Le président de l’APN, lors des débats sur le PLF-2021 : «L’Algérie a besoin d’un discours rassembleur»

Ph. Louiza M.
Ph. Louiza M.

Les travaux de l’Assemblée populaire nationale (APN) ont repris, hier, en séance plénière consacrée à la présentation du projet de loi de finances (PLF-2021) et à la poursuite des débats autour de ce texte.

Dans son intervention, le président de l’APN, M. Slimane Chenine a indiqué, de prime abord, que «l’Algérie, en particulier dans cette conjoncture particulière, a besoin d’un discours rassembleur, loin de toute démagogie». A l’adresse des députés, il indique : «Personne ne doute de la bonne foi de vos intentions quant à la transmission des doléances des citoyens», précisant tout de même que «la période actuelle nécessite la conjugaison des efforts et chacun, à degré de responsabilité divers, devra donner le meilleur de soi pour être à la hauteur des défis». Enchaînant, M. Chenine indique que «notre nationalisme impose à nous de s’éloigner de tout ce qui divise et assumer nos responsabilités». Quant aux députés intervenus, ils ont, pour la plupart, relevé les points positifs du Projet de loi de finance complémentaire 2021, lesquels portent notamment sur la diversification de l’économie nationale, à travers la recherche d’alternatives à la rente pétrolière ainsi que la réhabilitation de certains secteurs comme le tourisme et l’agriculture, ainsi que la main forte que l’Etat compte prêter aux PME et start-ups. Toutefois, des réserves et des critiques ont été émises quant à l’efficacité du texte dans la conjoncture actuelle marquée par la propagation ininterrompue de la pandémie Covid-19. Les différents intervenants ont trouvé que le texte n’est pas rassurant quant au soutien de la production nationale, l’encouragement de l’investissement productif, l’élargissement de l’assiette fiscale, l’ancrage du principe de justice sociale, notamment devant l’impôt, et s’interrogent sur certains chiffres communiqués, comme celui du taux prévisionnel de croissance de 8% que les députés trouvent chimérique. Pour Louisa Malek du MSP, une crise multiforme se profile à l’horizon et indique que le PLF- 2021 «ne sert pas le citoyen notamment les catégorisées fragilisées». Avec un déficit budgétaire de plus de 1.700 milliards de dinars et les difficultés du marché pétrolier, la députée s’interroge sur les mesures qui seront prises pour rétablir la situation. Enchaînant, elle indique que le texte en question «n’a pas pris en considération les solutions à proposer aux entreprises très touchées par la Covid». Son collègue au parti, Abdennour Khelifi, tire la sonnette d’alarme sur le taux élevé de chômage qu’il situe à 21%, relevant l’urgence de mesures efficientes notamment en faveur des diplômés de l’enseignement supérieur. De son côté, Khoula Houifi précise que les prévisions sur l’inflation indiquant un taux de 4.05 en 2022 et 4.72 en 2023, sont «contradictoires avec l’objectif du texte à savoir préserver la pouvoir d’achat du citoyen sans toucher au caractère social de l’Etat qui ne se réalise qu’à travers les équilibres financiers». Outre les volets économique, financier et fiscal, des députés ont pointé de doigt le manque d’infrastructures et d’équipements pour une meilleure prise en charge de la pandémie. Un plaidoyer a été fait pour la levée du gel sur la construction d’un nouveau CHU à Constantine, qualifié d’une «urgence régionale». L’autre unanimité a trait à développer, d’abord, une meilleure stratégie de lutte contre le coronavirus, sans laquelle, affirment les députés, les solutions annoncées en termes économiques équivaudraient à une quadrature du cercle.
Fouad Irnatene

