Alors qu’elle se destinait à faire du droit, Meryem a bifurqué en cours de route et a tenté sa chance comme enseignante. La blouse blanche semble lui être taillée sur mesure. 20 ans plus loin, que reste- t-il de sa passion ? «Quand je sors le matin, je me sens forte, je sens que j’ai plein de choses à donner à mes élèves», dit-elle. Elle enseigne le français dans une école primaire à Chéraga. De l’énergie, elle en a à revendre, et à l’écouter, c’est l’ingrédient indispensable pour une carrière épanouissante. Pour «Madame», comme elle se fait appeler par ses élèves, enseigner au primaire, c’est valorisant. Une équipe pédagogique plus dynamique, plus soudée, un engagement plus fort, des challenges plus grands, des élèves plus spontanés, des difficultés plus lourdes, des satisfactions plus grandes. Sa passion est restée intacte. Pas de lassitude à répéter toujours les mêmes choses ? «Je ne me lasse tout simplement pas pour le moment. Oui, parfois, je n'ai pas envie d’y aller, je n’ai pas l’énergie, mais dès que je rentre en classe, quelque chose se met en marche, c'est inexplicable», répond-elle. Pour une passionnée comme elle, le simple fait de pouvoir apprendre à des élèves à parler français, les entendre parler cette langue suffit à la combler. «Je fais le maximum pour proposer à mes élèves un enseignement de qualité. J’essaie de leur donner envie de bien parler cette langue. Cette année, je fais le même cours trois fois dans la journée, et c’est différent à chaque fois, ça ne me pose pas de problème.» Et les nouvelles technologies ? «Les tablettes, c'est très à la mode, mais je ne suis pas certaine que l'on apprenne mieux avec.» Meryem semble assez représentative de la moyenne des enseignants d'aujourd'hui. Pas de grande réticence pour les TIC, mais pas de gros engouement non plus. Elle n'est pas contre, mais l'approche est timide. «Aller vers plus de numérique, c’est une bonne chose. Parce que quand nous avons commencé, nous avions plus de difficultés à produire nous-mêmes nos fiches. Maintenant, c’est pensé déjà d’avance et il y a maintenant internet pour pouvoir alléger les interventions des enseignants. Et c’est une bonne chose.» La transformation de l’école passe aussi par les enseignants, ce qui peut faire peur à certains, puisque cela implique forcément de sortir de leur zone de confort. Dès qu’elle commence à parler de sa classe, son regard s’illumine et son enthousiasme devient contagieux. «Je rencontre mes anciens élèves quelquefois et je suis comblée quand ils me disent qu’ils ont fait l’université et que le français est aujourd’hui leur outil de travail.» Le regard de Meryem a-t-il changé? «Mon regard sur le métier a changé, je me rends compte de la force mentale et physique qu'il faut avoir pour faire ce métier, notamment avec les plus petits. En effet, le primaire est un monde à part, un métier complètement différent par rapport au moyen ou au secondaire. Enseigner au primaire demande une attention de tous les instants.»
Farida Larbi