
New Delhi et Pékin s'accusent mutuellement de franchir leur frontière commune. Depuis plusieurs mois, les tensions entre la Chine et l'Inde se sont accrues dans cette zone de l'Himalaya, faisant craindre de nouveaux affrontements. Des incidents ont eu lieu la semaine dernière dans la région du Ladakh, située dans l'est de l'Inde. Selon Pékin et New Delhi, la ligne de contrôle effectif, qui fait office de frontière entre l'Inde et la Chine mais qui n'est pas démarquée, aurait été franchie. Mais aucune des deux parties n'admet l'avoir fait. Une représentante du Parlement tibétain en exil, Namghyal Dolkar Lhagyari, a par ailleurs annoncé qu'un soldat d'origine tibétaine engagé au sein des troupes indiennes avait été tué lors d'un accrochage avec l'armée chinoise. Les affrontements de ces derniers temps confirment l’extrême tension qui règne dans cette région, et ce, malgré un accord bilatéral datant de 1993 et qui interdit aux armées de tirer sur le camp adverse. Le 15 juin, des heurts avaient en effet déjà eu lieu dans la région montagneuse du Ladakh. Au moins 20 soldats indiens sont morts ce jour-là dans un combat au corps-à-corps avec leurs homologues chinois. À la suite de ces nouveaux heurts, fin août, l'armée indienne a accusé la Chine de «mouvements militaires provocateurs». L'Inde a, dans la foulée, annoncé avoir «pris des mesures pour renforcer ses positions et déjouer les intentions de la Chine de changer unilatéralement la situation sur le terrain». De son côté, Pékin a rejeté toute responsabilité dans ces accrochages. Mercredi dernier, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a déclaré que «depuis le début de l'année en cours, l'Inde avait violé de manière répétée les accords bilatéraux et un consensus important» sur la frontière. Et d'affirmer que l'Inde «a essayé de modifier unilatéralement le statu quo par la force, sapé la paix, la stabilité et provoqué de la tension dans la zone frontalière. La responsabilité revient indubitablement à la partie indienne». Cette ligne de contrôle a été définie en 1962, au moment de la défaite de l'Inde face à la Chine dans un conflit sur la frontière himalayenne. Mais selon des experts, «des incertitudes subsistent autour du tracé de cette ligne». Les affrontements récents ont ainsi eu lieu dans la région de l'Aksai Chin, administrée par Pékin mais revendiquée par New Delhi. Pour les Chinois, il s'agit d'une zone stratégique car elle s'étend notamment sur deux provinces chinoises, le Tibet et le Xinjiang, où Pékin souhaite asseoir sa souveraineté. Cette volonté de domination de Pékin pourrait être à l'origine du renforcement du contentieux dans cette région du Cachemire. Ces événements surviennent également plus d'un an après l'abrogation de l'autonomie du Jammu-et-Cachemire, région indienne revendiquée par le Pakistan. «Quand le gouvernement indien a modifié le changement de statut du Jammu-et-Cachemire, il a aussi publié une nouvelle carte qui redéfinit les régions. Pour les autorités indiennes, cette nouvelle carte ne faisait que remettre sur la table les revendications indiennes qui ne reconnaissent pas les occupations chinoises et pakistanaises» dans le Cachemire, explique Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS et chercheur au think tank Asia Centre. Cette décision aurait pu, selon lui, déclencher une réaction de la part de Pékin. Mercredi, des pourparlers entre des officiers des deux camps ont eu lieu, mais aucun progrès susceptible d'apaiser les tensions n'a été annoncé au moment où le Président américain annonçait une offre de médiation pour parvenir à un règlement de cette crise.
M. T. et Agences