
Mourad Slimani
Six mois exactement après ce 20 mai 2024, qui a vu le procureur de la Cour pénale internationale en introduire la demande auprès de la Chambre préliminaire, les magistrats y accèdent enfin, mettant le chef du gouvernement sioniste et son ancien ministre de la Défense sur la liste des criminels recherchés et devant être arrêtés partout dans les 124 pays signataires du Statut de Rome, fondateur de la Cour.
La Cour pénale internationale (CPI) a émis, jeudi, des mandats d’arrêt contre le chef du gouvernement sioniste, Benjamin Netanyahu, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant.
C’est la première fois dans l’histoire que des responsables sionistes sont appelés à rendre des comptes devant une juridiction internationale, malgré leurs sinistres palmarès et les nombreuses plaintes qui les ont ciblés depuis des décennies. Six mois exactement après ce 20 mai 2024, qui a vu le procureur de la CPI en introduire la demande auprès de la Chambre préliminaire, les magistrats y accèdent enfin, mettant les deux personnages sur la liste des criminels recherchés et devant être arrêtés partout dans les 124 pays signataires du Statut de Rome, fondateur de la Cour.
Cette issue des délibérations met fin à des mois d’inquiétudes et d’interrogations quant à l’aboutissement de la procédure. Pas plus tard que mardi dernier, le procureur de la CPI a vivement été interpellé par des membres de l’Assemblée générale de l’ONU sur les lenteurs observées à conclure cette étape de l’instruction, sur fond d’appréhension quant à son aboutissement.
«La Chambre a émis des mandats d’arrêt contre deux individus, Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu’au 20 mai 2024 au moins, jour où l’accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt», a déclaré, dans un communiqué, la CPI.
Le même communiqué a précisé que l’ensemble des mandats d’arrêt ont été classés «secrets», dans le souci de protéger les témoins et de permette la bonne poursuite des enquête. Mais «la Chambre considère qu’il est dans l’intérêt des victimes et de leurs familles qu’elles soient informées de l’existence des mandats», a-t-elle expliqué.
Selon de nombreuses sources, sur la liste des accusés concernés, figurent des officiers et des responsables intermédiaires, et cet aspect sème la panique dans les rangs de l’armée sioniste.
Le feu dans la maison sioniste
Karim Khan, le procureur de la Cour, avait jugé, en mai dernier, disposer de suffisamment d’éléments probants pour poursuivre Netanyahu et son ministre de la Défense de l’époque, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Ghaza.
«Sur la base des éléments de preuve recueillis et examinés par mon bureau, j’ai des motifs raisonnables de croire que Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant portent la responsabilité pénale de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur le territoire de l’État de Palestine à partir du 8 octobre 2023 au moins», avait motivé M. Karim Khan.
Dans le même communiqué, le procureur de la CPI avait également cité en tant que crimes de guerre «le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances, ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé, l’homicide intentionnel, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile, l’extermination et/ou le meurtre, en tant que crime contre l’humanité, la persécution en tant que crime contre l’humanité, et d’autres actes inhumains, en tant que crimes contre l'humanité».
Aussitôt l’émission des mandats d’arrêts annoncée, le gouvernement sioniste a bien entendu, hurlé au scandale, dégainant de nouveau l’accusation d’«antisémitisme», à l’encontre de la juridiction internationale et de ses magistrats.
Benjamin Netanyahu, qui mène une guerre de génocide contre les enfants de Ghaza depuis plus d’une année, se permet même le cynisme de qualifier la démarche de la CPI de «naufrage éthique». Son ministre agité d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, propose, lui, d’annexer définitivement la Cisjordanie, en guise de réaction.
L’allié américain s’offusque également et promet de sévères sanctions contre la Cour et ses magistrats. Washington, qui n’est pas signataire du Statut de Rome, dit rejeter «catégoriquement» la décision de la Cour et évoque des «erreurs troublantes dans le processus» qui a conduit à l’émission des mandats d’arrêt.
Un «signe d’espoir» pour la présidence palestinienne
L’Europe est globalement plus réceptive. Josep Borrel, le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, a donné le ton, soulignant que «c’est une décision d’une Cour de justice, d’une Cour de justice internationale. Et la décision de la Cour doit être respectée et appliquée». Les Pays-Bas sont encore plus explicites. Le ministre des Affaires étrangères néerlandais a vite assuré que son pays était prêt à exécuter la décision des juges de la CPI. L’Italie a également assuré que ses services seront «obligés» de se conformer à la décision, alors que le gouvernement irlandais a annoncé qu’il arrêtera Benjamin Netanyahu s’il lui arrivait de se déplacer sur son territoire. Viktor Orban, Premier ministre nationaliste de Hongrie préfère la bravade et défie ouvertement, quant à lui, la CPI, affirmant que son jugement n’aura pas d’effet dans son pays.
«L’État de Palestine a salué la décision de la CPI» et souligné qu’elle représente un «signe d'espoir et de confiance dans le droit international et ses institutions», s’est félicité un communiqué de l’Autorité palestinienne, diffusé par l’agence de presse nationale Wafa.
Le Hamas, pour sa part, a considéré la décision comme «une étape importante vers la justice, qui peut permettre aux victimes d’obtenir réparation», appelant «tous les pays du monde» à la soutenir. L’Iran, quant à lui, a considéré que l’émission des mandats d’arrêt marque «la mort politique d’Israël».
La Chine a espéré, de son coté, que la CPI maintiendra une «position objective et juste» et exercera ses pouvoirs «conformément au droit». Les ONG Amnesty international et Human Rights Watch ont estimé, de concert, que désormais «Netanyahu est officiellement recherché», et indiqué que les États signataires et les institutions internationales sont tous appelés aujourd’hui à s’y conformer.
M. S.