
Des parlementaires et élus locaux français se sont déplacés en Algérie, afin de commémorer le 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, perpétrés principalement à Sétif, Guelma et Kherrata. La délégation, emmenée par le député du Parti socialiste (PS) et président du groupe d’amitié France-Algérie, Laurent Lhardit, a effectué, jeudi après-midi, une visite au musée national du Moudjahid à Alger.
Les membres de la délégation se sont recueillis à la mémoire des martyrs de la glorieuse guerre de Libération nationale, au sanctuaire du Martyr (Alger), où ils ont déposé une gerbe de fleurs devant la stèle commémorative,avant d’être reçus au musée par le ministre des Moudjahidine et des Ayants droit, Laïd Rebiga. Les parlementaires et élus français ont reçu des explications exhaustives sur les différentes étapes de l’histoire de l’Algérie, notamment celle de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954, et ont signé le Livre d’Or du musée. La délégation française a également visité Djamaâ El-Djazaïr (Grande Mosquée d’Alger), où des explications leur ont été fournies sur les caractéristiques de ce joyau architectural et ses multiples activités spirituelles et intellectuelles. Dans une déclaration, Mme Danielle Simonnet, députée de Paris, a souligné l’importance du travail de mémoire sur les crimes d’État liés à la colonisation, notamment les massacres du 8 mai 1945. Elle a indiqué que des démarches parlementaires «ont été initiées pour faire reconnaître les crimes commis lors de la colonisation française en Algérie, en collaboration avec des historiens et des associations», appelant, par ailleurs, à ouvrir une nouvelle page dans les relations algéro-françaises, tout en dénonçant les pratiques de racisme et d’islamophobie prônées par l’extrême droite française. Pour sa part, Mme Sabrina Sebaïhi, députée des Hauts-de-Seine, a relevé l’impératif de «reconnaître officiellement les massacres du 8 mai 1945 comme un crime d’État», mettant en évidence le rôle de la diplomatie parlementaire, pour «renouer le dialogue entre les deux nations». Dans la même optique, Mme Karima Khatim, élue municipale et présidente de la Fédération franco-algérienne de consolidation et du renouveau (FFSR), a appelé les autorités françaises à «reconnaître les crimes coloniaux pour bâtir des relations basées sur le respect et l’intérêt commun», plaidant pour «le rétablissement des relations stables entre l’Algérie et la France». Parmi les membres de la délégation française, figurent la députée socialiste Fatiha Keloua Hachi, le président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, Stéphane Peu, le député non-inscrit ex-Renaissance Belkhir Belhaddad, les sénateurs Raphaël Daubet, Sophie Briante Guillemont, Ahmed Laouedj (centre), Akli Mellouli (Divers Gauche) et Adel Ziane (PS), ainsi que le président du Cercle Émir Abdelkader, Rafik Temghari.
F. A.
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Paroles d’élus…
- Laurent Lhardit (président du groupe d’amitié France - Algérie ) : «Nous voulons faciliter le travail de mémoire»
«Notre présence aujourd’hui en tant que représentants du peuple français, qui viennent ici en signe de solidarité et d’amitié avec le peuple algérien, pour une commémoration importante et douloureuse pour le peuple algérien. C’est un moment solennel et important parce que nous savons que ce travail de mémoire entre la France et l’Algérie est extrêmement important. Nous savons qu’il n’est pas aujourd’hui suffisamment avancé et qu’il faut le poursuivre. Le groupe d’amitié France - Algérie travaille, pour éclairer l’Histoire et la partager, pour que nous soyons enfin d’accord entre peuples français et algérien sur notre histoire commune, qui a souvent été douloureuse. Il y a le travail de mémoire que nous voulons faciliter. Nous essayons de mieux montrer aux Français l’importance de la relation entre la France et l’Algérie, les intérêts partagés entre nos deux paysdans le domaine économique, de la coopération...»
