Pr Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologie : «Le nouveau variant ne constitue pas une menace»

Le Pr Kamel Djenouhat, chef de service du laboratoire central de l’hôpital de Rouiba (Alger) et président de la Société algérienne d'immunologie, évoque, à El Moudjahid, l’immunité acquise par la population algérienne, selon une étude menée par l’hôpital, en collaboration avec d’autres centres hospitaliers, faisant part d’un taux de 91%, ce qui est rassurant à ses yeux par rapport au nouveau variant.

Entretien réalisé par : Kamélia Hadjib

El Moudjahid : Un nouveau variant de la Covid a été détecté récemment dans plusieurs pays. Est-ce qu’il constitue une menace
réelle ?
Pr Kamel Djenouhat : Le nouveau variant qui vient d’être détecté ne constitue pas une menace, et ce, pour plusieurs raisons. La première est que le variant «Eris» ou le «EG.5» est une sous-lignée du variant «Omicron» du Covid-19. C’est un variant qui n’est pas loin du variant Omicron mais a deux particularités : il se transmet plus rapidement que le variant précédent, mais sur le plan pathologique il n’est pas virulent. C’est un variant qui est apparu en février dernier en Inde. Il circule depuis presque sept ou huit mois déjà sans avoir causé de dégâts. Actuellement, il a été détecté dans plusieurs pays dans le monde.

A-t-il été détecté en Algérie ?
En Algérie, si on fait des séquençages, on la trouvera. Ces derniers jours, au niveau de l’hôpital de Rouïba, nous avons enregistré des cas de Covid qui ont la même symptomatologie qu’Omicron. C’est à dire une symptomatologie bénigne à savoir des maux de tête, une fièvre, un fatigue et une faiblesse un peu plus intense, mal de gorge ou une pharyngite, une petite toux. Ce sont des symptômes qui ne nécessitent pas d’hospitalisation. Il n’y a pas de signes alarmants ou de signes d’atteinte pulmonaire. C’est un syndrome pseudo-grippal, ce qui montre que ce variant n’est pas virulent.

Mais pourquoi tout le monde parle de ce nouveau variant ?
Parce qu’il a été détecté aux Etats-Unis ou un nombre important de cas d’hospitalisation a été enregistré et depuis l’alerte a été lancée pour surveiller l’évolution de la situation par rapport à la propagation de ce nouveau variant du Covid-19.
Il faut savoir que plusieurs pays ont constaté que le variant Eris est entrain de prédominer et dans les quelques semaines, il sera le variant majoritaire. Cependant, ces pays n’ont pas enregistré de cas d’hospitalisation liés au variant Eris comme c’est le cas aux États Unis.
Il faut savoir que la plupart des Occidentaux ont acquis leur immunité par la vaccination, comme d’ailleurs aux États-Unis. En Algérie, nous étions pour la vaccination anti-Covid jusqu’à l’apparition du variant Omicron. Depuis l’apparition de ce variant, nous avons dit qu’il ne faut plus parler de vaccin. Effectivement, nous avons cessé de faire des campagnes de vaccination ou de sensibiliser la population pour se faire vacciner, alors que les autres pays ont continué la vaccination.

Se faire vacciner est-il recommandé ou pas ?
Ce n’est pas recommandé parce qu’on vaccine contre des variants qui changent de façon continue et qui résistent aux vaccins. Par contre, nous, en Algérie, nous avons réalisé récemment une étude pour essayer de voir l’état d’immunité des Algériens une année et demie après l’apparition de l’Omicron. C’est pour voir si on est toujours immunisé ou pas.

Peut-on avoir plus d’informations sur cette étude ?
C’est une étude multicentrique qui a été menée par l’hôpital de Rouïba, en collaboration avec plusieurs centres hospitaliers de Boumerdès et d’Alger. Elle consiste à chercher chez les donneurs de sang le profil immunitaire contre le Covid pour voir s’ils sont toujours immunisés ou pas. Nous avons trouvé qu’on est passé de 95% ou 96% d’immunité durant la période de l’apparition du variant Omicron à 91% actuellement, qui présentent une immunité soit par anticorps ou les lymphocytes T ou les deux à la fois. Ce taux d’immunité acquise nous laisse tranquille par rapport à l’avènement de ce nouveau variant. En plus de ça, notre immunité a été acquise par l’infection naturelle. Cette immunité est plus robuste, plus efficace et plus durable que celle acquise par la vaccination anti-Covid.

Ce nouveau variant intervient avec l’arrivée prochainement du virus de la grippe saisonnière. N’y a-t-il pas de risques de complications ?
Lors de l’apparition du Covid dans le monde, les experts étaient certains que l’atteinte par le Covid-19 et par la grippe saisonnière en même temps pouvait donner lieu à une symptomatologie très grave. Heureusement durant les deux années du Covid, il n’y a pas eu de circulation du virus de la grippe. Ce dernier a été prédominé par le virus du Covid-19 et ses variants. Par contre, cette année, on aura trois virus qui vont circuler en même temps : le virus de la grippe, le nouveau variant du Covid «Eris», en plus du virus respiratoire syncytial (VRS) qui touche les enfants et on a enregistré déjà quelques cas. Durant le mois de septembre, on s’attend à avoir plus de cas. C’est pour ça je recommande vivement la vaccination antigrippal qui reste efficace contre la grippe saisonnière, notamment chez la population à risque.

Selon vous, ce virus va-t-il encore muter ?
Oui. C’est ce qu’on appelle l’évolution naturelle des virus. Ce n’est pas uniquement le cas du virus du Covid-19, c’est le cas de tous les virus même celui de la grippe saisonnière qui a changé cette année par rapport à l’année passée. Cependant, je pense que la mutation du virus du Covid-19 ne va pas du tout dans le sens de la virulence. Il est en train de s’atténuer. Toutefois, il faut prendre en considération que devant une symptomatologie d’une affection virale il y a toujours des personnes vulnérables qu’il faut protéger en respectant les mesures barrières pour ne pas les contaminer. Il faut insister sur la vaccination antigrippale parce que des études ont montré qu’elle atténue l’atteinte par une infection Covid.
K. H.

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