
La lune de miel entre Alger et Rome donne des cauchemars à Paris. Le tapis rouge italien déroulé au Président Tebboune, les hymnes qui ont résonné, les poignées de main chaleureuses avec Georgia Meloni, le bouquet de fleurs offert par le chef de l’État, les sourires échangés et surtout, cette avalanche d’accords signés dans tous les domaines - industrie, énergie, agriculture, sécurité, immigration. Bref, un festin diplomatique. Résultat : hoquet généralisé sur les plateaux parisiens. Chaque image venue de Rome a été disséquée avec une précision presque médicale par les éditorialistes du courant Bolloré. Impossible de cacher leur douleur : les gorges serrées, les mines défaites, les cris d’orfraie ont fusé. Sur Europe 1 et Cnews, Louis de Raguenel lâche même, le souffle court : «C’est extrêmement humiliant d’être Français et c’est quelque chose de difficilement supportable!». Le mal est profond. Et voilà notre chroniqueur stupéfait que la visite ne se soit pas faite en catimini, mais en grande pompe : «Une visite d’État ! Avec tout le protocole !» s’indigne-t-il. Pour lui, «si Giorgia Meloni l’a fait, c’est qu’elle se sent autorisée à le faire, elle n’a absolument pas peur de nous». Selon lui, Giorgia Meloni aurait dû… avoir peur. Rien que ça. Peur de recevoir un chef d’État souverain, à la tête d’un pays allié, et partenaire stratégique ? Faut-il rire ou pleurer devant tant de confusion entre nostalgie coloniale et diplomatie du dépit ? Pour ces médias qui font de la haine de l’Algérie leur leitmotiv, voir le Président Tebboune dérouler son agenda romain «sans se cacher» est un affront. Un scandale. La République —ou du moins ce qu’il en reste sur les plateaux— en est bouleversée. Mais la gifle suprême est venue de Georgia Meloni elle-même. Elle, la cheffe du gouvernement italien, a osé défendre les intérêts stratégiques de son pays. C’est là, un crime impardonnable en ces temps de morale diplomatique française. L’essayiste Bernard Cohen-Hadad n’en revient toujours pas : «Ça ne rend pas heureux d’être Français… C’est une gifle à la diplomatie française.» Mais enfin, pourquoi tant de chagrin ? Pourquoi ces visages allongés face à une Algérie qui, simplement, diversifie ses alliances ? Avaient-ils vraiment cru qu’on pouvait transformer un froid diplomatique algéro-français en une croisade européenne contre Alger ? L’Italie a torpillé cette illusion avec une efficacité presque artistique. Réduits aujourd’hui à râler dans les micros, ces journalistes hurlent au déclin de la diplomatie, donnant l’air d’avoir la mémoire d’un poisson rouge parce que ce sont ceux qui ont tout fait pour altérer les relations algéro-françaises. Ces voix grinçantes, campées dans leur nostalgie de l’Algérie française, ont cru que le silence, l’arrogance et la menace suffiraient à faire plier Alger. Qu’un bras de fer symbolique suffirait à «amadouer» un pays souverain. Or, surprise : l’Algérie a tourné la page et le regard vers d’autres horizons. Pendant que les chroniqueurs parisiens récitent leur litanie du «déclin diplomatique» et prient devant le mur des lamentations, Alger trace sa route, sereine, vers une position stratégique en Méditerranée et en Afrique. Le pays tisse des partenariats solides, concrets, avec ceux qui respectent sa souveraineté et qui traitent avec lui d’égal à égal. Ainsi va la vie, les uns signent des contrats, les autres rédigent des complaintes. Les premiers construisent l’avenir, les seconds ressassent un passé qu’ils n’ont jamais vraiment digéré. Et pendant qu’on continue, à Paris, à s’indigner entre deux plateaux, Alger, elle, poursuit tranquillement sa dolce vita à Rome.
H. Y.