
Entretien réalisé par Sami Kaidi
La Cour pénale internationale (CPI) a émis, jeudi 21 novembre, des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre des criminels sionistes, Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, «pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre» commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu’au 20 mai 2024, jour où l’accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt. Dans ce contexte, El Moudjahid a contacté l’avocat de la cause palestinienne, Me Gilles Devers, qui fait partie du collectif d’avocats ayant déposé ces plaintes, pour revenir sur les conséquences de cette décision historique.
El Moudjahid : Que signifie concrètement l’émission de ces mandats d’arrêt internationaux ? Quelles sont les conséquences possibles à court et long termes d’une telle démarche ?
Me Gilles Devers : Cette décision est triplement importante. Elle l’est d’abord pour le peuple palestinien qui est encore sous les bombes et qui subit de terribles souffrances à l’approche de l’hiver. De l’autre côté, ils se rendent bien compte que tous les gens sérieux qui travaillent donnent raison à l’application du droit international dont l’application logique est au profit du peuple palestinien. Cette décision est la victoire du peuple palestinien et c’est Netanyahu et Biden qui perdent.
Deuxième chose, c’est une victoire pour la Cour et pour le droit et je pense que tout le monde va en profiter. J’ai entendu plus de 200 000 fois que la CPI ne fera jamais rien contre Netanyahu. Voilà avec cet arrêt, la CPI rentre dans l’histoire des grandes juridictions internationales en étant la première à émettre des mandats d’arrêt internationaux contre des dirigeants occidentaux en état de puissance. Evidemment, cela donnera de nombreuses réflexions sur beaucoup d’autres cas. Techniquement, ce mandat d’arrêt est motivé et donc son émission balaye d’un revers des heures et des heures de propagande que j’ai entendue : la cour n’est pas compétente, la Palestine n’est pas un Etat… tout est balayé. En effet, l’Etat de Palestine est membre de la CPI et tout crime de guerre ou contre l’humanité qui a un effet sur le territoire donne compétence à cette dernière. On ne veut donc plus entendre parler de ces marchands de propagande qui n’ont qu’un seul objectif : affaiblir le droit international. A propos des conséquences, à court et long termes, la première chose c’est que si Netanyahu met les pieds en Europe, il sera arrêté et conduit à la CPI pour exécuter la privation de liberté le temps de l’enquête. Puis, il sera condamné compte tenu de la gravité des faits. Il n’y a plus aucun doute, ce dernier ne peut plus se promener et ce, dans aucun Etat européen. Dans ce sillage, Joseph Borell vient de faire une déclaration où il stipule qu’il s’agit d’une décision juridique et que tout le monde doit l’appliquer.
Les Etats occidentaux qui sont aveuglés en soutenant l’agression sioniste et en évoquant la légitime défense sont contredis par cette décision de la Cour.
Ainsi, la théorie fondamentale diplomatique de ces pays vient de s’écrouler. Ils devront changer au risque d’être accusés de complicité. Maintenant, c’est du droit et le premier complice va être Biden qui recevra bientôt sa plainte eu égard à son soutien financier et ses nombreuses fournitures d’armes. Pour notre part, on avance avec le droit international et les grands peuples en cours de libération savent que c’est par l’obligation de ce droit qu’ils ont somme toute progressé.
Peut-on dire que la décision des juges de la CPI prélude à un isolement de l’entité sioniste sur la scène internationale ? Ses soutiens occidentaux s’y plieront-ils?
La décision des juges de la CPI va effectivement préluder à un isolement de l’entité sioniste. Vous avez un nombre important de dirigeants qui avaient pris des distances parce que c’est absolument insupportable de voir ces destructions, la famine qui est d’ailleurs reconnue comme crime par la Cour, les destructions systématiques de biens publics et les morts que l’on ne compte même plus. Il n’y a absolument aucun doute, les soutiens occidentaux vont être obligés de changer leurs points de vue. S’ils ne le font pas on s’occupera d’eux en déposant plainte.
Ce qui est extraordinaire c’est ce que vient de dire la CPI sur le droit à la résistance du peuple, les crimes de guerre. On va voir s’ils pourront encore en Europe interdire nos réunions. Cette fois-ci, on va dire que l’on n’est pas là pour débattre mais pour lire simplement l’arrêt de la Cour. Les Etats occidentaux ont perdu tout sens de raisonnement, en fait, ils restent des puissances coloniales qui veulent dominer le monde comme en 1830 et rien n’a changé dans leur logiciel.
C’est des pays du Sud global, l’Algérie en tête, l’Afrique du Sud qui leur disent stop, c’est fini. A présent, c’est un grand travail qui commence mais il sera conduit de manière méthodique et implacable. A ce sujet, on va déposer une autre plainte dans les prochains jours pour les crimes commis contre l’UNRWA.
Une autre affaire est pendante au niveau de la CIJ. Peut-on espérer là encore un sursaut de la justice internationale ?
La Cour internationale de Justice (CIJ) s’est déjà prononcée dans le cas de l’urgence en disant qu’il y a génocide probable. Cela a manifestement aidé parce que c’est ce que dit la CPI en indiquant, je ne peux me prononcer directement sur cette accusation d’extermination mais plusieurs éléments à l’instar de la famine et la destruction systématique montrent qu’il y a un risque réel et imminent de génocide contre les Palestiniens. Les deux juridictions abondent donc dans le même sens. Ensuite, la CIJ a rendu un avis très important sur la colonisation en déclarant que tout ce qui se passe depuis 1967, c’est de l’occupation militaire et il n’y aura jamais aucune légitimité à cela. Par conséquent, la seule solution c’est de «dégager».
Les 650 000 colons doivent partir des territoires occupés et quitter Al-Qods et on aura réglé le problème. Encore une fois, le problème c’est l’application du droit et de l’avis rendu par la CIJ. Maintenant, le débat va reprendre à la Cour internationale de Justice. Cela va être très long sur la question de savoir s’il y a génocide ou non. Nous de notre côté, on fera le même débat devant la CPI.
Le peuple palestinien est entouré de droit et l’entité sioniste va se trouver prise dans un terrain terrible pour elle car ils ont inventé des concepts qui n’ont absolument rien à voir avec le droit existant. On va, de notre côté, démonter tous leurs arguments juridiques. On nous dit que l’entité a été créée par une décision de l’Organisation des Nations- Unies (ONU) et bien donnez-nous cette décision cela m’intéresserait car il n’y en a aucune.
L’entité sioniste a été créée par un coup de force suivi par un crime contre l’humanité, la Nakba. Voilà on va rappeler méthodiquement l’histoire et l’histoire c’est qu’il existait un Etat de Palestine sur le territoire de la Palestine historique.
S. K.