Forum de la mémoire d’El Moudjahid - Rabah Bitat : Un symbole de résistance

Ph. T. Rouabah
Ph. T. Rouabah

Le Forum de la mémoire d’El Moudjahid, en coordination avec l’association Machaâl Echahid, a organisé, hier, un hommage consacré à l’une des figures les plus emblématiques de notre lutte de Libération nationale, en l’occurrence le moudjahid Rabah Bitat, un des six chefs historiques qui ont donné le signal du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954.

En cette occasion consacrée au devoir de mémoire et de souvenance, la militante Zohra Drif Bitat a évoqué très brièvement le parcours de son défunt mari, une personne issue d’une famille modeste, qui vivait la précarité d’une condition socioéconomique difficile, compte tenu du sort qui était réservé par le colonialisme français aux Algériens. Très précocement, Bitat avait pris conscience de ce qui se passait en Algérie, en termes de marginalisation, de paupérisation et d’exclusion politique à tous les niveaux.
Jeune, il avait déjà tracé la voie qu’il se devait de suivre, affichant ses choix et les assumant sans détours ni fioritures.
Elle n’a pas manqué de souligner que ce que vit aujourd’hui, le peuple palestinien, en matière de répression féroce, a déjà été le sort réservé sans ménagement par le colonialisme français au peuple algérien.
Latifa Hamsi, enseignante d’histoire à l’université de Médéa, a mis l’accent sur le patriotisme de Rabah Bitat, un patriotisme forgé à l’école du nationalisme algérien, fait de fidélité à notre personnalité, à ses valeurs les plus intrinsèques.
Notre invité a saisi l’opportunité pour brosser le parcours d’un militant qui a occupé de hautes responsabilités politico-militaires depuis le déclenchement de la révolution.
Cet engagement lui a coûté un emprisonnement et une vindicte coloniale qui ne s’était jamais apaisée compte tenu de l’importance de Rabah Bitat, membre d’un premier cercle de dirigeants qui ont sonné le glas d’un colonialisme de peuplement qui pensait, à tord, s’être emparé de l’Algérie pour l’éternité.
On rappellera que le défunt Bitat avait en sa possession, lors de son arrestation, une capsule de cyanure qu’il a avalée dans sa cellule. Il échappa à la mort. Les mauvais traitements qu’on lui avait infligés le poussèrent à se cisailler les veines avec un coupe-papier. L’historienne a mis l’accent sur l’exemplarité d’une génération de militants et de responsables algériens, imbue d’une volonté et d’une ambition de fer, toute dédiée à la concrétisation d’un objectif suprême, celui de libérer le pays d’un colonialisme qui s’était illustré par une violence sans bornes, a affirmé notre invité.
On dira aussi, pour notre part, que cette oppression dont parle avec lucidité Fanon, s’est exercée sous les formes les plus abjectes, par le sabre et par le feu depuis 1830.
Elle a indiqué qu’il appartient à nos historiens et à nos chercheurs de prendre en charge en permanence, l’écriture de notre histoire.
Cela est, nous semble-t-il, nécessaire pour démontrer combien, l’œuvre prétendument «civilisatrice» du colonialisme est une falsification éhontée de l’histoire.
Rabah Bitat a, dès l’accession de notre pays à l’indépendance, continué de servir le pays avec foi, conviction et dévouement, en occupant différentes hautes fonctions au sein de l’appareil d’Etat.

M. B.

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ILS ONT DIT

Saliha Saci Djeffal, moudjahida :
«Un homme de consensus»

Saliha Saci Djeffal affirme avoir partagé une belle expérience personnelle lors de sa rencontre avec Rabah Bitat et souligné que ce dernier avait une personnalité «exceptionnelle». «Les mots sont insuffisants pour lui rendre justice eu égard à sa grandeur. En tant que modeste moudjahida, j'ai eu l'occasion de le connaître, au lendemain de l’indépendance, lorsque nous sommes descendus du maquis. Il était responsable des organisations de masse et nous faisions partie de la jeunesse du Front de libération nationale. Nous étions le premier noyau de jeunes ayant participé à la révolution et appelés à contribuer à l’édification nationale. J'ai d'abord fait sa connaissance en tant que responsable du parti, mais c’est lors des élections suivant la Charte nationale de 1976, que j’ai eu l’opportunité de le côtoyer davantage. Il avait été élu député de Bouira et avait fait l’unanimité pour la présidence de l’APN. Durant les 5 années qu’il a passées à ce poste, nous avons eu la chance de travailler avec cet homme remarquable, et c’est là que nous avons découvert toute sa grandeur, sa modestie, et son engagement total envers l'Algérie. En tant que jeunes militants et députés, nous avons pu bénéficier de l’expérience de cet homme exceptionnel. Il était un homme de consensus, un rassembleur, toujours prêt à répondre à toute demande, tant que cela était pour le bien de l’Algérie. Je ne cesserai jamais de le remercier, et je remercie Allah de m’avoir permis de le côtoyer», a-t-elle témoigné avec émotion.

Aïssa Kasmi, Moudjahid et Historien :
«Il était un artisan de l’unité»

Le moudjahid Aissa Kasmi a souligné que Rabah Bitat est l'un des leaders emblématiques du mouvement national, un fervent militant du PPA et du MTLD et rappelé qu’il a été arrêté, torturé et maltraité après le déclenchement de la Révolution. «Il a ensuite été emprisonné en France, où il a partagé sa détention avec d'autres cadres de la révolution tels que Ben Bella, Khider et Boudiaf. Il est resté incarcéré tout au long de la guerre de Libération, de 1955 à 1972. Libéré en 1962, il a joué un rôle essentiel dans la stabilisation du pays et dans le dialogue entre les différents acteurs. Bitat était un artisan de l'unité, cherchant à éviter les divisions internes», rapporte-t-il.
Élu député à la première Assemblée nationale en 1962, puis membre du Conseil de la Révolution à partir de 1965 aux côtés du président Houari Boumediene, il a, par la suite, occupé le poste de ministre des Transports, avant de devenir président de l'Assemblée nationale. «Une fonction de grande importance qu'il a exercée pendant de nombreuses années», a-t-il précisé.

Mahrez Lamari, militant des droits de l’Homme et des peuples :
«Il a tout donné»

Mahrez Lamari a assuré que Rabah Bitat était un homme d'État révolutionnaire et un patriote qui a «tout donné» pour l'indépendance de l'Algérie, en étant l'un des pionniers de la Révolution (membre du groupe des 22 et des six historiques). «Lui rendre hommage aujourd’hui, c’est aussi rester fidèle à une histoire qui reconnaît les sacrifices considérables qu'il a consentis, tant durant la Révolution qu'après l’indépendance», a-t-il soutenu, affirmant qu’il a également joué un rôle essentiel dans l'édification et la construction de l'Algérie post-indépendance. «Aujourd'hui, poursuivra-t-il, il est important de souligner que son message reste toujours pertinent. Le message de Novembre, qui a uni tous les Algériens, est toujours d'actualité. La jeunesse, dans un esprit de complémentarité intergénérationnelle, perpétue ce message.»

Propos recueillis par : Radja Benhameurlaïne

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