
Le verrou du droit de veto, encore détenu par le club cadenassé des 5 membres permanents du Conseil de sécurité, a prouvé durant l’année 2024, tout son caractère abusif et l’arbitraire de son maintien au moment où se multiplient dans le monde les alertes objectives quant à l’inefficacité du système international et les remises en cause de sa légitimité. Le débat par l’Assemblée générale de l’ONU du rapport annuel concernant l’activité du conseil a vu, à juste raison, s’exprimer nombreuses protestations à ce sujet. Le blocage pour le moins scandaleux de toutes les initiatives entreprises pour agir dans le sens d’imposer l’arrêt du génocide à Ghaza a bien entendu servi de point d’appui essentiel aux critiques. Et les critiques ne sont pas seulement venues des Etats les plus engagés sur la question palestinienne. Le représentant permanent de l’Autriche a ainsi souligné, qu’en faisant usage du droit de veto à sept reprises durant l’année 2024, les membres permanents, les Etats-Unis en premier lieu, ont fait battre des records non atteints «depuis la fin de la Guerre froide», y compris quand l’urgence d’agir est unanimement relevé par la communauté internationale. Un constat qu’appuie la délégation diplomatique portugaise en affirmant que «Ces abus risquent d’hypothéquer la légitimité du Conseil mais aussi la confiance que les Etats membres et les citoyens du monde placent dans le multilatéralisme ». La délégation diplomatique cubaine va plus loin dans la dénonciation, estimant «inconcevable» que le rapport présenté, n’ait pas suffisamment pris en compte le contexte du génocide contre les populations dans la bande de Ghaza au point de ne pas mentionner les quelques textes appelant l’entité sioniste à cesser les massacres. L’Algérie, en tant que membre non permanent, a pour rappel été à l’origine de nombreux projets de textes condamnant la guerre génocidaire, interpellant maintes fois le Conseil sur les dangers d’un recours abusif au blocage via le veto. En décembre 2024, lors de l’une de ces sept occasions où une résolution du Conseil avait été avortée par un véto américain, le représentant de l’Algérie à l’ONU, l’ambassadeur Amar Bendjama avait déploré «une journée triste pour le Conseil de sécurité, pour l’ONU et pour la communauté internationale dans son ensemble». Au dernier veto en date, le 4 juin dernier, le diplomate algérien avait de nouveau réitéré que "le bouclier de l'impunité et de l'immunité doit tomber". Appelant ses homologues à «parler à voix haute, (...) pour la mémoire, la morale et l'humanité(…)», il avait noté que «Cette réunion du Conseil de sécurité, cette résolution humanitaire, même si elle a été bloquée par un veto, est un miroir qui reflète l'agonie du multilatéralisme. Et il y a un besoin urgent de le ressusciter". Un autre brasier périlleux vient de se déclarer sur le front iranien. Rien ne dit que le multilatéralisme, déjà agonisant, n’y perdra pas encore davantage de chances de survie.
M. S.