Clôture vibrante du Festival international de danse contemporaine : corps en résistance, âmes en mouvement

Ph.:A-Asselah
Ph.:A-Asselah

Sous les voûtes du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi, lundi soir, le TNA battait au rythme des pas. La 13ᵉ édition du Festival international de danse contemporaine s’est refermée dans un souffle vibrant, devant un public venu en masse pour assister à une soirée qui n’était pas une simple clôture, mais une véritable célébration des corps et des mémoires. Sur la scène, tout a commencé dans une pénombre douce, presque religieuse. Une danseuse surgit, seule, son bras fend l’air comme pour repousser une ombre invisible. Sa respiration, audible jusqu’aux gradins, ouvre le premier ta- bleau : celui d’une Palestine meurtrie, mais debout.

Une à une, les autres silhouettes la rejoignent. Elles s’enlacent, se portent, se relèvent, tissant un langage où chaque mouvement devient prière et chaque pas, cri silencieux. Un danseur, arborant le keffieh palestinien, fend le plateau d’un solo vibrant. Sensouna, danseuse talentueuse malgré son handicap physique, bouleverse l’assistance par la force et la fragilité mêlées de ses gestes. Pendant 15 minutes, la scène racontait l’oppression et la résistance à travers des corps qui refusent le silence, jusqu’à ce que les applaudissements, longs et fervents, saluent l’hommage. Puis, comme une vague, tous les danseurs des pays participants rejoignent la scène sous la direction du chorégraphe palestinien Mohammad Ali Deeb. Inspirée de la dabke, danse traditionnelle de Palestine, sa création transforme le théâtre en un espace de fraternité universelle. Les drapeaux algérien et palestinien se lèvent dans la lumière, la musique envoûtante résonne comme une incantation, et les pas mesurés des artistes forment un battement de cœur commun.

Le public tape des mains en rythme, emporté par la puissance de cette fresque collective. L’atmosphère change lorsque les Italiens du Gruppo E-Motion, dirigés par la chorégraphe Francesca La Cava, investissent le plateau. Le spectacle devient voyage initiatique en trois temps - procession, migration, manifestation - où les corps glissent, se frôlent, se heurtent et se perdent entre des mouvements hypnotiques et des éclats soudains. La dramaturgie corporelle est subtile, alternant fluidité et tension, harmonie et contraste. Suspendu aux transitions, le public se laisse emporter par ce périple mêlant anthropologie et mythologie personnelle, exil et renaissance. En marge des spectacles, trois ateliers de formation animés par des chorégraphes venus de la République tchèque, du Sénégal et de Russie ont donné aux danseurs algériens une occasion rare d’ouverture. Leur restitution, présentée lors de cette soirée de clôture, révèle l’impact de ces échanges : gestes plus précis, compositions audacieuses, écoute du corps renouvelée. Qu’ils évoluent en solo, en duo ou en groupe, les jeunes artistes algériens ont montré une technicité et une adaptabilité nouvelles, fruit d’un apprentissage qui leur a appris à accueillir la différence comme une richesse.

Émue par l’énergie du festival, Francesca La Cava confie : «Nous sommes très heureux d’être en Algérie. Ce festival est une véritable opportunité de rassembler les peuples. Pour nous, artistes italiens, cette rencontre revêt une dimension humaine et culturelle essentielle». Admirative du niveau artistique des Algériens, elle insiste sur la nécessité de conjuguer racines et modernité : «Il est très important d’étudier nos traditions, mais aussi d’ouvrir nos horizons à la modernité et développer nos outils artistiques». Lorsque les projecteurs s’éteignent et que les danseurs saluent, la salle entière se lève, portée par une émotion rare.

Le Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi, transformé en caisse de résonance, vibre d’une certitude : la danse contemporaine en Algérie n’est plus un simple art, mais un langage universel capable de raconter l’exil, la lutte et la paix. Cette 13ᵉ édition se referme sur l’image de drapeaux croisés, de cercles en mouvement et de gestes porteurs d’avenir. On sent encore ce souffle : tant que l’art danse, les peuples respirent.

S. O.

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