
Une production cinématographique est envisagée, une sorte de biographie, qui retracera l'enfance, le vécu et le parcours de celui qui par sa finesse, son habilité et sa ténacité a su forcer l'admiration et le respect de ses pairs.
Le 7 mai 1982, des obsèques dignes d'un chef d'Etat étaient organisées pour Mohamed Seddik Benyahia et ses 13 compagnons morts le 3 mai dans le crash de leur avion alors qu'ils étaient en mission de bons offices pour mettre un terme à la guerre irano-irakienne. Une foule — estimée à 200.000 personnes — lui rendit un ultime hommage sous une pluie battante. Pourtant la majorité des Algériens, qui ont pleuré la disparition de l'homme, était sans nul doute loin d'estimer l'ampleur de la perte que venait de subir l'Algérie. Et pour cause, Mohamed Seddik Benyahia était de la trempe de ces hommes qu'il est difficile de remplacer et qui ont laissé des empreintes indélébiles dans l'histoire du pays. C'est ce qui a été rappelé jeudi dernier au siège du ministère des Affaires étrangères. Les participants à la conférence hommage organisée à cette occasion à l'initiative du bureau des moudjahidine de ce département et de l'association Machaal el Chahid ont apporté des témoignages qui attestent de la stature du défunt et de son apport. Les interventions des membres du gouvernement invités ainsi que celle du conseiller du président de la République, chargé de la Culture et de l'Audiovisuel, Ahmed Rachedi, et qui occupent aujourd'hui les postes que le défunt a eu à occuper après l'indépendance rappellent la grandeur de cette personnalité hors norme. Homme politique et ancien ministre, Mohamed Seddik Benyahia incarnait l'homme d'Etat et le diplomate dévoué qui mettra tout au long de sa courte vie ses compétences et son intelligence au service de son pays.
Des ministres témoignent
Premier à prendre la parole, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, a tenu à rappeler que «la date du 3 mai 1982 est importante pour l'Algérie et pour tous les pays qui œuvrent à chercher des solutions civilisationelles aux conflits», et d'ajouter que Mohamed Seddik Benyahia est «un martyr du devoir, de son pays et de la diplomatie» qui a consacré sa vie à œuvrer pour l'Algérie. M. Lamamra rappellera aussi le rôle joué par le défunt dans l'édification de l'Algérie post-indépendance en contribuant de manière très positive à façonner les politiques nationales mises en œuvre dès l'indépendance. Selon lui, «Benyahia a exercé la diplomatie avant sa naissance», et de souligner qu' «il était capable, grâce à ses qualités intrinsèques, d'innover et de trouver des solutions dans les conditions les plus complexes». Cet éloge rendu par M. Lamamra a été suivi par d'autres membres du gouvernement. Tour à tour, les ministres des Moudjahidines et Ayants-droit, de la Communication, de l'Enseignement supérieur et des Finances ont pris la parole. Alors que M. Laïd Regiba a indiqué que le défunt a joué un rôle majeur dans la double bataille livrée par l'Algérie, celles du recouvrement de la souveraineté et de l'édification du pays. Ses collègues qui sont à la tête des trois départements ministériels, que Mohamed Seddik Benyahia a dirigé avant celui des Affaires étrangères, ont affirmé que les traces de son passage sont encore visibles à ce jour.