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Regards d’experts

L'Assemblée populaire nationale (APN) a repris, hier, ses travaux en séance plénière, consacrée à la présentation du projet de loi de finances (PLF2021), et à l'ouverture des débats autour de ce texte. Parmi les chapitres importants dans la conjoncture actuelle, figure le commerce extérieur. Joint par nos soins, Brahim Guendouzi, professeur d’économie à l’université de Tizi-Ouzou, indique que l’économie algérienne est en récession pour cette année 2020 en raison de l’impact de la Covid-19 sur l’ensemble de l’activité économique du pays, dont d’ailleurs certains secteurs sont encore paralysés, tels que les transports ainsi que l’hôtellerie. Le projet de loi de finances pour 2021, dit-il, s’inscrit dans ce contexte et présente une dimension inédite. Cette dernière, enchaîne-t-il, se traduit par une «chute sensible des recettes de l’Etat, aussi bien en devises à partir des exportations que de la fiscalité ordinaire et pétrolière, mais également par une augmentation des dépenses dès lors que les pouvoirs publics se sont engagés à faire face à la crise sanitaire qui persiste encore ainsi que ses effets sur les entreprises et les ménages».
D’où «la dimension volontariste de l’action de l’Etat qui ressort à travers le PLF-2021», explique l’économiste. La question du commerce extérieur présente quelques particularités du fait de la volonté exprimée de rationaliser les dépenses en devises, notamment à travers la réduction du volume des importations. Cependant, commente le Pr Guendouzi, «la nouveauté c’est essentiellement la mesure consistant à introduire le paiement à terme avec échéance de trente jours dans les transactions commerciales à l’international que ce soit dans la technique de la remise documentaire ou celle du crédit documentaire, habituellement utilisés dans les paiements extérieurs».

Obligation de paiement à terme : d’éventuelles perturbations  attendues

L’objectif étant de lutter contre la surfacturation et le transfert illicite de devises vers l’étranger. Cette nouvelle mesure sera-t-elle efficace pour ce type d’action qui nécessite réellement une véritable stratégie impliquant différents secteurs et non pas uniquement la douane et les banques ? «Il faut s’attendre à des perturbations dans les activités qui seront touchées par l’obligation de paiement à terme et les opérateurs économiques l’ont déjà fait savoir», relève l’universitaire.
Et d’ajouter : «Il est clair que l’Etat doit mettre de l’ordre dans les transactions commerciales internationales et mettre fin aux malversations qui portent préjudice aussi bien à l’économie qu’à la santé des consommateurs, mais faudrait-il choisir des instruments de lutte plus adaptés pour prétendre mettre fin à ces pratiques illicites». S’agissant des exportations hors hydrocarbures, l’économiste souligne que leur développement est une «nécessité absolue» et que «toute mesure prise dans ce sens est la bienvenue afin d’améliorer surtout le dispositif incitatif mis en place en faveur des entreprises exportatrices».

Start-up : «Prévoir des fonds  d’investissement public-privé  ouverts à l’international et IDE»

D’autant plus que, ajoute le Pr Guendouzi, «l’objectif ambitieux fixé par le Président de la République d’atteindre le montant de 5 milliards de dollars d’exportation en 2021 nécessite à lui seul une véritable stratégie, tant l’écosystème lié à l’exportation dans notre pays est problématique». D’autre part, il convient de préciser que le PLF- 2021 accorde un intérêt particulier aux start-up qui seront exonérées de plusieurs taxes, à commencer par la TAP (taxe sur l’activité professionnelle) et l’IBS (impôt sur les bénéfices des sociétés) et ce, pour une durée de 2 ans à partir de la date d’obtention dudit label. «Sont exonérés de la TVA et soumis à 5% des droits de douane les équipements acquis par les entreprises disposant du label «Start-up», entrant directement dans la réalisation de leurs projets d’investissement, selon l’article 84.
«Cette mesure a pour objet de permettre à la start-up algérienne de consacrer la totalité de ses ressources financières, ainsi que toute l’attention de son management, aux activités liées à son démarrage et son développement rapide», justifie le texte. Sollicité, Ali Harbi, expert-consultant en développement, voit les choses différemment, expliquant que la question dépasse les exonérations.

