Fruits et légumes : Si chers

El Moudjahid
El Moudjahid

La hausse des prix des fruits et légumes est un sport national ! Faire ses courses est devenu un véritable problème. Tout est si cher. Les petites bourses sont mises à rude épreuve. L'érosion du pouvoir d’achat se fait de plus en plus sentir. A Bachdjerrah, marché pourtant réputé pour son «bon prix», peu de citoyens sortent avec un couffin bien rempli. Le constat est là : on se contente de petites quantités, du strict minimum. Les étals sont bien achalandés, mais les prix pratiqués ces jours-ci sont inabordables pour les citoyens à faibles revenus. Pour vous mettre dans l'image, le kilo de haricot vert tutoie les 320 dinars. «Exagéré », résume, plaintive, une habituée du marché. Elle avance à petits pas et nous invite à voir de visu le prix de la courgette qui oscille entre 100 et 140 dinars, les fèves sont cédés à 100 dinars, le fenouil et la betterave à 70 Da. L’étonnement se lit sur les visages. «Trop, c’est trop », déplore Walid, accompagné de son père septuagénaire. A ses yeux, les prix devraient se situer à des niveaux plus bas, compte tenu des atouts dont dispose l’Algérie dans le domaine agricole. La situation risque d’exacerber l’ire des citoyens à l’approche du mois sacré de Ramadhan. Du côté des vendeurs, on s’en lave les mains. Ils pointent du doigt les commerçants du marché de gros «chez qui les prix sont élevés». Mouloud, originaire de la Haute Kabylie, expose ses oranges. Prix affiché : 130 DA la mandarine et 100 DA l'orange Thomson. «Notre marge est infime », indique-t-il. Sollicité par nos soins pour expliquer cette situation, Mohamed Achir, Docteur en sciences économiques à l’Université de Tizi-Ouzou affirme d'une part que l’augmentation continue des prix des fruits et légumes frais est liée d’une part à «la faiblesse du système de distribution, multiplication des intermédiaires et des spéculateurs, faiblesse des chaînes de froid ». D’autre part, le secteur agricole a enregistré un recul durant l’année 2021 « à cause de la sécheresse ». Il soutient que la production de la filière des légumes a baissé de 3,4 % durant la saison 2020/2021, la pomme de terre a reculé de 6,4 %. Il faut aussi noter que «les pertes enregistrées en 2020 dans certaines filières comme la pomme de terre et les viandes blanches ne sont pas sans conséquence sur l’année 2021».

Professionnalisation de la grande distribution

De son côté, Souhil Meddah, expert financier explique que le marché de la consommation de base en fruits et légumes «subit toujours les aléas du commerce, soit en amont comme le cas  des hausses à l’importation des produits nutritionnistes, causées par les agitations des cours sur le plan international, mais surtout du cours du dinar, qui est malheureusement en train d’impacter  la partie pouvoir d’achat au lieu qu’il contribue à l’organisation des critères de compétitivité nationale ». Il est également clair, selon Meddah, qu’à partir du moment où certains composants sont importés, «certains faits à l’international conditionnent des surcoûts supplémentaires, comme pour le shipping qui affiche des hausses de prix importantes et des disponibilités de moyens très limités ». D’autre part et en même temps, d’autres critères internes poussent également les couts à des niveaux injustifiables et «sont forcément subies par les consommateurs dus essentiellement aux différents circuits de distribution et de spéculation, caractérisés par la nature opportuniste adoptée par ses différents intervenants et qui échappent à tout contrôle et régulation ». Cette situation «affecte aussi le circuit amont, c’est à dire la production qui se trouve de temps en temps dans une situation de ralentissement de cadence, du fait que certains spéculateurs préfèrent agir sur le volume quantité/prix ». Mais sur le plan interne du marché, l'expert financier Meddah estime qu’il est «urgent que ce marché se dote d’un schéma de distribution à la fois libre mais règlementé par les pouvoirs publics ». Une démarche qui se fait à travers « la professionnalisation de la phase grande distribution par la mise en place de centrales d’achats qui  fonctionnent dans un cadre réel formalisé et qui alimente les autres espaces plus décentralisés et plus restreints, pour limiter les intervention unanimes des spéculateurs. »

Fouad Irnatene

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