Violences faites aux femmes : Elaboration d’un programme d’action multisectoriel

Véritable phénomène de société touchant tous les pays, la violence faite aux femmes et aux filles est un sujet de préoccupation qui fait l’objet d’un intérêt particulier en Algérie.

Et c’est pour mettre en lumière tous les progrès réalisés en la matière, dans le cadre du projet conjoint d’Appui aux efforts de l’Algérie contre les violences faites aux femmes et aux filles, mis en œuvre par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sous l’égide du Gouvernement algérien et le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) en partenariat avec l’ambassade du Royaume des Pays-Bas, qu’une rencontre a eu lieu hier, à l’hôtel Legacy de Ben Aknoun (Alger). Cette rencontre a eu pour objectif de souligner les acquis et défis dans la prévention et l’élimination de ces violences, toute en mettant en lumière les leçons apprises, les défis et recommandations possibles à l’intention des acteurs en charge de la réponse contre les violences et la protection des victimes en Algérie.
Intervenant à cette occasion, Sofiane Berrah, directeur général des relations multilatérales au ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, a mis en avant les efforts de l’Algérie dans la promotion des droits des femmes et des enfants, en renforçant les mécanismes juridiques de défense et de prévention dans ce domaine. Il signalera également l’intérêt que porte le président de la République aux franges vulnérables de la société, et qui constituent une priorité pour lui, ce qui a permis d’enregistrer de grandes avancées en la matière selon M. Berrah, preuve étant, les dispositions contenues dans la Constitution de 2020, dont l’article 40 stipule que «l'Etat protège la femme contre toutes formes de violence en tous lieux et en toutes circonstances». Le responsable évoquera, par ailleurs, le fait que l’Algérie a ratifié toutes les conventions et accords internationaux en matière de protection des droits de l’Homme, dans leur sens le plus large.
Pour sa part, l’ambassadrice des Pays Bas, Mme Janna Van Der Veld, a souligné que les violences faites aux femmes et filles concernent tous les pays et que ce problème concerne toute la société, «un récent sondage a démontré que plus de 45% des Hollandaises ont souffert un jour ou l’autre d’une violence physique ou morale, c’est pour vous dire», a-t-elle indiqué. Elle a affirmé que les gouvernements doivent développer des lois et des moyens pour contrer toute violence, pénaliser et poursuivre ces actes, et même aller aux racines de ce mal en éduquant les nouvelles générations en ce sens «tout le monde a le droit de vivre dans une intégrité physique et morale» a-t-elle tonné, Une vision partagée par la cheffe du Bureau UNODC,  Samia Chouchene et sa collègue Faiza Bendriss, cheffe de l’UNFPA qui ont tenu à rappeler au cours de leurs interventions, que «l'Algérie s'attèle à adapter ses législations aux engagements internationaux et conventions sécuritaires signés», et que le législateur algérien «a accordé une protection particulière à l'individu tout en criminalisant certains actes commis à l'encontre de la femme».
Qualifiant les amendements introduits en 2015 portant des peines durcies de «bond qualitatif», elles ont également rappelé la promulgation en 2020 de deux lois sur la prévention contre la discrimination, le discours de haine et le rapt.
Dans cette optique elles ont insisté sur les résultats probants de leur projet qui plaide pour une approche intégrée et participative de tous les secteurs concernés en vue d’apporter une réponse coordonnée au problème. 
A ce jour, plus de onze ministères et organismes sont concernés, de même qu’un réseau de 37 journalistes qui ont bénéficié d’une formation pour la bonne prise en charge de cette catégorie. Un court métrage pour la sensibilisation sur le sujet a même été réalisé et les expériences des autres pays dans ce domaine ont été partagées, ce qui constitue une valeur ajoutée incontestable à ce projet. Et comme de nombreux facteurs sont à l'origine de ce fléau apparu dans la société algérienne, notamment les traditions et coutumes, les débats des intervenants ont mis en évidence la nécessité d’inculquer les bonnes pratiques et les bonnes valeurs aux citoyens d’aujourd’hui et de demain, en les sensibilisant au rejet de la violence et de sa banalisation, tout en renforçant la prise en charge des victimes et en durcissant l’arsenal juridique et les mesures dissuasives. Ce à quoi tend le rapport de l’ONUDC. 
 
Amel Zemouri
 
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Des lois à parfaire

 
Plus de 4.620 cas de violence contre les femmes ont été enregistrés en 2022, dont 3.405 cas d'agressions physiques, 1.036 cas de mauvais traitements ainsi une cinquantaine d'agressions sexuelles, apprend-on par le biais de services de sécurité.
En Algérie et en dépit des dispositions prises par les autorités, la violence faite aux femmes s’amplifient. Du domicile familial, jusqu’au travail, en passant par la rue, les femmes subissent toujours multiples formes de violence et vivent des situations intenables.Les actes de féminicide se multiplient aux quatre coins du pays, n’épargnant ni femmes ni fillettes, voire les vieilles femmes. On déplore surtout 17 femmes assassinées par conjoint ou ex-conjoint, soit 50% des féminicides.
Pour la directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (CIDDEF), la femme algérienne est «de plus en plus exposée à la violence», en raison notamment de la détérioration des conditions de vie au sein des familles. «Notre rôle, en tant que société civile, est d’interpeller les pouvoirs publics sur ce qui ne va pas ou qui reste à faire, en construisant des plaidoyers qui les amènent à toucher du doigt les inégalités et à en donner les réponses légales et réglementaires. Nous l’avons fait pour le politique et il y a eu une réponse favorable. 
 
