Ramadhan : La solidarité à plein régime

Ph. Nesrine T.
Ph. Nesrine T.

L’horloge érigée au cœur de ce mythique quartier de la capitale indique 17h pétantes et l’ambiance est, déjà, à son comble, ici aux abords de la grande kheïma de couleur blanche plantée sur l’esplanade d’El-Kettani, sise à Bab El-Oued (Alger), à l'initiative de l'association Amel El-Djazaïr, en partenariat avec Mobilis.

De nombreuses personnes font en effet déjà la queue, en cette fin d’après-midi ensoleillée, afin de pouvoir emporter avec eux un repas chaud pour la rupture du jeûne. Devant l’entrée, se tient un gaillard bien portant vêtu d’un gilet dont la mission n’est autre que d’organiser la file avant de pouvoir donner le top départ de l’opération. Quelques mètres plus loin, à l’intérieur de l’imposante structure baptisée «Marhaba» qui s'étend sur une superficie de 1.500 m2, de nombreux représentants associatifs s’affairent à donner les derniers conseils. On pouvait entendre : «Nous n’allons pas tarder à poser les boissons et les dattes sur les tables». 
Les bénévoles, très nombreux pour l’occasion, étaient tous vêtus d’un gilet rouge ou orange, selon la tâche assignée à chacun d’entre eux. En déambulant tout au long des rangées de tables, nous avons très rapidement été saisis par l’odeur très appétissante de la traditionnelle chorba. L’ambiance était bon enfant et de nombreux volontaires avaient même mis des rollers, histoire d’être plus rapides et plus efficients. 
Dans un recoin de la kheima, Fateh est occupé à préparer minutieusement des assiettes de salades. Il nous confie qu’il participe à cette initiative depuis 4 ans déjà pour être, selon lui, au service de ceux qui sont dans le besoin, bien qu’il vient de loin, de Rouïba plus précisément. «L’esprit de Ramadhan réside dans la multiplication des actions de bienfaisance. Ce mois est une opportunité pour faire des bonnes actions et penser à ceux qui n’ont peut-être pas la chance de pouvoir s’attabler», affirme-t-il, ajoutant que certaines personnes n’ont peut-être pas pris de repas chaud depuis plusieurs semaines. Poursuivant ses propos, Fateh explique que sa récompense est de voir le sourire des nécessiteux. 
Nous sommes à une heure de la rupture du jeûne. Le rythme s’accélère et la tension est à son paroxysme. Un ballet de camionnettes fait l’aller-retour afin de déposer les plats de résistance, à savoir le fameux «Tadjine zitoune» préparé, avec beaucoup d’amour, nous confie-t-on, dans un autre lieu. A ce sujet, les volontaires forment des groupes de deux à trois personnes pour s’occuper du déchargement de la marchandise tant attendue. Il faut dire qu’un mérite particulier revient à ces femmes qui, depuis les premières heures de la matinée, commencent à préparer les mets qui seront servis au moment de l’Adhan. En effet, le travail en cuisine commence à 8H, ce qui est très courageux de leur part. 
 
«Les plats sont préparés dès 8H»
 
