Manifestations du 11 décembre 1960 : Le principe de l’autodétermination réaffirmé

Parmi les dates qui ont marqué l’histoire de la lutte de libération du peuple algérien (et elles sont nombreuses), il y a lieu de citer celle du 11 décembre 1960. De gigantesques manifestations se sont produites provoquant un grand retentissement dans le monde et ont imposé l’unique alternative d’une négociation du pouvoir colonial avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).

Ce n’était pas la première fois que les Algériens occupaient la place publique et exprimaient leur opposition à la politique de la France. Déjà en 1934, des manifestations avaient suscité des affrontements avec les forces de police à Alger. Les militants indépendantistes de l’Étoile Nord-Africaine prennent alors appui sur les jeunes des quartiers populaires, pour lancer le Parti du peuple algérien.
Mai 1945 a été aussi une date où les Algériens s’étaient exprimés pour l’indépendance. Ce sont des moments décisifs où ils avaient pris conscience de leur rôle d’acteurs privilégiés de leur destin.
Le 11 décembre 1960, les Algériens sont sortis manifester massivement pour réaffirmer pacifiquement le principe de l’autodétermination contre la politique du général de Gaulle.
Les manifestants ont surgi, par milliers, des quartiers ségrégués, au cœur des centres-villes coloniaux, subissant une terrible répression. Le général de Gaulle avait prévu un séjour en Algérie du 9 au 12 décembre 1960 pour promouvoir son projet néocolonial dénommé «Algérie algérienne». Calqué sur les modèles imposés dans les anciennes colonies françaises, il consistait à mettre en œuvre une nouvelle forme de vasssalisation.
À Oran, à Alger et dans plusieurs autres agglomérations, des commandos de jeunes Européens humilient et attaquent aussi les Algériens. C’est donc rue de Stora (devenue rue des frères Chemloul) à Oran ou rue de Lyon (Belouizdad) à Alger, qu’éclatent, le 10 décembre, les premières révoltes, et c’est là aussi que se forment les premiers cortèges de manifestants insurgés. Les soulèvements naissent ainsi sur les frontières urbaines de la ségrégation coloniale. À Alger, les premières révoltes à Belcourt sont suivies par celles des habitants du bidonville de Nador puis des autres zones précarisées. Des cortèges de femmes prennent la tête des manifestations et enfoncent des barrages militaires. Les soldats mitraillent nombre d’entre elles. Leur courage est bouleversant.
De Belcourt, les manifestations s’étendaient comme un feu de brousse aux quartiers populaires de la périphérie d’Alger, puis, dans les jours qui suivent, gagnent Constantine, Annaba, Sidi Bel-Abbès, Chlef, Annaba, Blida, Béjaïa, Tlemcen... Pendant près d’une semaine, des soulèvements sont réprimés impitoyablement par l’État et les ultras.
Les manifestations de décembre forcent le général de Gaulle à abandonner son projet de «troisième voie».

Négociations avec le FLN

Dans de nombreuses villes, apparaissent des slogans exigeant des négociations avec le FLN. «Abbas au pouvoir» ou «Vive le GPRA» ont fortement frappé l’esprit des observateurs internationaux jusqu’aux débats à l’ONU.
Les Algériennes ont été en première ligne. Les enterrements des martyrs, qui permettaient de faire partir de nouvelles manifestations après les mises en terre, étaient aussi organisés principalement par des femmes. Dans le même temps, des centres de soins étaient installés dans des appartements ou des mosquées, avec des médecins et des infirmières algériens. Des cantines de rue permettaient à tous de manger dans les quartiers bouclés. Presque partout, les troupes ont été déployées avec l’accord des autorités politiques. Elles ont tiré et tué, raflé et torturé. Ces manifestations, du point de vue des pratiques répressives et contre-insurrectionnelles, ont largement inspiré le plan de répression mis en œuvre le 17 octobre 1961 à Paris par le préfet de police Maurice Papon. Décembre 1960 est aussi l’évènement historique qui a irrigué la pensée de Frantz Fanon lorsqu’il commença à concevoir les Damnés de la terre. Le 19 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies vote la résolution 1573 (XV) reconnaissant au peuple algérien son droit à la libre détermination et à l’indépendance. La France a subi une cinglante défaite. Comme l’a justement noté l’historien allemand, le Pr Hartmut Elsenhans, le colonialisme français a connu, lors de ces manifestations, un Dien Bien Phu politique.
Mohamed B.

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