
Parmi les axes majeurs du Plan d'action du gouvernement, adopté lundi en Conseil des ministres, figure la consolidation de l'État de droit et de la gouvernance rénovée, qui repose notamment sur la modernisation de la Justice et le renforcement de son indépendance et des principes qu'elle garantit, conformément aux dispositions de la Constitution. Des points qui font partie des 54 engagements du président de la République dévoilés, lors de la campagne électorale pour la présidentielle du 12 décembre 2019.
Entretien réalisé par Kamélia Hadjib
El Moudjahid : Le renforcement de l’indépendance de la Justice est nécessaire pour consolider l’État de droit. Comment s’y prendre pour réaliser cette équation ?
Me Ksentini : Je suis totalement d’accord pour que la Justice soit renforcée dans son indépendance. C’est un principe constitutionnel, et le magistrat ne doit obéir qu’à la loi et à sa conscience, indépendamment de toute pression ou de toute injonction venue du Pouvoir exécutif. Il doit juger en toute indépendance, en dehors de toute pression, ce qui est fondamental, et c’est à partir de là que se construit l’État de droit. Un Etat de droit ne peut se concevoir qu’avec une justice indépendante qui garantisse la liberté individuelle. Qui garantit la protection des biens et de la vie des citoyens? C’est bien évidemment le magistrat. C’est lui qui défend les citoyens lorsque l’administration a commis des abus.
Comment le magistrat pourra, à votre avis, contribuer à la consolidation de cet Etat de droit ?
Le magistrat, pour pouvoir défendre les citoyens contre tout abus, doit lui-même jouir, premièrement, d’un statut particulier et deuxièmement agir et travailler en toute indépendance. C’est à partir de là qu’on garantit l’existence de cet État de droit et qu’on garantit également la démocratie. Ce sont les magistrats qui assurent la transparence des élections et surveillent leur déroulement pour empêcher la fraude et tout dépassement de l’administration. Une justice indépendante avec des magistrats indépendants est, à mon avis, le pivot de l’Etat de droit et le pivot même de la démocratie et de la séparation des pouvoirs.
Quel est, dès lors, le lien entre un Etat de droit et la démocratie ?
Tout est lié. La démocratie implique nécessairement la séparation des pouvoirs. C’est un critère fondamental que de voir les magistrats agir en toute indépendance, ce qui permet de dire que les pouvoirs sont séparés et que l’Exécutif ne s’est pas emparé du pouvoir judiciaire ou des institutions judiciaires pour le manipuler. Tout cela est cohérent et cette cohérence a une base. Il s’agit de faire de notre pays un Etat de droit dont rêve la majorité écrasante des Algériens.
Quel est l’apport du processus de moralisation de la vie publique et de lutte contre la corruption dans la consolidation de l’Etat de droit et la démocratie ?
La corruption a pour effet de tout fausser. Tous les principes sont dévoyés par la corruption. La corruption est un mal auquel il faut absolument s’attaquer pour le faire disparaître de notre société. Une fois ce mal écarté, il est évident que la démocratie exige un gouvernement par la transparence. Il faut que les élus et les responsables politiques soient mis dans l’obligation de s’expliquer sur ce qu’ils font et sur leurs actes et agir en toute transparence, c’est-à-dire de rendre des comptes, soit au parlement ou à leur hiérarchie et au peuple. C’est ainsi que les choses s’améliorent et que l’on devient un Etat démocratique et moderne à la fois. Parce qu’il est basé sur le contrôle des responsables et sur la transparence que ce contrôle exige et implique.
Comment doit-on renforcer la protection des fondements de l'identité́ nationale et de la mémoire ?
Toute société est le produit de son passé et de sa mémoire. Le citoyen algérien a besoin de connaître l’Histoire et l’itinéraire de son pays. Les facteurs qui renforcent cette identité sont la culture, la langue et la religion. Ce sont les fondements de l’identité nationale consacrés par la Constitution. La protection des fondements de cette identité nationale qui renforce notre unité doit se faire par l’instruction, l’éducation et l’enseignement. Il faut que l’Algérien soit informé sur son histoire. Il ne faut pas laisser l’écriture de l’Histoire aux colonisateurs parce que le colonisateur a dévoyé l’Histoire de ce pays. Il faut restituer l’Histoire à sa propre vérité et l’enseigner. Nos fondements sont arabo-algériens et amazighs, ce sont des constantes de notre itinéraire auxquelles nous devons nous accrocher, mais qu’il faut savoir identifier, renforcer et enseigner pour nous débarrasser de tout ce qui nous a été imposé durant plus de 130 ans de colonisation et qui visait à nous éloigner de notre identité et de notre religion.
K. H.