D’ailleurs, voulant témoigner de son travail quotidien, l’une de ces cordons bleus, en l’occurrence Madame Chérine, comme l’appellent affectueusement ses coéquipiers, indique, d’emblée, que cette initiative est l’occasion de faire du bien et de resserrer les rangs au sein de la société. «Aimer son prochain ne doit pas être qu’une théorie mais une pratique, autrement dit il faut des actes», estime-t-elle, assurant être au service des démunis. 
Revenant sur les préparatifs, elle tient à rappeler qu’elle participe chaque année à ce type d’action. «En réalité, poursuit-elle, l’équipe chargée de la cuisine est très soudée car nous nous connaissons depuis plusieurs années. Nous insistons, d’autre part, sur une organisation rigoureuse pour ne pas perdre de temps». Chérine appelle à cette occasion l’ensemble des Algériens et des Algériennes qui peuvent donner de leur temps à le faire afin de pouvoir nourrir plus de bouches. «C’est un secret de Polichinelle, c’est avec la multiplication de ce genre d’actions bienfaitrices que nous allons renforcer l’amour entre les gens. La femme algérienne ne cessera de jouer un rôle de premier plan au service de ses frères», relève-t-elle avec beaucoup d’émotions. 
19H. Il ne reste désormais plus que quelques minutes avant l’appel à la prière et la rupture du jeune ; un moment tant attendu par tous. La Kheima est, presque, totalement, remplie et les volontaires terminent en un temps record de servir la Chorba. Il y a foule, ce soir, outre la présence remarquée de familles, de nombreux jeunes étudiants étaient aussi présenst. 
Hakim, 20 ans, originaire d’El Oued, est étudiant en Droit. Il est retenu pour des impératifs qu’il n’a pu faire le chemin retour pour passer le mois sacré en famille. «Passer Ramadhan loin des siens est très difficile. Toutefois, je romps mon jeûne avec mes amis au sein de cette kheima géante», commente-t-il avant d’exprimer sa reconnaissance aux organisateurs de cette initiative. «Que Dieu puisse les combler ils ne se rendent pas compte du bien qu’ils procurent», se félicite-t-il avant de laisser la parole à son ami Merouane, 21 ans, originaire de la ville de Sétif. «Cette initiative, témoigne-t-il, permet aux étudiants d’avoir un repas chaud et de se retrouver autour d’une table comme si nous étions à la maison. Ainsi, on ressent moins les effets de la distance et nous pouvons passer ce mois dans les meilleures conditions qui soient. Je profite de cette occasion pour appeler l’ensemble des personnes qui n’ont pas où rompre leur jeûne de venir ici car on prend soin de nous et on nous propose des repas très équilibrés».
La Kheima est aussi l’occasion pour des étudiants étrangers de bénéficier du repas de l’Iftar. Ahmadou est l’un d’entre eux, ce ressortissant malien, âgé de 24 ans, termine ses études d’ingénieur dans notre pays. Loin de ses proches et de ses amis, il a l’habitude de venir rompre son jeûne à El Kettani. «J’ai pris connaissance de l’organisation d’une telle initiative l’année dernière grâce à des camarades qui habitent à Bab El-Oued. Ainsi, j’ai sauté le pas en venant une première fois et j’ai vraiment adoré le concept», se réjouit-il avant d’expliquer qu’à la Kheima, personne ne vous juge et tout le monde vous accueille avec le sourire. «Très sincèrement, je ne cesse de dire que la générosité des Algériens est juste incroyable et est unique en son genre», finit-il par lâcher, tout en révélant qu’il reçoit de nombreuses invitations de ses amis algériens. 
 
Sami Kaïdi
 
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La société civile au-devant de la scène
 
Le président de l'Observatoire national de la société civile (ONSC), Noureddine Benbraham, qui a rendu visite, samedi, aux bénévoles de la grande kheima d'Iftar d'El-Kettani à Bab El-Oued (Alger) pour s'enquérir de leurs activités durant Ramadhan, a indiqué que cette initiative, fruit d’un partenariat avec la wilaya d’Alger, est le reflet par excellence de nos valeurs ancestrales de fraternité, de solidarité et d’entraide. Le mois sacré permet de renforcer la cohésion entre nos concitoyens. 
Aujourd'hui, la société civile poursuit cet héritage en dynamisant cet effort par le biais de l’organisation des restaurants de la Rahma en connectant l’ensemble des bonnes volontés au service de ceux qui sont nécessiteux, les passagers. Je suis, par ailleurs, fier du dynamisme de nos jeunes volontaires. Ce qui est un signe très fort quant à l’importance de l’entraide auprès de la frange juvénile qui décide de quitter leur famille pour être au service d’autrui. Il s’agit là, en réalité, d’une forme de civisme et d’ancrage qui met du baume au cœur. Pour ma part, je suis venu pour accompagner cet élan de solidarité et lancer un appel à l’ensemble des bonnes volontés sur l’ensemble du territoire national pour multiplier ce genre d’initiative tout au long de ce mois sacré.
Pour sa part, Laribi Meriem, présidente de l’association «Amel El Djazair» a révélé que la kheima sert quotidiennement pas moins de 1.200 repas et délivre 150 plats à emporter. L’espace est scindé en deux parties, l’une pour les femmes et les familles et l’autre réservée pour la gent masculine. Aussi, 200 jeunes volontaires sont quotidiennement présents pour la préparation des plats mais aussi pour le service. «L’initiative est, également, ouverte aux étrangers résidents en Algérie, à l’instar des étudiants africains mais également des travailleurs de nombreux pays». 
 
S. K.

 

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