Un plan national pour les maladies rares est en préparation. De quoi susciter beaucoup d’espoir pour des centaines de milliers de malades dans le désarroi. Est qualifiée comme maladie rare, toute maladie qui touche moins d’une personne sur 2.000 dans le monde. Cela se distingue par le fait que l’écrasante majorité d’entre elles sont orphelines, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas de traitement efficace.
Du fait justement de leur rareté, ces maladies ne bénéficient pas de programmes de recherche conséquents afin de leur trouver un remède, car les laboratoires pharmaceutiques, qui recherchent la rentabilité avant tout, ne veulent pas engager des budgets importants pour trouver des médicaments efficaces pour des malades qui ne sont pas nombreux. Cela dit, il existe des maladies courantes qui sont orphelines comme l’Alzheimer, une maladie répandue, mais qui n’a pas de traitement à ce jour. Actuellement, 96 % des maladies rares sont orphelines, donc sans traitement efficace, et 80 % d’entre elles se contractent par transmission génétique, la consanguinité étant l’un des facteurs importants favorisant cette transmission. Les 20 % restants sont constitués de cancers rares, d’intoxications rares, de maladies immunitaires rares, de maladies idiopathiques rares et d’affections rares indéterminées. Selon le décompte des milieux médicaux, il existe un peu plus de 7.000 maladies rares dans le monde. En Algérie, de 4 % à 6 % de la population est atteinte de ces maladies. Considérant que le nombre d’habitants se situe entre 46 et 47 millions, le nombre de patients souffrant de maladies rares avoisinerait les 2 millions d’habitants, sans tenir compte du facteur de consanguinité. Chaque maladie a quelques dizaines ou quelques centaines de malades. Donc, si les maladies sont rares, le nombre de malades, en additionnant ceux souffrant de ces quelque 7.000 maladies, est important. Il y en a qui ont été diagnostiqués, mais d’autres ne le sont pas. Certains sont malades sans le savoir. Il y en a aussi qui ne savent même pas de quoi ils sont malades car les maladies rares sont difficiles à détecter par les médecins qui ne sont pas formés. Les maladies rares peuvent toucher un seul organe ou plusieurs organes en même temps, comme c’est le cas du syndrome de Marfan et de la sclérodermie. La majorité des maladies rares étant génétiques, elles s’expriment très tôt dans la vie, ce qui fait que les pédiatres sont généralement en première ligne. Un faible pourcentage de maladies rares peut s’exprimer plus tard dans la vie, à l’adolescence ou bien chez l’adulte. L’archétype de la maladie rare qui peut être foudroyante est l’amyotrophie spinale, plus connue sous l’acronyme SMA. C’est une maladie neuromusculaire dont la version sévère, la SMA1, est létale. Il existe plusieurs cas de bébés qui décèdent dans les services de réanimation des différentes structures médicales en Algérie avant même de boucler leur deuxième année. Cette maladie est la première cause génétique de mortalité infantile. Le service pédiatrie du CHU Mustapha-Pacha connaît une centaine de cas annuellement. Il existe une thérapie efficace pour la freiner depuis 2017 et ce traitement a été enregistré auprès de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP), mais il ne peut être efficace que si la maladie est détectée rapidement. C’est pour cela que les spécialistes préconisent un dépistage néonatal (c’est-à-dire à la naissance) systématique pour détecter cette maladie et la traiter précocement. A ce jour, deux maladies font l’objet de dépistage néonatal systématique en vertu d’un projet-pilote : la phénylcétonurie et l’hypothyroïdie. De nombreux pédiatres, dont le Pr Azzedine Mekki, chef du service pédiatrie au CHU Mustapha-Pacha, préconisent d’inclure la SMA dans le dépistage néonatal. De son côté, le Pr Asmahane Ladjouze, chef du service pédiatrie au CHU de Beni Messous, a proposé, lors d’une journée d’études sur les maladies rares organisée l’été dernier, d’inclure l’hyperplasie congénitale des surrénales dans le dépistage néonatal car elle est facile à détecter. Le dépistage néonatal est d’autant plus important que les maladies rares, par définition, s’expriment très tôt dans la vie. Sachant que 96 % des maladies rares n’ont pas de traitement, elles engendrent des décès dans la majorité des cas, des handicaps ou des séquelles. Les organes touchés souffriront d’insuffisance jusqu’au décès. En somme, les victimes de maladies rares, dont il n’existe pas de traitement, ont une espérance de vie réduite considérablement. Les 4 % des maladies disposant, à ce jour, d’un traitement, doivent être détectées et traitées tôt pour que les résultats soient bons. Le Pr Mekki est catégorique : «On ne guérit jamais d’une maladie rare. Les traitements stabilisent seulement la maladie, ce qui explique que les traitements sont à vie, sauf greffe d’organe.» La maladie rare est également liée à la consanguinité. L’Algérie connaît une consanguinité importante car il y a beaucoup de mariages entre personnes d’une même famille, comme entre cousins par exemple, ce qui augmente le risque d’attraper une maladie rare. Pour une question de culture ou de moyens, les gens de l’intérieur du pays ne consultent pas souvent, en comparaison avec ceux qui sont dans les grandes villes et ce sont eux qui ont une insuffisance de diagnostic. Fort heureusement, les mentalités ont évolué, ces dernières années, puisqu’il y a de plus en plus de personnes de l’intérieur du pays qui consultent des médecins lorsque nécessaire, quitte à aller très loin. A Alger, il y a des malades au CHU Mustapha-Pacha qui viennent même d’In Guezzam. L’Etat n’est pas en reste concernant les maladies rares. