
Cet ancien moudjahid et diplomate chevronné explique que moins de deux années après le déclenchement de la guerre de Libération, nombreux étaient les pays qui avaient adhéré à la cause algérienne, tant au niveau du monde arabe qu’en Europe. Aussi, met-il en exergue, «l’évolution positive de la situation dans le pays, à la faveur des énormes sacrifices consentis par le peuple algérien, a fait que la lutte armée se trouvait dans l’obligation d’avoir des éléments aptes à maitriser l’art de la diplomatie». Il devenait, par voie de conséquence, nécessaire d’organiser une grève au niveau de l’université d’Alger pour pouvoir dégager, au profit de la Révolution, des éléments qui allaient prendre en charge de nouvelles fonctions et missions, précise encore Benkobbi. Mais qui a donc pris la décision d’enclencher le mouvement de débrayage, le 19 mai 1956 ? «La décision de recourir à une grève des étudiants de la section d’Alger avait été prise par M. Mohamed Seddik Benyahia», répond ce témoin de l’histoire tout en relevant, cependant, que «cela s’est passé après insistance d’autres moudjahidine», notamment, Amara Rachid dont le lycée de Ben Aknoun porte aujourd’hui le nom.
Respecter le mot d’ordre
Concernant le taux d’adhésion au mot d’ordre, le moudjahid Benkobbi est formel : «Ce sont tous les étudiants algériens de l’époque qui ont observé la grève du 19 mai 1956. Cette adhésion totale a été possible parce qu’on n’avait pas présenté les choses comme étant un mot d’ordre mais on avait plutôt réuni tous les étudiants d’Alger pour faire comprendre au reste de la société qu’ils avaient pris la décision d’arrêter les cours. Et c’est ce qui était arrivé. Après cette réunion, un petit problème fut, toutefois, constaté dans ce sens où la section d’Alger, selon le statut des étudiants de l’UGEMA, n’avait pas le droit de prendre, à elle seule, une décision de cette importance», affirme M. Benkobbi. Et d’enchaîner que «suite à cela, les étudiants à Paris et surtout le comité exécutif avaient dépêché M. Belaid Abdesslam pour venir ici à Alger prendre contact avec les responsables de la Révolution en vue d’essayer de rétablir l’ordre, en quelque sorte. En contact avec Abane Ramdane, il lui a été clairement expliqué qu’il s’agissait d’un ordre de la Révolution et que les étudiants algériens qui poursuivaient leur parcours estudiantin à l’extérieur n’étaient pas concernés par cette décision car il s’agissait seulement de dégager un certain nombre de cadres pour la Révolution». Ces cadres devaient particulièrement servir de diplomates et de contacts avec les agences de presse de tous les pays du monde qui avaient ouvert des bureaux à Alger, poursuit notre interlocuteur. Au final, tous les étudiants ont répondu au mot d’ordre. Le fait est que «Si Abdeslam, à son retour de Paris, avait déclaré que comme cette grève vient du commandement de la Révolution, les étudiants à l’extérieur devaient la respecter aussi». C’est de cette manière-là que la grève du 19 mai 1956 a été suivie, intégrant l’ensemble des étudiants algériens, aussi bien à l’intérieur du pays qu’outre-mer, en France. Pour les étudiants algériens, qui poursuivaient leurs cursus ailleurs à travers le monde, dans les pays arabes, notamment en Tunisie et au Maroc, le problème ne s’est pas posé sachant que «comme un contact direct était établi avec la Révolution, ils avaient déjà rejoint le combat et la lutte armée à la base». Par ailleurs et s’agissant du nombre exact des étudiants ayant rejoint le maquis, il sera mis en évidence que, selon les historiens, un total de 157 étudiants sont montés au Djebel au niveau de la Wilaya IV historique, «quelques jours seulement après le début de la grève». Comme nos aïeux, qui ont été d’un apport considérable à la guerre de Libération nationale, en rejoignant le maquis, après l’appel à la grève des étudiants le 19 mai 1956, l’élite d’aujourd’hui est appelée à participer, massivement, à l’effort de consolidation des acquis de notre chère patrie. L’élite algérienne est appelée, également, à relever les défis actuels, en s’impliquant activement dans la relance de l’économie nationale.
Soraya Guemmouri