Blanchiment d’argent : l’Algérie classée pays «à haut risque» par l’Union européenne : Deux poids, deux mesures !

La Commission européenne a annoncé, mardi dernier, l’ajout de Monaco et neuf autres pays : Algérie, Angola, Côte d’Ivoire, Kenya, Laos, Liban, Namibie, Népal et Venezuela, à sa liste des pays à haut risque en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

La Commission européenne a pris cette décision, en suivant les évaluations du Groupe d’action financière (GAFI), l’organisme international chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, marquant ainsi «une nouvelle étape dans le dispositif de surveillance financière de l’Union européenne». Dans le même temps, la Commission européenne a retiré les Émirats arabes unis de cette liste, signalant «une amélioration notable de leur cadre réglementaire». «L’identification et l’énumération des juridictions à haut risque restent un outil essentiel, pour préserver l’intégrité du système financier de l’UE», a déclaré Maria Luís Albuquerque, commissaire européenne chargée des services financiers, ajoutant que «cette décision illustre la volonté de durcir son arsenal réglementaire contre le blanchiment et d’exiger une plus grande transparence des juridictions offshore». C'est ça se trouve, certains pays sont connus pour leurs niveaux de corruption endémiques et pour leur criminalité organisée enracinée jusque dans les structures de l’État, et en dépit des risques que font peser leurs pratiques, ils ne sont pas répertoriés par l’Union européenne (UE) parmi les pays tiers à haut risque en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
Quand bien même la Commission européenne représente les intérêts de l'UE au sein du GAFI, c'est à se demander pourquoi une telle décision ? À vrai dire, les arguments de l'UE ne tiennent pas la route, du moins en ce qui concerne l'Algérie, qui maintient une coopération proactive avec le Groupe d'action financière (GAFI), et poursuit ses efforts pour le renforcement de son cadre de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et ce à travers plusieurs mesures mises en place. Si la présidente du GAFI, la Mexicaine Elisa de Anda Madrazo, avait affirmé que l’inscription d’un pays dans la liste grise n’est pas une mesure punitive et qu'il s’agit, selon elle, d’orienter les pays concernés vers l’amélioration de leurs dispositifs, en collaborant activement avec leurs organismes régionaux respectifs et avec le GAFI pour élaborer un plan d’action, en revanche, la décision de l'UE d'intégrer l'Algérie dans la liste des pays à haut risque sonne comme une mesure punitive contre un pays qui s'est engagé à se conformer aux meilleures pratiques en matière de transparence financière et de lutte contre le blanchiment d'argent.
Il faut dire que l’Algérie a multiplié les mesures afin de sortir de cette liste. À titre d'exemple, dans la loi de finances pour 2025, l'introduction de la bancarisation obligatoire de certaines transactions, notamment dans l’immobilier, entre dans ce cadre, alors que la législation algérienne prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison pour les faits liés au blanchiment d’argent et au terrorisme.
L'Algérie a d'ores et déjà accompli des progrès significatifs et s'inscrit dans une dynamique d'amélioration continue de son cadre de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, marqué par l'adoption d'un Plan d'action détaillé. De plus, le GAFI avait reconnu et salué les efforts consentis par l'Algérie depuis l'adoption de son Rapport d'évaluation mutuelle (REM) en mai 2023, pour la prise en charge effective des actions recommandées, qui ont été réduites de manière fort importante, notamment à travers l'amélioration de la conduite des enquêtes et poursuites relatives au blanchiment de capitaux. Aussi, l’Algérie présentera, vers la fin de ce mois, auprès du Groupe d’action financière (GAFI), son rapport comprenant la stratégie nationale et les orientations du Comité national d’évaluation des risques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
Dans ce cadre, le GAFI examinera le rapport d’évaluation concernant l’efficacité des mesures prises par l'Algérie, pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération, ainsi que leur conformité avec les recommandations du GAFI. L'examen du rapport pourrait aboutir à la conclusion que l'Algérie a enfin atteint le niveau de conformité technique requis avec les standards du GAFI et son dispositif LBC/FT/CPF peut être considéré comme étant robuste, notamment pour ce qui concerne sa compréhension des risques de blanchiment de capitaux (BC) et de financement du terrorisme (FT), la coopération internationale, l’accès aux informations de base sur les bénéficiaires effectifs, l’utilisation du renseignement financier, la confiscation des avoirs criminels et les mesures de lutte contre le financement de la prolifération.
Le GAFI publiera le rapport d'évaluation de l'Algérie, une fois l'examen de qualité et de cohérence terminé. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de la réunion du Conseil des ministres du 18 mai dernier, a donné instruction d’appliquer les recommandations du GAFI, conformément aux engagements internationaux de l’Algérie de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive. Pour rappel, les actions recommandées par le GAFI ont été réduites de 74 à 13, ce qui traduit la ferme volonté de notre pays à aligner le régime national de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, avec les meilleures pratiques.
Tout un dispositif efficace a été adopté en ce qui concerne les informations élémentaires et sur les bénéficiaires effectifs, en améliorant son dispositif de déclaration des opérations suspectes, en établissant un cadre juridique et institutionnel efficace en matière de sanctions financières ciblées pour le financement du terrorisme, et en mettant en œuvre une approche fondée sur le risque pour la surveillance des OBNL (organisme à but non lucratif), sans perturber ou décourager indûment les activités légitimes.
Il est important de rappeler que l'Algérie dispose d'une Stratégie nationale de prévention et de lutte contre le blanchiment d'argent et de financement du terrorisme (2024-2026).

F. B.

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