Conseil de sécurité : le cri de vérité d’Amar Bendjama

  • « Où étiez-vous quand les enfants de Ghaza mouraient de faim ? »

Discours émouvant que celui prononcé mardi dernier par Amar Bendjama, au Conseil de sécurité. Défilant des photos d’enfants de Ghaza, morts de faim ou souffrant de malnutrition, il a interpellé la conscience des présents et celle de l’humanité entière. Zainab Abu Halib, Mask Al-Madhoun et Razan Abu Zahir avaient eux aussi et comme tous les enfants du monde, des rêves.

Dès le début de son discours, le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies, a établi un principe moral fort, rejetant la notion de hiérarchie des vies humaines. Après avoir évoqué le cas de l’otage Evitar David, en disant qu’«il ne doit pas être détenu. Et qu’il ne serait pas détenu si le cessez-le-feu à Ghaza n’avait pas été violé par les forces d’occupation israéliennes», Bendjama a déclaré : «Nous ne mesurons pas la valeur des vies humaines sur la base de la couleur ou de la religion. Nous n’avons pas de double standard dans notre boussole morale. Ce que nous demandons pour le peuple palestinien, nous le demandons pour tous les peuples. » Il a insisté sur l'idée que la dignité et la vie sont des droits universels, et que l'humanité ne peut pas faire de distinction entre les victimes. «Tout être humain, quel que soit sa couleur, son sexe ou sa religion - civils ou soldats comme Evitar David - mérite d’être traité humainement et de vivre dignement», a-t-il affirmé.

Cela étant, le discours de Bendjama s'est concentré sur la crise humanitaire à Ghaza, qu'il a qualifiée de «catastrophe», critiquant au passage l'efficacité limitée de l'aide actuelle et les méthodes employées, notamment les largages aériens. «L’aide humanitaire récemment autorisée à Ghaza ne fait qu’effleurer les besoins», a-t-il dit, ajoutant «Les parachutages de vivres ne sont pas une solution. On ne peut pas nourrir les gens depuis le ciel tout en maintenant les passages terrestres fermés».

Et là-dessus, M. Bendjama a insisté sur le caractère obligatoire de l'accès à l'aide, en se référant aux conventions internationales. «L’accès humanitaire est une obligation légale selon les Conventions de Genève. Ce n’est pas un service, ni un sujet de négociation. Il ne peut être utilisé comme monnaie d’échange pour la libération des détenus», dira-t-il accusant les forces d'occupation de l'utiliser comme une arme, en coupant l'eau, la nourriture et les médicaments.

Poursuivant son plaidoyer pour Ghaza, le représentant algérien a décrit la situation de la famine comme un drame planifié et inéluctable. Bendjama a rappelé à juste titre que les forces d’occupation israéliennes qui ont convoqué cette séance, sont les mêmes qui nient clairement la famine à Ghaza ; les mêmes qui ont coupé l’eau, la nourriture, l’électricité et les médicaments à Ghaza. Et le représentant algérien de rappeler les déclarations des experts des Nations unies, le 29 juillet dernier, qui avaient clairement dit «Les actes d’Israël à Ghaza sont barbares. Les responsables gouvernementaux israéliens pourraient commettre des crimes selon le Statut de Rome, notamment par la famine». «Ce ne sont pas nos paroles, mais les conclusions des experts internationaux», rappelle Bendjama.

Bendjama poursuit son discours en déclarant que «le seuil de la faim a été franchi et que l’insécurité alimentaire touche tous les détenus. La faim n’est plus une exception mais la règle.» Et pour donner une dimension humaine à cette tragédie, il a cité les noms de victimes en montrant des photos de «Zainab Abu Halib, une fillette morte de malnutrition, Mask Al-Madhoun, un enfant souffrant de malnutrition, Razan Abu Zahir, morte de faim…». Des photos insoutenables d’enfants squelettiques où les os sont largement visibles derrière une peau complètemment décharnée. Enfin, le point culminant de son intervention a été la qualification des événements en cours de génocide. Il a lancé un appel clair : «Appelons les choses par leur nom : C’est un génocide, un génocide, un génocide» dira-t-il en répétant par trois fois le mot «génocide» en précisant sciemment que cette qualification était partagée même par «des voix israéliennes et des humanitaires présents sur le terrain».

Et pour finir, M. Bendjama a interpellé le Conseil de sécurité. «L’ignorance ne peut justifier cela. Et le silence ne peut justifier le génocide», a-t-il martelé, en terminant son discours par une série de questions qui interpellent les consciences et qui resteront dans les annales : «Les générations futures vous demanderont : Où étiez-vous quand Ghaza était en train de mourir de faim ?» et «Au Conseil de sécurité, où étiez-vous quand les enfants mouraient en cherchant du pain et de la nourriture ?»
Et Amar Bendjama de conclure en avertissant que «ceux qui nient le crime deviennent complices» et que «l’histoire retiendra... que ceux qui gardent le silence sont témoins de cette honte. ».
Pour Amar Bendjama, «l’injustice ne peut devenir notre pain quotidien», en réitérant l’appel de l’Algérie à un « cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et durable».

Y.  Y.

Multimedia