de ces aides au logement rural doivent être détenteurs d’actes de propriété de leurs terres, ce qui n’est pas toujours le cas dans ces zones.
Le wali a déjà saisi le ministre de l’intérieur et des collectivités locales pour l’obtention d’une dérogation en faveur de ces zones, et nous avons bon espoir de lever cette contrainte.
Ceci est également valable pour le renforcement du transport public sur l’axe Ain Azel,Tanout,Tazila et le renforcement du transport scolaire. la demande d’autorisation exceptionnelle introduite par le wali a reçu un avis favorable et les procédures sont en cours pour la création prochaine de deux lignes.
Le geste du cœur
Alors qu’une antenne d’Algérie télécom a été dressée au plus haut point de ces montagnes pour permettre à la 4G d’investir ces zones enclavées, en dépit des quelques points d’ombre qui subsistent çà et là, la visite de l’école Baitiche-said de Tanout, qui accueille 118 élèves, des filles et des garçons, est édifiante de l’amélioration des conditions de scolarité de ces enfants qui viennent des douars environnants et ont droit à un repas chaud, un bon couscous à la viande.
A 13 h, Amira, en 5e année primaire, rejoint sa classe, avec sa camarade de la mechta. Sac à dos aux épaules, tenant un sac, à moitié plein, elle nous dit : «C’est des glands que j’offre à mon enseignante que j’aime beaucoup. Prenez-en si vous voulez !»
Ici, au pays paysan traditionnaliste, le maître d’école garde toute sa superbe et vénération. Le gaz naturel est en route. Il est même bien avancé en dépit des contraintes qui sont liées à la nature du terrain. Faycal, le chef de chantier de l’entreprise réalisatrice, accompagne l’engin dépêché sur ces hauteurs. «La roche est très difficile à traiter, mais nous avançons quand même bien, nous avons déjà posé quelque 37 kilomètres de conduite, et si tout va bien, nous serons à Tanout dans moins de deux mois.»
L’impact de la santé communautaire
Dans cette dynamique de mise à niveau, un logement de fonction désaffecté a été réhabilité pour accueillir une salle de soins dotée de toutes les commodités afin de répondre aux besoins des citoyens. En plus de l’infirmier, posté en permanence, 2 médecins, une sage femme et un dentiste s’y rendent tous les mercredis pour ausculter et soigner les femmes et les hommes qui patientent dans les salles d’attente. «Nous faisons aussi les vaccinations anti- Covid.
80 habitants ont reçu leur première dose. Aujourd’hui, c’est le rappel du vaccin», indique le Dr Lila Gherbi. Sa carte de vaccination en main, Warda vient prendre sa deuxième injection. Belgacem, venu pour une visite, assure que la situation s’est améliorée. «avant, nous étions obligés de payer au prix fort une course pour aller trouver le médecin à Ain Azel. Pourvu que les choses durent !». Helima, courbée sur sa canne, pliant sous le poids de ses 80 ans, est une survivante de la guerre : «j’ai fait la révolution, Je ne vois plus, j’ai mal partout, je suis ici pour me faire soigner», lance-t-elle pendant qu’elle est prise en charge par le second médecin.
Un repas chaud à la cantine
À Tazila, nous découvrons des réalisations et des gestes porteurs d’espoir. C’est à 9 km de là. La stèle commémorative érigée en mémoire des martyrs de la glorieuse révolution de Novembre symbolise les sacrifices endurés par les populations de cette zone d’ombre durant la guerre de libération nationale.
Les enfants de Tazila ont repris le chemin de leur école endommagée, en 2015, par un séisme. Les 70 élèves parcouraient, alors, chaque jour, hiver comme été, les 7 km pour rejoindre l’école Baitiche-Said, à Tanout. Dans une dimension de solidarité exemplaire, l’école Daoud-chelali, qui fait la fierté des habitants de Tazila, a été entièrement réhabilitée —avec un enfant de la région—, des classes flambant neuf, chauffées au gaz après que la wilaya a installé une citerne de propane, des équipements pédagogiques modernes, mais aussi une nouvelle cantine scolaire où les enfants reçoivent chaque jour un repas chaud. «on nous a même donné les livres et les fournitures scolaires», s’émerveille un enfant, heureux comme tout de retrouver son école. Chelali Naânaâ a fait ses premières classes dans cette école. Aujourd’hui, elle y professe. «Vétuste, sans équipement, l’école n’avait ni eau ni électricité.
On n’avait pas le transport, encore moins de gaz et la route qui y mène n’avait que le nom», se souvient l’enseignant qui dit être revenu aux «sources pour transmettre le savoir aux enfants de ces zones déshéritées et dont les séquelles d’un passé éprouvant leur entrouvrent un avenir meilleur».
Dans les mechtas éparses, le transport scolaire est assuré par 2 bus récemment attribués par le ministère de l’intérieur. «Les bus scolaires font 4 fois la navette entre Ain Azel, Tanout et Tazila. Le premier départ, à 6h30 du matin, l’autobus est archicomble. Celui du dernier, le dernier bus, à 17h15 est toujours plein à craquer», raconte Nebache Zoubir, chauffeur, croisé sur ces routes du désenclavement.
Pour étancher sa soif, par temps de grand cagnard, un forage, un puits artésien, un réservoir et un réseau de distribution permettront aux habitants de ces montagnes, au climat rigoureux, d’avoir enfin de l’eau courante, de même que l’énergie électrique au moment où les travaux du gaz naturel connaissent déjà un taux d’avancement de 70%. Proche délivrance. Dans la daïra de Ain Azel qui compte 5 zones d’ombre et dont les projets réalisés (ou en voie d’achèvement) ont nécessité une enveloppe de 60 milliards de centimes. Tanout et Tazila ont mobilisé près de 23 milliards. Les efforts d’envergure, déployés par l’Etat pour la promotion de ces zones d’ombre, sont indéniables.
F. Z.
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Pleins feux sur les « zones d’ombre ». El Moudjahid braque ses projecteurs sur les régions enclavées et déshéritées de l’Algérie profonde, dont le développement figure parmi les priorités du Président Abdelmadjid Tebboune. Votre quotidien entame, à partir d’aujourd’hui, la publication d’une série de reportages réalisés par nos correspondants dans différentes wilayas, pour mieux rendre compte du vécu de nos concitoyens et des efforts consentis par l’État pour pallier les insuffisances et améliorer le bien-être commun.