Des peines très lourdes contre les agresseurs, mais…
 
Dans le code pénal, l’article 266 bis, énonce des peines sévères allant d’un an d’emprisonnement à la peine de réclusion à perpétuité pour toute personne accusée de coups et de blessures volontaires à l’encontre d’une femme, ayant provoqué un état d’invalidité d’au moins 15 jours. La peine varie de deux à cinq ans si les coups et les blessures ont occasionné à la victime une invalidité de plus de 15 jours. Le même article préconise des peines de 10 à 20 ans contre toute personne ayant causé l’amputation, la perte d’un membre comme la vue ou de la perte d’un œil ou d’une invalidité permanente. La prison à vie est la sanction de ceux qui causent, par coups et blessures, intentionnellement la mort de la victime. L’auteur de la violence physique ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante si la victime était enceinte ou handicapée, ainsi que dans les cas où le crime a été commis en présence des enfants mineurs ou sous la menace d’une arme. La loi prévoit des circonstances atténuantes dans le cas où la victime pardonne à son agresseur et renonce à son droit de poursuite à son encontre. La loi prend en considération les aspects psychologiques des femmes et tout ce qui porte atteinte à la dignité et l’intégrité physique de celles-ci. 
En effet, l’article 266 bis 1 punit sévèrement cette forme de violence verbale ou psychologique et la punit d’un an à trois ans, notamment en cas de récidive. Le crime est reconnu même si la relation conjugale est rompue ou si ce dernier habite la demeure conjugale avec la victime ou pas. Aucune circonstance atténuante n’est prise en considération dans le cas où la victime est handicapée ou si le crime a été commis en présence d’enfants mineurs, sous la menace d’une arme. L’article 330 sanctionne d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50.000 DA à 200.000 DA, l’un des parents pour avoir quitté la demeure familiale pour plus de deux mois et de renoncer à toutes ses obligations morales et familiales. Cette nouvelle législation veut notamment défendre les femmes contre les violences de leur conjoint et préserver leurs ressources financières des convoitises de celui-ci, perçu comme le chef de famille dans les sociétés traditionnelles. 
Le texte dispose que quiconque porte volontairement des coups à son conjoint risque, en fonction des blessures, de 1 à 20 ans de prison avec la réclusion à perpétuité en cas de décès. Un autre article prévoit six mois à deux ans de prison pour «quiconque exerce sur son épouse des contraintes afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières». L’Algérie devient le deuxième pays du Maghreb —après la Tunisie— à criminaliser les violences contre les femmes. 
Toutefois, des obstacles se dressent encore devant ces femmes pour arriver jusqu'à la justice. Car lorsqu’elles se plaignent, les femmes sont confrontées à ce qu’on appelle le mode de la preuve. Ceci représente un vrai problème pour la femme, surtout quand il s’agit d’un harcèlement au sein de la famille. Cette procédure se dresse en obstacle devant les femmes qui veulent ester leurs agresseurs en justice. Du coup, des femmes ne jugent plus utile d’aller en justice dire qu’elles ont été violées, agressées, harcelées, battues et manipulées.
 
Farida Larbi 

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L’urgence de multiplier les centres d’accueil 

Pour ce qui est de la violence, le projet de loi révisant le code pénal qui incrimine la violence conjugale vient de corriger certaines lacunes. Ce qui manque le plus aujourd’hui en Algérie, ce sont des centres d’accueil et de prise en charge des femmes victimes de violence, ce qui les oblige à rester auprès de leurs maris et continuer ainsi à subir leurs violences «, regrette Me. Nadia Aït Zaï.
Il faut savoir, en effet, qu’en Algérie, seuls cinq centres d'accueil pour les femmes en détresse sont actifs sur tout le territoire, ce qui est insuffisant devant l'étendue du phénomène des féminicides. Quant aux centres téléphoniques pour écouter, orienter et venir en aide aux victimes de violences, ils sont inexistants. «Je plaide pour la mise en place d’une stratégie nationale multisectorielle et multidisciplinaire avec des mécanismes d’examen et d’identification et d’autres mesures pratiques pour la prise en charge des femmes victimes de violence. Cela permettra la création d’un réseau préventif de ce fléau en vue d’en réduire l’impact sur les familles, en général», dira l’avocate.
 
F. L.

 

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