
Par Boukhalfa Amazit
Avec 360 km2, la bande de Gaza représente, en superficie, moins du tiers de la wilaya d'Alger, qui est la plus petite d'Algérie, avec ses 1.190 km2. Ce ruban de terre de 41 km de long (Alger-Boudouaou), sur 6 à 12 km de large (Alger-Baraki), est soumis, depuis plus d'une semaine, aux bombardements de l'aviation et de l'artillerie israélienne qui expérimente pour son compte et celui de son égide tutélaire américain, les armes de destruction les plus sophistiquées du monde. Imaginez un seul instant, 160 avions qui survolent et assaillent la superficie citée plus haut et sans doute, vous pourrez conjecturer ce chaudron du diable dans lequel vivent, ou plutôt survivent, plus de deux millions de Gazaouis sachant que Gaza-ville est peuplée de 524.000 habitants (hab) entassés ou parqués, depuis le blocus israélien de 2007, sur 76 km2, soit une densité de 6.894,73 hab/km2 ! Il n'y a pas beaucoup de prisons dans le monde, qui présentent une telle surpopulation.
La semaine dernière, l'armée d'occupation claironnait triomphalement, que 160 avions de guerre, vomis par 6 bases aériennes, pendant la nuit de jeudi à vendredi, ont largué en 40 minutes, 450 missiles meurtriers sur 150 cibles réelles, vivantes, humaines. Comment ose-t-on décemment parler de «frappes» pour désigner un tel déluge démoniaque ? «Nous avons visé des cibles souterraines et détruit des tunnels», mentait cyniquement, le lieutenant-colonel Avichay Adraee, un des porte-parole de l'armée d'agression, tentant de dédire les centaines de médias internationaux, qui ont filmé et diffusé les images du crime pendant qu'ils le perpétraient. Certains, dont la pétulante chaîne de télévision qatarie Al Jazeerah, et la vénérable agence américaine Associated Presse (AP), ont été payés de leur audace pour avoir fait leur travail en rapportant l'horrible forfaiture. L'imposant building qui abritait, entre autres locataires, leurs bureaux, a été littéralement pulvérisé par les tirs de nouveaux missiles qui vous abattent des gratte-ciels comme un château de cartes et en font un tumulus informe de poussière, de ferraille, et de béton concassé. «Cet immeuble abritait des bases et un leader du Hamas», décrétaient les chefs de l'»armée la plus humaine» du monde qui a tué jusqu'ici, depuis le 7 mai, 230 Gazaouis dont 60 enfants, sans compter une quinzaine en Cisjordanie.
Un silence concerté et entendu, entoure ces armes infernales et leur pouvoir létal, tandis qu'à l'inverse, un matraquage frénétique est organisé par les médias autour des roquettes de la riposte palestinienne. Elles ont été comptées, épluchées, désossées par les «commentateurs», les «spécialistes», les «experts» et autres paladins des écrans plasma des chaînes info. On ne manque pas d'y louanger l'efficacité du «dôme de fer», sans lequel, insistent-ils, ce seraient autant de victimes civiles israéliennes qu'on aurait eu à dénombrer. Le but étant de présenter une des dix puissances nucléaires de la planète, comme un pays sur la défensive, agressé par le Hamas palestinien.
Pendant ce temps, le Conseil de sécurité de l'ONU, désireux de se pencher sur la question, a été sèchement tancé par la délégation américaine qui a sommé la Vieille dame, en lui ordonnant de fermer cette fenêtre, une façon non dissimulée de donner à M. Netanyahou un peu plus de temps pour mieux asseoir son avantage stratégique et terminer le «travail».
Les observateurs spécialisés dans le décryptage des codes en vigueur dans l'administration washingtonienne, quand il s'agit pour elle de s'adresser à Tel-Aviv, en ont eu pour leurs spéculations. Le départ, en janvier dernier, du généreux bienfaiteur M. Donald Trump et de son gendre, le sémillant Jared Kushner, dévoué groupie de M. Benyamin Netanyahou, avait laissé supposer des changements, sinon dans la politique états-unienne à l'égard des Palestiniens, mais à tout le moins, une attitude moins unilatérale et complaisante envers les ultras sionistes, pour lesquels les prédécesseurs de M. Joe Biden, avaient tout accordé. De ce côté, il n'y a pas grand chose à attendre. Il est vrai que l'aide humanitaire aux Palestiniens a été rétablie. En effet, la Maison-Blanche a annoncé dans le courant de la première semaine du mois d'avril passé, la reprise de l'assistance, qui devrait atteindre 235 millions de dollars.
Pour rester dans le chapitre financier, on notera que fin avril, les trois quarts des députés de la chambre des députés se sont déclarés favorables à la non-imposition de l'aide annuelle de 3,8 milliards de dollars régulièrement consentie pour la défense israélienne. Sans doute est-il utile de préciser que l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le puissant lobby pro-israélien, rodé depuis 1963, a solidement charpenté l'initiative.
L'annonce du retour de l'aide US aux Palestiniens, a été accompagnée d'une déclaration qui réaffirme le «soutien à une solution à deux Etats». Aussi minime que cela soit, cette déclaration de principe n'a, bien entendu, pas été de nature à plaire aux dirigeants israéliens, lesquels avaient pris goût à la politique ouvertement hostile aux Palestiniens et aux faveurs sans restrictions qui leur étaient concédées. Cependant, la solution à deux Etats est une option qui était déjà sur la table avant l'assassinat de Shimon Peres en 1995 et les Accords d'Oslo en 1993 qui prévoyaient un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité. Réaffirmer l'adhésion à l'alternative ne fait pas avancer vers la paix si elle n'est pas accompagnée de la volonté politique clairement exprimée par la partie israélienne qui poursuit en dépit de plus de deux cents résolutions onusiennes, sa politique d'extension des colonies et sa volonté de faire admettre le fait accompli de l'occupation, notamment d'El Qods-Est, comme préalable à toute négociation.
S'il est vrai que M. Netanyahou — qui totalise 15 ans aux commandes du sionisme —, tout occupé à sa macabre besogne, est orphelin de l'ancien locataire de la Maison-Blanche. Il n'en est pas moins rassuré quant à l'avenir des grands principes de sa politique, notamment la poursuite de la colonisation des territoires, puisque M. Biden vient, à son tour, de lui proroger le permis de tuer, en verrouillant tout projet de la «communauté internationale», susceptible d'aller dans le sens d'une désescalade à Gaza ou en Cisjordanie, d'où est partie la provocation des suprématistes juifs.
B. A.
kalafamazit@gmail.com