Bounaâma Mohamed, Docteur des Archives : «Une articulation historique dans la synergie du peuple avec son idéal»

Entretien réalisé par Soraya Guemmouri

El Moudjahid : L’Algérie a commémoré ces derniers jours  la grève historique des huit jours. Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs le contexte historique ayant précédé cette date indélébile ?
 
Bounaâma Mohamed : Je dirai qu’il est important de se référer au contexte qui prévalait en 1957. Durant cette période, les autorités coloniales avaient lâché la horde du 10e bataillon des parachutistes, connue pour ses exactions et crimes menés dans les autres ex-colonies françaises. Il y a eu également la chute de la IVe République qui, en accusant une condamnation de la part d’une bonne partie de la société internationale, entend par là, la position franche en faveur de l’indépendance de l’Algérie déclamée par le groupe afro-asiatique depuis le congrès de Bandung et celui des pays arabes et musulmans, ainsi qu’une partie des pays européens enfin favorable à un dénouement heureux pour les Algériens. Toute une mobilisation internationale qui s’ajoutait à la fronde qui frappait la France dans sa politique intérieure, animée par des élites telles que Sartre, Francis Jeanson, Maurice Audin, Henri Alleg... L’armée coloniale, faisant appel par la suite à Charles de Gaulle, pensait pouvoir surpasser tous ces échecs en Algérie, en changeant de stratégie d’occupation à coups de discours paradoxaux qui ont conduit finalement à isoler la France au sein même de l’AG des Nations unies. Il est important de signaler que durant cette même année, l’Assemblée nationale dans la métropole avait proclamé, par Guy Mollet, les pleins pouvoirs aux militaires pour mener à bien la mission que défendait Lacoste. Celle-ci consistait à faire taire toute résistance ou ralliement de la population à ses institutions de la révolution. Peine perdue, puisque ni la politique de plastification de l’imprimerie d’El Moudjahid, ni la campagne de disparition, de tortures et d’assassinats menée contre notamment les militants et la population d’Alger, n’ont pu éloigner le peuple de son seul credo : l’indépendance.
 
Qu’en est-il des événements survenus durant cette semaine historique ?
 
La commémoration de l’événement est une des stations cruciales dans l’histoire de la révolution nationale. C’est tout d’abord une articulation historique dans la synergie du peuple avec son idéal, avec sa révolution, sa résistance, et en définitive son refus au discours nouvellement adopté par la nouvelle République incarnée par l’aile radicale des militaires. Un discours qui n’avait été ni du goût des pieds noirs ni de celui de la population algérienne conduite par les instances de la révolution algérienne qui ont récusé et montré au monde entier sa fusion avec les principes que charriait le manifeste du premier novembre 1954...
La grève décidée par le Comité de coordination et d’exécution (CCE) avait scellé au plan international la juste cause d’un peuple qui se battait pour son indépendance au regard du droit et de l’opinion internationaux. Elle effaçait d’un trait toutes les allégations et discours empreints de la vision que se faisait la France du rêve napoléonien inhérent à son empire colonial, la France coloniale était alors démasquée et son aura international tant déclamé désormais démystifié, face aux crimes commis contre le peuple et patrimoine. En somme, et en toute légitimité, la grève des huit jours a constitué un des éléments déclencheurs qui ont contribué à inscrire la question algérienne à l’ordre du jour de la onzième AG agissant pour le droit des peuples à l’autodétermination. Cette grève avait eu pour conséquence une réaction armée rapide et fulgurante visant à faire disparaître toute forme d’opération d’appui par les fidayine aux moudjahidine et celle de la population qui servait de relais de communication et de cachette en tant que réservoir inépuisable d’éléments en faveur de la guérilla héroïquement menée par la population algéroise en dépit de toutes les formes de crimes menées par les forces coloniales françaises. Toutes les masses que constituaient les différentes couches de la population algérienne avaient alors pris part à cette grève historique, commerçants, artisans, employés,... 
 
Quel aura été l’impact de cette date sur le déroulement de la glorieuse Révolution de Novembre ?
 
Cette grève a montré le vrai visage de l’impérialisme des autorités coloniales françaises qui visaient à créer un territoire 
d’outre-mer asservi, aliéné, au service de la puissance coloniale. A contrario, tous les crimes commis par la France contre le peuple algérien pour l’amener à reconnaître la puissance française et à s’y soumettre ont eu un seul répondant, la reconnaissance internationale de la juste cause d’un peuple qui en souscrivant au mot d’ordre de la révolution a répondu présent et a fait échec après tant de sacrifices aux complots ourdies contre son existence.
 
S. G.

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