
Célébrée chaque année par la population oranaise, quelques jours après la fête du Mawlid El Nabawi El Charif, la waâda de Sidi Abdelkader El-Djilani fait partie de ces traditions qui continuent à résister à la modernité. Mieux encore, cette manifestation, bien ancrée dans le patrimoine immatériel local, s’est transformée au fil des années en rendez-vous socioculturel qui célèbre et fait revivre les pratiques et rituels qui consacrent la solidarité, la fraternité, le vivre-ensemble, la paix et la tolérance. Autrement dit, toutes les valeurs incarnées par le saint Abdelkader El- Djilani.
Le jour de la célébration de la waâda, une grande tente est dressée à proximité du mausolée et de la mosquée Ribat EL Talaba, inaugurée en 2018, pour accueillir les invités venus de plusieurs wilayas de l’Ouest. Pendant toute la cérémonie, les habitants de plusieurs quartiers de la ville, notamment ceux qui entourent le mont de Murdjajou (les planteurs, Sidi El Houari et Ras El Aïn) offrent aux convives des plats de couscous à la viande, servis avec des dattes et du lait. Dans l’après-midi, les invités récitent le saint Coran à la mosquée et les femmes chantent le «madih» (chants religieux). Cette waâda est célébrée en hommage à Moulay Abdelkader El-Djilani que les Oranais appellent «Moul el meida», l’un des fondateurs du soufisme. Selon des historiens contemporains, la qoubba de son mausolée aurait été édifiée par l’un des disciples d'Abou Madyane, saint réputé de Tlemcen, qui mourut subitement avant d’arriver à l’oued Isser. Les disciples d’Abou Madyane auraient installé sur les hauteurs de petites qoubbas, principalement dans la région d’Oran, en souvenir de leur professeur et imam éminent, Abdelkader El-Jilani, enterré à Bagdad. Selon des documents historiques, la qoubba fut élevée par de nombreux disciples du saint au début du 15e siècle. Il fut le saint patron des canonniers musulmans lors de la guerre d’usure menée aux Espagnols durant leur occupation de la ville. Le vendredi est une journée de visite particulière. Le site a été réhabilité en vaste espace de villégiature très prisé des oranais. Abdelkader Al-Djilani (né à Gilan en 1077 ou 1078 probablement, mort en 1166) occupe une place importante parmi les fondateurs du soufisme. Juriste scrupuleux en même temps que guide spirituel réputé, il indique des règles à tous ses disciples, notamment dans son ouvrage. Ces mêmes références indiquent que la tariqa (doctrine) qadérie vient de lui et s'est répandue à travers tous les pays arabes et musulmans. Pratiquement, tous les pays appartenant à la région arabe comptent une zaouia ou un mausolée qui portent son nom et accueillent les adeptes du cheikh Abdelkader qui reçoivent ses leçons auprès des leurs ainés. Les préceptes de la zaouia étaient basés sur l’humilité, la tolérance et la charité. Les offrandes reçues étaient entièrement affectées au fonctionnement de l’établissement, en particulier l’accueil gratuit des élèves, des nécessiteux et des voyageurs. Vers la fin de sa vie, Abdelkader El-DJilani était considéré comme le pôle spirituel de son époque et son influence dépassait largement les frontières de l’Irak.
Amel S.