Marges de manœuvres «très étroites»pour le gouvernement

A ses yeux, la politique de développement de ces entités passe par la «rapidité de création d'entreprises en moins de 24h», un «internet haut débit assuré et garanti de type 100 M/s au moins au niveau des incubateurs et pépinières» Aussi, les startups «doivent bénéficier de leurs rentrées en devises», ainsi qu’un «appui au développement des exportations des start-ups en modifiant le dispositif ALGEX qui n’est pas adapté». Dans le même ordre d’idées, M. Harbi préconise, d’une part, une «simplification et accélération de l'accès à la propriété intellectuelle et dépôt de brevets», et de l’autre, «prévoir des fonds d'investissement public-privé ouverts à l'international et IDE». Quant à Mohamed Achir, économiste, qui fait une lecture globale du PLF-2021, il souligne que le gouvernement fait face à une contrainte budgétaire et financière et une baisse des réserves de change. «Les marges de manœuvres sont très étroites avec des déficits importants représentant 10% du PIB», indique l’universitaire. Et d’ajouter : «À propos de la rationalisation des dépenses, seule la suppression de 38 comptes spéciaux est importante en ce sens qu’elle garantit plus de transparence dans la gestion des comptes publics ainsi que plus d’affectation de leur solde vers les différents secteurs».
Fouad Irnatene

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Commission des finances de l’APN : Contenir les effets négatifs de la récession économique

La commission des finances et du budget de l'Assemblée populaire nationale (APN) a estimé, mardi dernier, lors de la présentation du projet de loi de finances pour l’exercice 2021 (PLF-2021) devant les députés, que les mesures prévues dans le projet de texte visaient à contenir les effets négatifs de la récession économique à laquelle fait face l’Algérie en raison de la situation sanitaire mondiale. Lors d’une séance plénière consacrée à la présentation et au débat du PLF-2021, sous la conduite du président de l’APN, Slimane Chenine, et en présence du ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, la commission qui présentait son rapport préliminaire a précisé que le projet de texte maintenait le soutien de l’Etat aux catégories sociales précaires, notamment en matière de santé, d’éducation et de pouvoir d’achat.
La commission a, en outre, salué les objectifs sur lesquels repose le PLF-2021, citant en particulier les mesures prises pour une reprise progressive de l'activité économique de manière à compenser les pertes subies en 2020 et à réduire les déséquilibres internes et externes.
La commission s'est, dans ce cadre, félicitée de la mesure prévoyant la clôture de 38 comptes d’affectation spéciale qui permet d'éviter le gel des crédits, ainsi que des mesures douanières visant à promouvoir la production nationale, à encourager les investissements, à renforcer le contrôle et à lutter contre la fraude sous toutes ses formes. Au volet budget, la commission a jugé impérative la poursuite du plafonnement des dépenses annuelles de 2022 et 2023 à même d’assurer la pérennité des dépôts du Trésor public, stimuler l’activité économique et rééquilibrer la balance des paiements à moyen terme.
La commission a préconisé, également, l’adoption d’une gestion administrative basée sur l’efficacité et la performance et l’installation d’un système informatique plus transparent et plus crédible au niveau des services publics.
Estimant primordial d’accélérer la numérisation du secteur des finances par la mise en place d’un système informatique financier et de mécanismes de coordination entre les différentes instances et institutions de l’Etat, les membres de la commission ont mis en avant l’importance de moderniser le système comptable financier qui permet de fixer le coût et le budget de chaque programme.
Pour ce faire, il serait judicieux de prendre davantage de mesures pour préserver, voire sauver, les institutions, eu égard aux incidences de la pandémie sur l’ensemble des activités économiques, mais également de procéder à une répartition équitable des projets de développement et de promouvoir rapidement les industries manufacturières et pétrochimiques, ont-ils encore recommandé.

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