Les grands savants de l’Islam : Al Battani, le prince

Muhammad ben Djefar, dit «Al Battani» (858-929) est né à Battan en Irak ; mathématicien et astronome, il est considéré comme le plus grand depuis Ptolémée. Son père, Jaber Al Battani, l’initie aux sciences. Puis, il se rend à Raqqa, au nord de la Syrie actuelle, sur les rives de l'Euphrate, et commence l’étude des textes grecs anciens, en particulier l’Almageste. Il s’oriente en parallèle sur des travaux plus théoriques portant sur la trigonométrie, l’algèbre, la géométrie et leurs applications aux calculs astronomiques. Son œuvre majeure, le Kitāb az-Zīj al-Sabi (le «Livre des tables sabéennes») composé de 57 chapitres, traduit en latin sous le titre de De Motu Stellarum par Platon de Tivoli (Plato Tiburtinus) en 1116 (imprimé en 1537 par Melanchthon, annoté par Regiomontanus), a considérablement influencé l'astronomie européenne. Il a corrigé certains calculs de Ptolémée et il a produit de nouvelles tables pour le Soleil et pour la Lune, qui ont longtemps fait autorité. Il a aussi traité la division de la sphère céleste. Il a découvert le mouvement de l'apogée du Soleil, calculé les valeurs de la précession des équinoxes (54,5» par an) et l'inclinaison de l'axe terrestre (23° 35'). Copernic dans son célèbre ouvrage revolutionibus orbium coelestium, rédigé en 1543, se réfère à Al-Battani, le citant sous le nom latin de Machometi Aracenfis, ce qui indique qu'il s'est largement inspiré de ce savant musulman du IXe siècle. Probablement sans connaître les travaux de l'astronome indien du ve siècle Âryabhata, il a introduit l'usage du sinus dans les calculs, et en partie celui de la tangente, formant ainsi des bases du calcul trigonométrique moderne. Il a utilisé les idées d'al-Marwazi sur les tangentes (ou «ombres») pour développer des méthodes de calcul des tangentes et des cotangentes, et il en a dressé des tables. Il a créé plusieurs formules trigonométriques qu'on utilise aujourd’hui. Parmi ses contributions les plus importantes, on peut citer son travail sur la détermination des positions de l’azimut et du nadir (à l’opposé du zénith, le nadir la position du Soleil à minuit). Il calcule la durée de l'année solaire et des saisons. Il l’évalue précisément une année à 365 j, 5 h, 46 m et 24 s. Son résultat est proche de la valeur exacte (365 j 5 h 48’ 46’’). Al Battani calcule aussi l'excentricité de l'orbite solaire qu’il situe à 0,0346 (à cette époque, on pense que le Soleil tourne autour de la Terre sur une orbite circulaire). L’excentricité actuelle de la Terre par rapport au Soleil, comparable au calcul d’Al Battani, est de 0.0167; mais sa valeur se décale dans le temps. Au Xe siècle, elle était supérieure à la valeur actuelle et se rapprochait donc du résultat d’Al Battani. Sa description du mouvement de l’écliptique montre que ses observations sont d’une rare qualité pour l’époque, malgré l’imprécision des instruments. En travaillant sur ses mesures d’inclinaison de l’écliptique, il est également surpris de trouver une valeur plus faible que les 23°35' figurant sur les relevés des anciens. Sûr de ses propres observations, il se demande si cette diminution de l’angle ne traduit pas une erreur. Il envisage alors que cette diminution puisse aussi être bien réelle. Il répète donc ses observations jusqu’à être absolument certain de ses mesures. Ce faisant, il découvre que l’obliquité de l’écliptique décroît, ce qui ne fut reconnu universellement qu’au XIIIe siècle. Ses travaux astronomiques traduits en latin sous le titre «De Motu Stellarum» rendent caduque la constante de précession de Ptolémée. En effet, l'obliquité de l'écliptique par rapport à l'équateur est une des valeurs fondamentales sur lesquelles reposent les calculs astronomiques. Les Grecs depuis Ératosthène l’avaient évaluée à 23°51‘23», considérant cette valeur angulaire invariable. Al Battani démontre également la possibilité d’éclipses annulaires du Soleil et mentionne la variation de son diamètre apparent. Il corrige de surcroît les relevés anciens concernant les orbites de la Lune et des planètes. Ses recherches sur le moment précis d’arrivée de la nouvelle Lune seront utilisées par les religieux pour fixer le début du Ramadhan. Pour résoudre les questions soulevées par ses recherches sur la sphère céleste, il élabore de nouveaux outils trigonométriques et préconise leur utilisation en astronomie (trigonométrie sphérique). Il généralise l’usage des sinus en exploitant les idées d‘un de ses contemporains, Al Marwazi, (astronome qui travaille à Baghdad et introduit la notion d‘ombre, correspondant en trigonométrie à notre tangente). Dans son travail purement mathématique, il est véritablement un précurseur lorsqu’il abandonne le calcul des cordes pour développer des méthodes utilisant les cotangentes dont il dresse également des tables. Il crée plusieurs formules de trigonométrie toujours utilisées de nos jours. Il démontre certains théorèmes, écrit de nombreux ouvrages dont le célèbre «Zeij al Sabi», qui répertorie et commente le résultat de quarante-deux années d’observations des étoiles et de relevés sur les planètes. Dans un autre ouvrage il s’intéresse à des problèmes astrologiques, à propos des conséquences sur les prédictions, des différences de positions relatives des observateurs. Cet astronome a une œuvre considérable. Certains le classent parmi les meilleurs astronomes de tous les temps.

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