
Entretien réalisé par Soraya Guemmouri
El Moudjahid : Le président de la République a donné des instructions pour l’élaboration d’un texte de loi criminalisant la spéculation sur les produits de base…
Me Ksentini : J’approuve entièrement cette décision qui arrive à point nommé. Il est évident qu’il s’agit d’un secteur très sensible et que ce phénomène de spéculation porte grandement atteinte au pouvoir d’achat des Algériens, ce qui est intolérable. En fait, il était nécessaire que l’État prenne des décisions drastiques, en ce contexte économique, pour optimiser la protection du citoyen. C’est d’ailleurs dans cet objectif précis que le président de la République a donné des instructions pour l’élaboration d’un texte de loi criminalisant la spéculation sur les produits de base. Le chef de l’État avait annoncé, par la même occasion, l’entrée en vigueur, très prochaine, de l’allocation chômage dans le cadre de la loi de finances pour 2022. Il est utile de mentionner que la criminalisation des phénomènes nuisibles aux citoyens existe ailleurs. À titre d’exemple, la Suisse a procédé à la criminalisation de la conduite en état d’ivresse en vue de protéger les citoyens. Cela étant, nous ne pouvons qu’adhérer pleinement à la décision du président de la République qui tend à protéger davantage le citoyen. Il faut bien comprendre, ici, que le fait de criminaliser le phénomène de la spéculation veut dire mettre fin au vagabondage économique, tout en veillant à la préservation du pouvoir d’achat.
Pouvez-vous nous éclairer, en tant que homme de loi, sur les sanctions réservées aux spéculateurs, selon les textes en vigueur ?
Les sanctions actuelles sont d’ordre délictuel. Or, le délit n’est jamais sévèrement condamné, il y a souvent récidive, et c’est pour cela que certains commerçants n’hésitent pas à porter atteinte à la sécurité alimentaire, par des manœuvres frauduleuses, tel le stockage en vue d’augmenter leurs bénéfices. Il fallait, en fait, revoir le fond des choses et criminaliser de tels actes ; eu égard aux répercussions de ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes, la mesure s’impose d’elle-même.
Comment peut se faire sur le terrain la mise en œuvre de cette importante et salutaire décision de criminalisation de la spéculation ?
À l’initiative du ministère du Commerce, l’Assemblée populaire nationale sera appelée à voter des projets de loi criminalisant la spéculation et les stockages excessifs visant à provoquer la flambée des prix des produits alimentaires. Une fois le texte adopté par les deux chambres, il sera publié au Journal officiel et entrera ainsi, de facto, en vigueur. Il convient de rappeler que le ministère du Commerce vient d’annoncer que ses services sont actuellement en passe de réviser certains textes de loi, en coordination avec les secteurs ministériels concernés. Cette étape devrait précéder le dépôt du projet de loi y afférent au niveau du Parlement. Outre la criminalisation de la spéculation, des instructions ont été données aux directeurs régionaux du secteur en vue de réguler les prix de certains produits agricoles.
Faut-il préconiser d’autres textes de loi dans le souci de stabiliser, voire d’améliorer le pouvoir d’achat ?
Je suis convaincu que l’amélioration du pouvoir d’achat passe inéluctablement par la revue à la hausse du Salaire national minimum garanti (SNMG) à 50.000 DA, comme réclamé par les différents syndicats et par les citoyens, d’une manière générale.
S. G.