
«C’est l’Algérie qui a fait de moi un homme.» «Dans sa lutte contre l’apartheid, l’Algérie a été, pour Nelson Mandela, une des étapes décisives», a rapporté le premier ambassadeur d’Algérie en Afrique du Sud, Noureddine Djoudi, lors de son intervention, hier, au Forum d’El Moudjahid, consacré à la commémoration de la naissance (18 juillet 1918) du leader charismatique de la lutte des Sud-Africains pour la liberté, ajoutant que «l’ancien leader sud-africain, Nelson Mandela, avait bénéficié de l’expérience algérienne dans la lutte anticolonialiste».
Monsieur Djoudi considère que «le colonialisme français et le régime de l'apartheid étaient identiques». Il relèvera que Nelson Mandela avait reçu en Algérie une formation militaire, à travers laquelle il «bénéficia de l'expérience algérienne dans la lutte anticolonialiste». Donnant plus de détails, l’intervenant est revenu sur le parcours qui a conduit Mandela à choisir l’Algérie pour sa formation.
«Le premier contact a eu lieu sur le territoire algérien, alors que nous étions toujours en guerre. Il faut rappeler que le regretté Walter Sisulu, un des leaders de l’ANC, avait contacté deux jeunes avocats partageant le même cabinet: Olivier Tambo et Nelson Mandela qui ont aussitôt rejoint les rangs du parti historique. L’aveuglement du régime raciste de Pretoria, marqué par une longue histoire de massacres du peuple sud-africain, de Sharpeville à Soweto jusqu’à l’assassinat délibéré de militants qui ont amené l’ANC à renoncer à la non-violence, décidant de passer à la lutte armée par la création d’une armée de libération nationale baptisée «Umkonto we Sizwe» (le fer de lance de la nation) prémices d’une lutte de libération nationale», a-t-il expliqué, en citant une des déclarations de Mandela à ce sujet : «Je suis venu m’inspirer de la lutte du peuple algérien.» Dans ce sens, l'Algérie a été, également, «une source d'inspiration au plan diplomatique pour Mandela dans sa lutte contre la politique raciste et discriminatoire pratiquée par le régime de l'apartheid, similaire à celui de l’«indigénat» en Algérie». Il a indiqué que Mandela pensait que «l’Armée de libération nationale (ALN) pouvait servir d’exemple pour son armée de libération. Et il se trouve que Cherif Belkacem avait dès le départ compris ce qu’il fallait donner à Nelson Mandela». Il a tenu à rappeler, dans le même sillage, le rôle et l'engagement de l'Algérie dans la lutte anticolonialiste à travers le monde, en soutenant les peuples opprimés dans leur lutte pour l’autodétermination et l'indépendance, particulièrement dans le continent africain.
L’ inspiration algérienne
Traqué activement par les services de police de l’apartheid, Mandela était obligé de quitter son pays pour venir en Algérie, devenue alors la ‘‘Mecque’’ des mouvements de libération.
En novembre 1962, Mandela est invité à Alger par le président Ahmed Ben Bella pour la première parade militaire de l’Algérie indépendante, puis il rejoindra les camps d’entraînement organisés par le ministre de la Défense de l’époque, le colonel Houari Boumediene, souligne l'ancien diplomate. Mandela rentra chez lui une fois sa formation militaire accomplie en Algérie et sera arrêté en 1964 et condamné à la prison à vie lors du procès de Rivonia. «Mais les rotations entre l’Algérie et l’Afrique du Sud se sont accélérées et de nombreux militants de l’ANC venaient en Algérie pour s’entraîner et retourner chez eux pour mener des opérations militaires d’envergure en Afrique du Sud», note M. Djoudi, précisant qu'une bonne partie d’entre eux avaient bénéficié d'une formation au sein de l'Ecole militaire de Cherchell.
Au plan politique, l'Algérie a été un appui considérable pour la lutte du peuple sud-africain, avec l'ouverture à Alger d'un bureau d’information de l'ANC. Ce bureau était représenté par de grandes personnalités de la lutte contre l’apartheid, comme Robert Reisha et Johnny Makatini qui fut responsable des relations extérieures de l’ANC. «A partir d’Alger, ils informaient l’opinion internationale sur les horreurs de l’apartheid et plaidaient la justesse de leur lutte. Oliver Tambo, qui deviendra le président de l’ANC, après l’incarcération de son compagnon Mandela jusqu’en 1991, venait fréquemment en Algérie. Même Jacob Zuma, devenu lui aussi président d'Afrique du Sud, voyageait avec un passeport algérien», témoigne M. Djoudi. Dans ses mémoires intitulées «Le long chemin vers la liberté», le défunt Mandela dont l'Afrique du Sud célèbre cette année le centième anniversaire de sa naissance, soutenait que la Révolution algérienne a représenté une «inspiration particulière» pour lui, dans le sens où cette Révolution a constitué «le modèle le plus proche du nôtre, parce que les Moudjahidine algériens affrontaient une importante communauté de colons blancs qui régnait sur la majorité indigène».