Ainsi MM. Mohamed Bouslimani, Abdelbaki Benziane et Abderrahmane Raouya ont apporté leur témoignage soulignant le parcours exceptionnel d'un homme d'exception. Dans son intervention, le ministre de la Communication a indiqué sa «fierté d'appartenir à un pays qui a enfanté des hommes de la trempe et de l'envergure de Benyahia». Et d 'ajouter que «l'homme d'Etat et l'homme de la paix qu'il a été est mort au service de la paix. "Le martyr avait laissé son empreinte en occupant le poste de ministre de la Culture et de l'Information, à travers son rôle dans l'organisation du secteur et en promulguant, pour la première fois, les Statuts des médias algériens à l'époque, ainsi que sa contribution active en vue d'ouvrir la voie à une réflexion sur la promulgation du statut du journaliste, d'ailleurs toujours d'actualité". Pour rappel le défunt avait géré le secteur de l'information et de la culture entre 1966 et 1970. M. Bouslimani a fait part de son souhait de voir « les jeunes Algériens prendre exemple et de le prendre comme modèle pour l'édification de l'Algérie nouvelle ». De son côté, son collègue de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique soulignera que son département ministériel dirigé par le défunt entre 1970 et 1977 a connu de profondes réformes, de son temps, et qu'il continue aujourd'hui sur la voie tracée. Quant à l'Argentier du pays, il dira que l'homme qui a été à la tête du département des Finances entre 1977 et 1979 «était porteur d'une vision claire» pour la reconstruction du tissu économique et social du pays à travers des plans et des programmes visant entre autres à l'amélioration des conditions de vie des Algériens. «C'est un modèle pour nous et nos enfants», dira M. Raouya. Le témoignage du Conseiller auprès du président de la République chargé de la culture et de l'audiovisuel, Ahmed Rachedi, apportera un autre éclairage agrémenté d'anecdotes : «Dans l'intimité c'était un homme différent. C'était un homme de dialogue». Encore ému, quarante après la disparition de son ami d'enfance, l'intervenant dira qu'après toutes ces années il a encore du mal à croire qu'il est mort. Pour moi dira-t-il «il est parti pour une année sabbatique» et de poursuivre qu'il «reste dans nos cœurs». Il dira aussi son intention de lui consacrer un film. Chargée, au nom de la nouvelle génération de diplomates, de rendre un hommage à l'illustre chef de la diplomatie algérienne, Sara Regue, sous-directrice de la Ligue arabe au MAE a affirmé que cet exercice n'a pas été facile car il lui a été difficile de trouver les mots justes pour ce faire. Elle dira néanmoins que «le nom de Mohamed Seddik Benyahia demeure gravé dans la mémoire collective car au final : les hommes sincères ne meurent jamais».
Sur les traces de Si Seddik
La conférence verra aussi la diffusion d'un documentaire réalisé par la chaîne de télévision algérienne La Mémoire, intitulé «Sur les traces de Seddik Benyahia», et la remise à titre posthume, au neveu du défunt Malik, un diplôme de reconnaissance pour le parcours de celui que l'Algérie se fait un devoir de commémorer chaque année tout en honorant la mémoire de ceux qui étaient avec lui au moment de sa mort tragique afin que nul n'oublie le lourd tribut payé par l'Algérie en vue de contribuer à l'instauration de la paix dans le monde.
Nadia Kerraz
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Les autres membres de la délégation disparus dans cette tragédie
Ahmed Baghli, directeur de la division des pays arabes au MAE ; de Saâdeddine Bennouniche, directeur de la division Europe occidentale, Amérique du Nord, MAE ; de Mohand Lounis, directeur de la division Asie-Amérique latine, MAE ; de Abdelhamid Talbi, sous-directeur des études à la direction générale de l'aviation civile, ministère des Transports ; de Salim Khaldi, directeur des échanges commerciaux, ministère du Commerce ; de Mohamed Bessekhouat, directeur des études et de la réglementation bancaire à la Banque centrale d'Algérie ; de Mohamed Rédha Benzaghou, directeur général de la coordination énergétique et de la commercialisation, ministère de l'Energie et des Industries pétrochimiques ; de Mouloud Aït Kaci, journaliste à l'APS ; du capitaine Abdelmoumène Lakhdar, commandant de bord ; du capitaine Sebahi Mustapha, pilote ; du lieutenant Abdelmoumène Maatouri, officier navigant et de Mme Fethia Chibane, hôtesse.