Pr Arezki Derridj, ancien recteur et doyen de la faculté des sciences biologiques agronomiques et géologiques (UMTO), à El Moudjahid : « Il faut impliquer les jeunes et renforcer les moyens »

El Moudjahid : La progression du pin d’Alep dans les massifs montagneux du pays semble compromettre l’équilibre des cédraies. Comment interprétez-vous cette dynamique ?

Pr Arezki Derridj : À mon avis, la montée du pin d’Alep s’explique essentiellement par le changement climatique. Il fait de plus en plus chaud en altitude, ce qui permet à cette espèce, qui auparavant ne supportait pas ces conditions, de progresser vers les hauteurs. Cette remontée est facilitée par plusieurs facteurs comme les incendies, d’abord, qui ont laissé derrière eux de vastes espaces nus, et le surpâturage, qui empêche toute régénération naturelle. Le pin d’Alep a trouvé là un terrain favorable pour s’installer. La question qui se pose maintenant est de savoir si cette expansion constitue une menace réelle pour les espèces autochtones, comme le cèdre de l’Atlas. Seul l’avenir pourra le confirmer, mais en attendant, il est important de rester vigilants et d’accompagner la nature. Je pense qu’il faut mettre en place des programmes spécifiques pour impliquer les jeunes, recruter et former des équipes pour épauler les forestiers et les agents chargés de la protection du couvert végétal.

Quelle est la situation actuelle des cédraies en Algérie, et quels sont les principaux facteurs qui contribuent à la dégradation de ces écosystèmes ?

Le principal facteur de dégradation des écosystèmes, c’est avant tout le déficit hydrique, directement lié au changement climatique, ainsi que l’élévation des températures. Dans le Djurdjura, comme ailleurs, la présence de neige éternelle jouait autrefois un rôle fondamental. Aujourd’hui, avec la disparition progressive de cette neige, le sol devient plus sombre, absorbe davantage de chaleur, ce qui accentue l’aridité. Résultat, les espèces naturellement présentes dans ce massif se retrouvent fragilisées. À cette pression climatique s’ajoutent des facteurs anthropiques de plus en plus marqués comme les incendies récurrents, le surpâturage, mais aussi les randonnées intensives qui perturbent la régénération naturelle en piétinant les jeunes pousses et en modifiant l’équilibre fragile de ces forêts. Il est donc urgent que l’État renforce les moyens alloués aux parcs nationaux, notamment en matière de protection, de surveillance et de sensibilisation.

A. F.

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