Kafia Ait Allouache
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Le chargé d’affaires à l’ambassade d’Afrique Sud :
«L’Algérie a toujours été un modèle à méditer pour les peuples épris de liberté»
Le Chargé d'affaires à l'ambassade d'Afrique du Sud à Alger, Sello Patrick Rankhumise, a affirmé que "l'Algérie a toujours été à l'avant-garde des Etats hostiles à l'occupation" et qu'elle était "un modèle à méditer en matière de lutte contre le colonialisme, pour les peuples épris de liberté ". Evoquant l'icône de la lutte en Afrique et dans le monde, le diplomate a passé en revue les étapes de sa lutte, y compris "son séjour en Algérie pour s'imprégner de la Guerre de libération nationale". Dans ce contexte, il a appelé à s'inspirer de la "lutte de Nelson Mandela contre le racisme et les inégalités et en faveur du droit des peuples à la liberté et à l'autodétermination".
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Ils ont dit
Formation des révolutionnaires
L'Algérie, un cas d'école
En novembre 2009, l'Assemblée générale des Nations-Unies a proclamé le 18 juillet «Journée internationale Nelson Mandela». «Madiba» comme on aimait bien le surnommer, était un militant anti-apartheid qui a consacré sa vie pour faire aboutir la lutte de son peuple. L’ancien ambassadeur d’Algérie en Afrique du Sud, Noureddine Djoudi, est revenu sur les relations étroites entre Mandela et l'Algérie. Le militant s’est fortement inspiré de la Révolution algérienne. Admirateur de la résistance algérienne, il y trouvait une similitude dans la situation que vivaient les deux peuples.
Hichem Hamza
Carvalho Muaria, ambassadeur du Mozambique :
«Soutien jusqu’au bout»
«Mandela avait sacrifié toute sa vie pour libérer l’Afrique du Sud. Il est très important pour les nouvelles générations de connaître ce grand leader et ce qu'il a accompli une vie durant. Mandela a su comment construire de bonnes relations entre l’Afrique du Sud et l'Algérie. Il avait de l’amour pour le peuple algérien qu’il respectait beaucoup et avait soutenu sa cause jusqu’au bout.» Z. G.
Assegid Nebiat Getachew, Ambassadeur d’Ethiopie :
«Bâtisseur de fraternités»
«D'abord, je voudrais féliciter l’Algérie pour son 60e anniversaire de l’Indépendance et aujourd’hui, on célèbre ensemble la Journée internationale Nelson Mandela qui avait lutté contre l’apartheid. Mandela est considéré comme l’un des symboles de sacrifice pour tout le continent africain. C'est une icône qui avait toujours associé les luttes de libération des pays africains les unes aux autres, c'était le cas aussi pour l'Ethiopie.
Cette occasion est très importante pour lui rendre hommage en présence de ceux qui l'ont côtoyé. L’Algérie a une grande histoire et a lutté pour la liberté de tous les peuples africains. Nelson Mandela était un témoin et un bâtisseur de la fraternité qui unit jusqu’à nos jours l'Algérie et l'Afrique du Sud». Z. G.
Aït Mouhoub Mustapha, président de l’association des journalistes Algériens de soutien au Sahara occidental :
«Les peuples appelés à revisiter la mémoire de Madiba»
«Le combat de Mandela est porteur de sens profond. En effet, le continent africain est confronté à plusieurs défis, notamment celui du développement économique. Avec l’accélération des évènements à travers le monde, la crise en Ukraine, la crise économique mondiale, l’Afrique est comme une victime expiatoire. Aujourd’hui, les peuples africains sont appelés, plus que jamais, à revisiter la mémoire de leurs combattants comme Nelson Mandela et d’autres. Il faut aller de l'avant pour décoloniser l’Afrique. Ce moment historique, qu’on vient de vivre pour célébrer la mémoire de Nelson Mandela, a son pesant d’or.» Z. G.
Quand l’Algérie excluait le régime d’apartheid
Sous l’initiative de l’Algérie, le régime de l’Apartheid d’Afrique du Sud a été exclu du concert des Nations Unies lors de la 29e session de l’Assemblée Générale présidée par notre pays, en 1974. Ce fait historique devait sonner le glas d’un système politique et social fondé sur la couleur de la peau, dans un pays où le natif africain était soumis par la puissance des armes et des lois racistes. La victoire diplomatique s’était concrétisée à l’issue d’une âpre bataille diplomatique, traduisant l’attachement de l’Algérie à la cause du peuple sud-africain. Dans l’histoire tumultueuse de la lutte de libération de l’Afrique du Sud et ses rapports de solidarité avec l’Algérie, Nelson Mandela n’avait cessé de rendre hommage à ses vrais amis. Au cours de ce forum d’El Moudjahid, Noureddine Djoudi, ancien diplomate et témoin majeur de faits historiques concrets, rend compte de cette épopée.
R. L.