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a souvent souligné la nécessité de prendre en charge les problèmes de tous les citoyens, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. A titre illustratif, la liste des maladies rares et leurs traitements pris en charge par l’Etat a été portée de 32 à 109 maladies à travers l’arrêté du 6 novembre 2024, modifiant et complétant l’annexe I de l’arrêté du 6 février 2013 fixant les listes des maladies rares et des pathologies à pronostic vital ainsi que les produits pharmaceutiques destinés à leur traitement. Cet élargissement a été accueilli avec soulagement par les malades souffrant des pathologies ajoutées à la liste. Par ailleurs, le Dr Khaled Khedim, directeur-général adjoint de la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS), a annoncé une évolution exponentielle des dépenses de remboursement des frais de soins qui ont atteint 2,7 millions de dollars par an. «La CNAS est ouverte à tout programme pour améliorer le processus de soins», a-t-il déclaré lors de la journée d’études sur les maladies rares. Pour cela, il faut introduire une demande à la commission de remboursement de la CNAS, «laquelle est seule habilitée à adopter le remboursement d’un traitement donné». Concernant le remboursement des frais des tests génétiques, le Dr Khedim pose une condition : «Il faut qu’ils soient faits en Algérie.» Or, rares sont les structures médicales ayant le matériel nécessaire pour effectuer des tests génétiques et la plupart des laboratoires sous-traitent avec des laboratoires étrangers. Durant le même événement, le Dr Sabri Djerroud, directeur-général de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), a déclaré que le budget consacré en 2025 à la prise en charge des maladies rares est de 45 milliards de dinars. D’ailleurs, l’Algérie est le seul pays en Afrique à consacrer un budget aussi important aux maladies rares. Il s’agit d’un budget conséquent reflétant un effort de l’Etat envers les malades, même si cela reste insuffisant en raison de la cherté des traitements, dont certains coûtent des dizaines de milliers de dollars. D’où la nécessité d’un plan pour les maladies rares, comme il y a eu, il y a quelque temps, un plan pour les cancers. Ce plan est en phase d’élaboration, sous l’égide du ministère de la Santé, par un groupe de spécialistes confrontés aux malades au quotidien. Ce plan préconise notamment la généralisation du dépistage néonatal au plus grand nombre possible de maladies rares, une formation spécialisée pour tous les généralistes afin qu’ils puissent détecter les maladies rares, l’acquisition d’appareils de dépistage génétique, l’ouverture de centres de référence où les maladies seront identifiées et les malades orientés vers les structures de prise en charge adéquates (parcours de soins), la mise sur pied d’une plateforme numérique nationale pour assurer le suivi des malades partout en Algérie et la prise en charge des traitements et médicaments nécessaires pour stabiliser les maladies. L’adoption et l’activation de ce plan sont d’autant plus impératives que des malades décèdent sans même savoir qu’ils sont malades, alors qu’une détection à temps aurait pu les sauver. De plus, des traitements efficaces ont été trouvés pour certaines maladies rares, dont la mucoviscidose, mais le plan national est nécessaire pour assurer leur acquisition et, pourquoi pas, la fabrication de leurs génériques en Algérie. En somme, le plan pour les maladies rares est appelé à déterminer le processus complet de suivi des malades, du dépistage jusqu’au traitement. Sachant que le nouveau ministre de la Santé, Mohamed Esseddik Aït Messaoudène, est un médecin de terrain, les chances de sa concrétisation n’en sont que plus grandes. Une vraie lueur d’espoir pour des centaines de milliers de malades en Algérie.
La liste des maladies rares et leurs traitements pris en charge par l’État a été portée de 32 à 109 maladies à travers l’arrêté du 6 novembre 2024.
En Algérie, 4% à 6% de la population est atteinte de ces maladies. Considérant que le nombre d’habitants se situe entre 46 et 47 millions, le nombre de patients souffrant de maladies rares avoisinerait les 2 millions d’habitants.
Le budget consacré, en 2025, à la prise en charge des maladies rares est de 45 milliards de dinars. Le plan pour les maladies rares est appelé à déterminer le processus complet de suivi des malades, du dépistage jusqu’au traitement.
F. A.