Forum de la mémoire d’El Moudjahid – Hommage au premier ministre de l’Éducation nationale, le moudjahid Abderrahmane Benhamida : un pionnier au long cours

Ph.:T-Rouabah
Ph.:T-Rouabah

Abderrahmane Benhamida s’imposa comme l’un des grands bâtisseurs de l’école algérienne. Sa vision reposait sur deux principes fondateurs : la gratuité de l’enseignement et la démocratisation du savoir.

Le Forum de la Mémoire du quotidien El Moudjahid, en collaboration avec l’association Machaâl Chahid, a rendu, hier, un hommage appuyé au moudjahid qui fut le premier ministre de l’Éducation nationale, Abderrahmane Benhamida. L’événement rehaussé par la présence de nombreux invités de renom à l’instar de l’ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN), Karim Younes, a permis de revenir sur le rôle central et historique de ce pionnier dans la construction, à l’indépendance, du système éducatif algérien alors que le colonisateur avait laissé derrière lui un peuple massivement analphabète.

Dans son allocution prononcée à cette occasion, le député et ancien président de la commission de l’éducation de l’APN, Omar Maamar, a déclaré qu’en 1962, l’Algérie se libérait du joug colonial mais héritait d’un paysage éducatif sinistré. « Pendant plus d’un siècle, le système scolaire colonial avait volontairement maintenu les Algériens dans l’ignorance : le taux de scolarisation des enfants n’atteignait que 3,8 % en 1908, 4,5 % en 1920 et à peine 6 % en 1930 ». L’école pensée pour une minorité, poursuit-il, excluait la grande masse de la population. « À l’indépendance, la situation était délicate pour assurer la scolarité d’une jeunesse avide de savoir.

« Dans ce contexte difficile, Abderrahmane Benhamida, s’imposa comme l’un des grands bâtisseurs de l’école algérienne. Sa vision reposait sur deux principes fondateurs : la gratuité de l’enseignement, afin de garantir l’égalité des chances, et la démocratisation du savoir, pour permettre à chaque enfant d’accéder à l’école », a-t-il fait savoir avant d’ajouter que dès la rentrée 1963, plus de 640.000 enfants furent scolarisés, un chiffre qui atteignit rapidement plus de 1.460.700, signe de l’appétence des familles algériennes pour l’instruction. L’action de Benhamida, précise-t-il, ne se limita pas à la création d’écoles. Elle visait à reconstruire une identité et à réhabiliter des valeurs mises à mal par la colonisation. « Cela passa par l’arabisation progressive de l’enseignement, la valorisation de l’héritage culturel et cultuel national, la formation accélérée des enseignants et l’élaboration de programmes adaptés aux besoins d’une société en pleine mutation ».

Son objectif était, selon lui, clair : former une jeunesse consciente, instruite et capable de relever les défis du développement et de l’indépendance réelle. « Soixante ans plus tard, l’Algérie peut mesurer le chemin parcouru. Le pays scolarise aujourd’hui plus de 12 millions d’élèves, encadrés par près d’un million d’enseignants et de personnels éducatifs. Les infrastructures scolaires se sont multipliées, les programmes se sont diversifiés et la couverture éducative est désormais quasi universelle ». Ces acquis, fruits, note-t-il, d’un combat acharné, doivent beaucoup à la clairvoyance et à la détermination d’Abderrahmane Benhamida et des militants de sa génération. 

Le défi relevé avec brio

De son côté, l’ancienne ministre de l’éducation nationale, Z'hor Ounissi, est revenue sur la figure de Benhamida. « Il appartenait à une famille lettrée. Il se singularisait par sa finesse et son élégance tant au niveau de ses paroles, son attitude que de son apparence. Il est le père fondateur de l’école algérienne ». Mme Ounissi a, par la suite, mis à profit cette opportunité pour revenir sur son rôle proactif, à l’indépendance, au sein de la commission liée aux questions éducatives. « Nous, membres de cette commission, était pour la plupart des moudjahidine. Nous avons préparé la première rentrée de l’indépendance avec beaucoup de ferveur car il ne fallait pas que l’ancien colonisateur puisse se moquer de nous et dire : ils n’ont pas réussi à organiser la prochaine rentrée.

Les cours d’éducation civique et d’éthique étaient plus nombreux que les matières fondamentales », a-t-elle soutenu avant d’affirmer que cette rentrée devait se faire avec une nouvelle stratégie, une nouvelle langue et de nouveaux principes. Fort heureusement, nous avons, a-t-elle indiqué fièrement, relevé ce pari avec brio en assurant une première rentrée scolaire réussie, pleinement patriotique et révolutionnaire grâce à la mobilisation de tous. Enfin, Ounissi a couronné son intervention par ces mots et sous les applaudissements de la salle : « Je peux vous assurer que nous avions nationaliséèl’école algérienne ».

Pour sa part, Abdelkader Fodil, connu pour être l’un des architectes de l’école fondamentale algérienne, a soutenu que la préparation de la première rentrée scolaire de l’Algérie indépendante était un défi majeur. « Outre les matières essentielles, l’enseignement devait reposer sur les piliers de notre identité », a-t-il rappelé avant de mettre en évidence le fait que ce travail était colossal compte tenu du fait que le nombre d’enseignants et de personnels nécessaires à l’encadrement étaient insuffisant. « Etant un ancien inspecteur de l’éducation nationale, j’ai participé à la commission chargée de la confection du premier manuel scolaire de l’indépendance. Dans ce sillage, nous avons formulé plusieurs propositions à caractère pédagogique », a-t-il conclu. Lors de cette cérémonie, les intervenants ont tour à tour souligné que le message d’Abderrahmane Benhamida reste d’une actualité brûlante.

« Aujourd’hui plus que jamais, ces paroles résonnent avec force », ont-ils martelé. Enfin cet hommage, placé sous le signe de la fidélité à la mémoire des bâtisseurs de l’Algérie fraîchement indépendante, rappelle que la transmission du savoir et la formation des générations montantes constituent l’un des plus beaux héritages laissés par ce monument du système éducatif algérien.

S. K.

---------------------------------------------------

Abderrahmane Benhamida : Le maître de la première rentrée scolaire

Né en octobre 1931 à Dellys (Boumerdès), Abderrahmane Benhamida, fut le premier ministre de l’Education de l’Algérie indépendante, entre 1962 et 1963. Il est, dans cette droite ligne, l’artisan de la première rentrée scolaire post indépendance. Abderrahmane Benhamida était, d’autre part, un moudjahid de la première heure. Arrêté le 10 octobre 1957, par le colonisateur, l’ancien ministre a été le compagnon de route de Zohra Drif, Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali et d´autres moudjahidine Benhamida connaîtra durant la glorieuse révolution, les geôles du colonisateur et fut exilé en 1959, par la France coloniale, à l´île de Ré (France). Connu et reconnu comme étant un patriote hors pair, un homme de principe et de conviction, il fût au lendemain de l’indépendance, nommé ministre de l´Education nationale.

S. K.

Sur le même thème

Multimedia