- Sophie BrianteGuillemant (sénatrice) : «C’était très important que la France soit présente»
« Pour nous, c’était très important que la France soit présente en ce 8 mai qui marque le 80e anniversaire, dans le contexte de la relation diplomatique extrêmement tendue qu’on a en ce moment. On voulait absolument qu’une délégation de parlementaires puisse venir en Algérie et partager ce moment avec vous. On espère qu’on apportera un certain message d’apaisement. On vient surtout donner un message de paix et d’espoir que les relations pourront se reconstruire plus sereinement. »
- Sabrina Sebaïhi (députée des Hauts-de-Seine) : «Nous avons demandé la reconnaissance des massacres»
« Cela faisait un an qu’on travaillait sur cette date. Nous avons fait plusieurs auditions d’historiens, de familles de victimes, pour pouvoir faire toute la lumière sur ce qui s’est passé le 8 mai et les semaines qui ont suivi à Guelma, Sétif et Kherrata. C’est vrai qu’avant de venir on s’était dit que c’est important parce que c’est le 80e anniversaire cette année. Nous avons écrit au président de la République, Emmanuel Macron, pour lui demander une reconnaissance officielle de ce crime comme étant un crime d’Etat puisqu’il y a eu autorisation, voire armement de certains colons qui sont devenus des milices à Guelma, par exemple, pour massacrer des personnes. On voulait envoyer ce signal parce qu’on sait que la situation est extrêmement compliquée en ce moment au niveau diplomatique entre la France et l’Algérie. Néanmoins, il y a en France aussi des personnes qui se battent pour restaurer le dialogue et pour remettre en route les relations bilatérales. »
- Karima Khatim (présidente de FFSR) : «Il faut rétablir la vérité dans nos livres d’Histoire»
«Il est important que, dans nos livres d’histoire en France, on puisse rétablir cette vérité, pour le bien de tous, les Algériens qui sont établis en France, mais aussi pour tous ces amis de l’Algérie, tous ceux qui ont un lien particulier avec l’Algérie. C’est très très important. Il y a un vrai travail à faire. Je sais qu’il y a beaucoup d’historiens qui sont en train de travailler et qui vont remettre, le 1er juillet, au Président Emmanuel Macron, des travaux. J’espère que ça débouchera vraiment sur cette reconnaissance de crime d’Etat.»
- Fatima Kouba (maire adjointe à Cambes-en-Plaine) : «le devoir de mémoire»
«La volonté des politiques français et des institutions françaises est d’avancer sur le devoir mémoriel de la France. Benjamin Stora va publier, le 1er juillet, les premiers récits au sujet du devoir mémoriel. Ce n’est pas pour rien. On est en train d’avancer tout doucement. C’est une pierre après l’autre dans l’édifice que nous sommes en train de construire, mais il est essentiel qu’on puisse clairement commencer à travailler sur ce devoir de mémoire. Les choses se feront, et je suis persuadée que ça sera de bon augure, et le message que nous souhaitons porter nous, élus franco-algériens, est : cohésion. Si je devais exprimer un mot, c’est la cohésion, ainsi que ce lien indéfectible que nous devons conserver avec l’Algérie.»
- Belkhir Belhaddad (député de la Moselle ) : «Il faut regarder l’Histoire en face»
« C’est un message d’espoir pour nos deux peuples que de commémorer un événement extrêmement important à la fois dans l’histoire des Algériens, mais également de la France puisqu’elle a été présente longtemps ici, en Algérie. Je crois qu’il faut regarder l’Histoire en face, toute l’Histoire. L’Histoire n’est pas monolithique. Elle est complexe avec ses différentes facettes et il faut la regarder telle qu’elle est. Je crois que notre présence, ce matin, est importante pour témoigner d’une forme de solidarité envers le peuple algérien dans cette commémoration entre nos deux peuples, de cette Histoire qui n’est pas forcément très connue en France. Pour nous, c’est aussi une façon de la faire connaître. »
F. A.
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Quand les peuples prennent le relais…
L’Algérie, à travers ses plus hautes autorités et aussi ses diplomates, n’a cessé de le clamer : un seul courant en France nourrit la crise et pourrit les relations algéro-française et c’est l’extrême-droite, soutenue par quelques figures de la droite en quête de légitimité électorale. Sinon, l’Etat algérien n’a de problème ni avec le peuple français ni avec les autres composantes du paysage politique français. La preuve vient d’être donnée par des hommes et femmes politiques français élus qui ont tenu à se déplacer en Algérie afin de commémorer, aux côtés du peuple algérien, les horribles massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata. Conduite par le député du Parti socialiste (PS) et président du groupe d’amitié France-Algérie, Laurent Lhardit, la délégation française n’a pas voulu occulter le 80e anniversaire de ces tragiques événements dont ils réclament la reconnaissance officielle par l’Etat français. Ces hommes et femmes, dans un contexte de sentiments anti-algériens savamment nourris en France, ont eu le courage d’aller à contre-courant du discours politique de certains ministres en venant en Algérie pour défendre le principe de reconnaissance, par la France officielle, de ses crimes coloniaux et pour essayer de construire une relation apaisée et mutuellement fructueuse. Des élus français commémorant le 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, au moment où certains continuent de marteler que l’œuvre coloniale française est civilisatrice, a valeur de symbole. C’est la preuve que les Français ont été longtemps victimes de désinformation, sinon de censure, au sujet de leur passé colonial.
F. A.