Lutte contre le narcotrafic : Des prisons spéciales pour la grande criminalité

Le régime carcéral national sépare déjà les narcotrafiquants, les terroristes et les condamnés à de lourdes peines, des autres détenus.

Des prisons spéciales pour les narcotrafiquants est une première dans les annales de la justice algérienne. La justice étudie le projet de réalisation d’établissements pénitentiaires pour narcotrafiquants et leurs collaborateurs. Une commission vient d’être installée au niveau du ministère de la Justice, regroupant les différents acteurs concernés, notamment la direction de l’administration pénitentiaire, a-t-on appris du ministère de la Justice.
Une démarche qui, rappelons-le, répond aux orientations données dans ce sens par le président de la République, qui a enjoint au gouvernement, lors de la réunion du Conseil des ministres, de recourir à des établissements pénitentiaires «spécialisés dans la grande criminalité liée à la drogue». La décision du chef de l’État s’inscrit dans le cadre de l’élaboration d’une «nouvelle politique pénale, eu égard à l’évolution de la criminalité organisée transfrontalière, en vue de remédier, notamment, au fléau du trafic de drogue, devenu une menace constante».
Raison pour laquelle l’arsenal juridique a été renforcé. Un projet de loi sur la prévention contre la drogue vient d’être élaboré. Il stipule le durcissement des peines allant jusqu’à la peine capitale.
En 2024, plus de 7.655 individus ont été arrêtés par les services de la Gendarmerie nationale dans des affaires liées au narcotrafic et placés en détention provisoire, d’où la décision du président de la République de la mise en place de prisons spéciales pour ces dangereux criminels. Il ne s’agit pas de construire de nouvelles prisons. Le régime carcéral sépare déjà les narcotrafiquants, les terroristes et les détenus condamnés à de lourdes peines des autres détenus.
Le DG de l’administration pénitentiaire et de réinsertion a fait part, à ce propos, de la classification des établissements pénitentiaires en Algérie et avance le chiffre de 165 établissements pénitentiaires sur l’ensemble le territoire national, alors que la population carcérale a franchi le seuil des 80.000 pour atteindre les 90.000 détenus. «Il s’agit d’établissements situés dans le territoire des tribunaux qui sont en fait des établissements de prévention dédiés aux détenus en détention provisoire ou condamnés définitivement pour des délits à des peines inférieures à 2 ans ou le restant de la peine à exécuter est égal ou inférieur à deux ans. La capacité des prisons de cette catégorie ne dépasse pas 300 lits», précise Essaïd Zerb. Pour la 2e catégorie, il s’agit des établissements de rééducation du ressort de chaque cour de justice destinés à accueillir les détenus provisoires et les condamnés définitivement à une peine privative de liberté égale ou inférieure à 5 ans et ceux pour lesquels le restant de la peine à exécuter est inférieur à 5 ans, ainsi que les contraignables par corps.
S’agissant des établissement de réadaptation, ils sont destinés à recevoir les condamnés définitivement à des peines d’emprisonnement d’une durée supérieure à 5 ans, les condamnés définitivement à une peine de réclusion criminelle et les délinquants non primaires et dangereux, quelle que soit la durée de leur peine, et les condamnés à mort. Ces établissements sont situés dans le territoire des cours de justice ou les cours régionales ayant une capacité d’accueil de 1.000 à 2.000 lits. Les détenus dans ces prisons sont en majorité condamnés pour des affaires de terrorisme et crime organisé transfrontalier, mais aussi pour des crimes dangereux, à l’instar de l’homicide volontaire, association de malfaiteurs, corruption et faux et usage de faux. Toutefois, les centres spécialisés pour femmes sont destinés à recevoir les détenues provisoires et les condamnées définitivement à des peines privatives de liberté, quel que soit la durée de leur peine, et les contraignables par corps.
La DG de l’administration pénitentiaire a procédé, ces dernières années, à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires dans des zones extra-urbaines, avec un périmètre de sécurité, en remplacement de ceux créés en 1962, qui répondent aux normes internationales, dont l’objectif est de réduire la surpopulation carcérale et d’assurer des conditions humaines pour les détenus, une priorité majeures des autorités.
La commission installée par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, va étudier les mécanismes pour la mise en place des prisons spécialisées dans la grande criminalité liée à la drogue. Pour l’heure, peu d’informations ont filtré sur le contenu de ce projet. Me Khadidja Meslem parle, dans un entretien accordé à El Moudjahid, d’élaboration de loi organique pour la gestion de ces établissements spécialisés, l’intégration de la sécurité et le classement des détenus.
Aussi, le choix d’un établissement pénitentiaire précis pour la détention des mis en cause ne pose pas de problèmes aux juges d’instruction.
La création des pôles spécialisés, à l’instar du pôle judiciaire spécialisé près le tribunal de Sidi M’hamed, s’inscrit dans l’anticipation et la prise en charge de cette problématique. Ce pôle a été inauguré en 2008 par le défunt ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, et a une compétence étendue sur 12 cours du centre du pays, en sus d’être doté de pôles régionaux (Constantine, Oran et Ouargla).
La juridiction a pour mission de traiter et de suivre des dossiers spéciaux, dont ceux liés au trafic de drogue, au crime transnational organisé, aux atteintes aux systèmes de traitement automatisés de données, au blanchiment d’argent, au terrorisme et aux infractions relatives à la législation des changes, à la traite humaine. 
L’Algérie a déjà géré les profils terroristes et du grand banditisme dans les établissements pénitentiaires avec rigueur, vigilance et dans le cadre du respect des droits de l’homme.

N. B.

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