Grand angle : La victoire des « vaincus »

Par Mourad Termoul
Par Mourad Termoul

Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir à Kaboul par l’armée américaine appuyée par une coalition de plusieurs pays, les Talibans sont de retour. La capitale afghane cède et n’a pu résister à l’avancée des insurgés. Les propos prémonitoires tenus par un des porte-parole de ce mouvement rencontré il y a une dizaine d’années se réalisent : «Si les Américains se retirent, Kaboul tombera en une semaine». Les seigneurs de guerre, jadis fer de lance des tribus anti-talibans, mettent un à un genou à terre en attendant de connaître leur sort.
Pour l’instant, et aux dernières nouvelles, les Talibans ont reçu l'ordre de rester aux portes de la capitale. Les scènes de Saigon se répètent. Seulement la tentation est trop grande et pénétrer Kaboul ne saurait tarder. «L'Émirat islamique ordonne à toutes ses forces d'attendre aux portes de Kaboul, de ne pas essayer d'entrer dans la ville», a déclaré hier, sur Twitter, Zabihullah Mujahid, porte-parole des Yalibans. Néanmoins, des habitants en banlieue-est rapportent que des combattants armés sont présents dans son quartier. « l n'y a pas de combats», précise-t-il. Tôt hier les insurgés s'étaient déjà emparés sans résistance de la ville de Jalalabad (est), quelques heures après avoir pris Mazar-i-Sharif, la quatrième plus grande ville et le principal centre urbain du nord du pays. La déroute est totale pour le gouvernement du président Ashraf Ghani, et pour les forces de sécurité, pourtant financées pendant vingt ans par les Etats-Unis. Plus de 1.000 milliards de dollars ont été injecté dans cette guerre. Une somme astronomique qui a beaucoup plus servi à l’enrichissement de la classe politique afghane, entre autres le fils de l’ancien président, Hamid Karzaï, impliqué dans des affaires de détournement et d’enrichissement personnel. Avec une facilité déconcertante et parfois sans le moindre combat, les Talibans ont récupéré les clefs de certaines grandes villes. Une poignée de villes mineures sont encore sous le contrôle du gouvernement, mais, dispersées et coupées de la capitale, n’ont plus une grande valeur stratégique. Face à l’avancée fulgurante des Talibans, des dizaines de soldats se sont réfugiés en Ouzbékistan voisin, ont annoncé dimanche les autorités de Tachkent. En juillet, un millier de soldats afghans avaient déjà traversé la frontière vers le Tadjikistan après des combats avec les talibans. Les troupes ouzbèkes à la frontière entre les deux pays ont arrêté 84 soldats et des discussions ont été engagées avec les autorités afghanes pour organiser leur retour dans leur pays, a fait savoir le ministère des Affaires étrangères ouzbek.
Au vu des derniers développements et avant la chute finale de Kaboul vidée des diplomates étrangers, évacués en urgence par un pont aérien, le président Ashraf Ghani se retrouve sans autre option que de devoir choisir entre capituler et démissionner. Le temps des négociations est bel et bien révolu… et les Talibans sont sur la voie de redevenir encore une fois les maîtres absolus de ce pays tourmenté. De quoi sera fait demain ? Au pays des Pachtoun l’amertume est intense et le goût de l’avenir demeure opaque.
M. T.

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