Brahim Guendouzi, expert en économie :«La diversification économique est un enjeu de souveraineté»

Alors que les recettes en devises issues des hydrocarbures continuent de dominer les finances extérieures de l’Algérie, les autorités réaffirment leur volonté de construire une véritable économie exportatrice, reposant sur des secteurs productifs diversifiés. L’objectif national est ambitieux : atteindre 10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures d’ici fin 2025, puis 29 milliards à l’horizon 2030.

Dans cet entretien, le Pr Brahim Guendouzi, économiste et spécialiste du commerce extérieur à l’Université de Tizi Ouzou, analyse les leviers mobilisés par l’État, les potentialités sectorielles et les défis à surmonter pour concrétiser cette ambition.

El Moudjahid : L’Algérie manifeste sa volonté de diversifier ses exportations. Cette ambition repose-t-elle sur une stratégie cohérente ?

PrBrahim Guendouzi : Oui, l’Algérie s’est dotée d’objectifs clairs et ambitieux pour développer les exportations hors hydrocarbures. Il s’agit de renforcer son tissu économique et d’ancrer une culture de la diversification. Une nouvelle approche est en cours : levée de plusieurs entraves bureaucratiques, amélioration des infrastructures logistiqueset mise en place d’un cadre fiscal et juridique incitatif. L’État entend ainsi porter les exportations hors hydrocarbures à 10 milliards de dollars d’ici fin 2025, puis à 29 milliards à l’horizon 2030. C’est une orientation stratégique de long terme.

Les entreprises algériennes sont-elles prêtes à s’imposer sur les marchés internationaux ?

Les entreprises, notamment les petites et moyennes, sont de plus en plus incitées à se tourner vers l’export. Il leur faut valoriser leur potentiel existant, tout en s’adaptant à une logique de compétitivité globale. Réussir à l’export, c’est d’abord savoir répondre aux exigences des marchés ciblés : normes techniques, logistique, adaptation des produits, financement, assurance-créditet accompagnement douanier.

Cela dit, plusieurs défis persistent. Le mode de gouvernance interne des entreprises, leur faible productivité et la lente intégration des standards internationaux sont autant d’obstacles. Toutefois, les mesures incitatives mises en place – allègements fiscaux, accès au financement bancaire, simplification des formalités douanières – constituent de véritables leviers pour encourager les opérateurs à se lancer à l’international.

Quels sont les secteurs les plus prometteurs à l’export ?

Plusieurs filières industrielles montrent déjà un potentiel important, notamment celles ayant réussi leur implantation sur le marché national. Je pense à l’agroindustrie, la pétrochimie, la sidérurgie, les matériaux de construction, l’industrie pharmaceutique ou encore l’électroménager. Ces secteurs disposent des atouts nécessaires pour se positionner sur les marchés étrangers.Par ailleurs, les produits agricoles frais, en particulier certaines filières reconnues pour leur qualité, peuvent également jouer un rôle majeur dans la stratégie d’exportation.

La création d’une nouvelle agence spécialisée à l’export, en remplacement d’Alogex, marque-t-elle un tournant ?

Absolument. Cette nouvelle agence aura pour mission de piloter la stratégie nationale de diversification des exportations. Elle devra notamment accompagner les entreprises sur les marchés internationaux et faciliter leur insertion dans la Zone de libre-échange continentale africaine1 (ZLECAF), tout en veillant à renforcer les relations commerciales dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne.Mais pour réussir, il faudra aussi s’attaquer aux contraintes logistiques, comprendre les spécificités des marchés africains et assurer des conditions de paiement sécurisées. La ZLECAF offre un accès à 54 pays : c’est un immense marché, mais aussi un défi de taille pour les opérateurs économiques algériens.

Si tous ces efforts sont maintenus et coordonnés – notamment la simplification des procédures, l’amélioration des chaînes logistiques et le soutien institutionnel –, nous pourrons assister, dans les prochaines années, à une progression significative des exportations hors hydrocarbures. Cette dynamique s’inscrit pleinement dans les engagements de l’Algérie vis-à-vis des accords de libre-échange, en particulier avec l’Afrique, porteuse de nombreux espoirs.

Propos recueillis par Samia Boulahlib

 

 

 

 

 

 

 

 

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