
Entretien réalisé par : Brahim Takheroubte
Lundi dernier, l’Algérie et l’Italie ont signé deux mémorandums d’entente dans le domaine de la formation professionnelle, visant à renforcer la coopération technologique entre les instituts des deux pays et à améliorer les compétences des formateurs dans diverses nouvelles techniques. Il est aussi question de renforcer et de promouvoir l’enseignement de la langue italienne en Algérie. Les mémorandums ont été signés, à Alger, par le ministre italien de l’Éducation et du Mérite, Giuseppe Valditara. Une occasion qu’El Moudjahid a saisie, pour l’interviewer et revenir sur la teneur de ces accords, leurs objectifs et les résultats attendus.
El Moudjahid : Monsieur le ministre, lors de votre séjour à Alger, vous avez rencontré vos homologues algériens, pour signer deux mémorandums d’entente dans les domaines de l’éducation, et de l’enseignement et la formation professionnels. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent précisément ces mémorandums ?
M. Giuseppe Valditara : Le type d’accord que nous avons signé porte sur une étroite collaboration entre le système scolaire italien et le système scolaire algérien. Il ne s’agit pas seulement de favoriser l’enseignement de la langue italienne en Algérie, bien que cela constitue un aspect important de cet accord, mais également de promouvoir une collaboration forte sur le système technico-professionnel, qui est un pilier d’un système productif moderne. En Italie, nous avons lancé une réforme importante visant à lier étroitement l’école au monde du travail, en rapprochant l’école et l’entreprise.
Nous sommes convaincus qu’il est fondamental et utile de partager cette expérience avec le gouvernement algérien, pour favoriser la formation de jeunes qui puisse contribuer au développement économique et entrepreneurial de l’Algérie.
Cette coopération pourrait aussi bénéficier aux entreprises italiennes qui opèrent déjà ou qui souhaitent investir en Algérie, tout en ouvrant de nouveaux espaces pour les investissements italiens dans ce pays.
Avez-vous déjà mené cette expérience dans d’autres pays ou est-ce une première fois en Algérie ?
Nous avons mené des expériences similaires avec trois autres pays : l’Égypte, la Tunisie et l’Éthiopie. Nous avons constitué des commissions conjointes, pour analyser ensemble les systèmes de formation, et étudier et partager la nouvelle réforme technico-professionnelle, que nous avons mise en place en Italie. Cette réforme est très innovante et peut satisfaire les exigences du système scolaire des autres pays. Dans le mémorandum signé, nous avons décidé d’établir une commission conjointe similaire.
Par ailleurs, nous souhaitons identifier les secteurs qui intéressent le plus l’Algérie, afin de développer un système d’enseignement et de formation pour techniciens et professionnels dans plusieurs secteurs productifs, comme l’énergie, la mode, l’agriculture, l’hôtellerie et la mécanique. Nous disposons de programmes technologiques très avancés.
Des initiatives ont été lancées, à Addis-Abeba et au Caire, par des Instituts technologiques supérieurs (ITS). Nous sommes prêts à explorer de telles possibilités en Algérie.
Quels sont les autres objectifs de cette coopération ?
Un autre objectif est également de mettre en place les conditions pour une immigration régulière, en incluant les personnes qui ont déjà une bonne maîtrise de la langue italienne et bénéficiant d’une formation technique cohérente avec notre système productif. Nous offrons ainsi des opportunités pour la future insertion dans le monde du travail aux jeunes qui suivent ces parcours scolaires, dans le cadre d’une collaboration forte entre l’Algérie et l’Italie.
L’enseignement du latin est-il obligatoire en Italie et jusqu’à quel âge ?
Non, le latin est enseigné dans certains lycées, notamment les lycées classiques et les lycées scientifiques. Dans le cadre de la réforme du programme, nous avons l’intention d’étudier cela en option dans les écoles secondaires du premier cycle. Certaines écoles catholiques enseignent déjà le latin.
Jusqu’à quel âge l’école est-elle obligatoire en Italie et l’éducation gratuite ?
La scolarisation est obligatoire jusqu’à 16 ans et le droit-devoir à l’éducation, aussi professionnelle, s’étend jusqu’à l’âge de 18 ans. L’enseignement est gratuit, et les familles défavorisées bénéficient d’une aide pour l’acquisition du matériel didactique.
Même s’il y a une forte présence des femmes dans votre système éducatif, il semblerait que celles-ci ne soient pas très portées sur les matières scientifiques...
Nous travaillons actuellement à créer des conditions favorables, pour inciter davantage de femmes à choisir les matières scientifiques. En effet, le nombre de femmes dans ces filières reste relativement faible, notamment dans les domaines de l’ingénierie, de la physique et de l’informatique. Nous investissons donc dans une réforme importante, pour rapprocher les jeunes, et en particulier les femmes, des matières scientifiques («STEM»).
C’est un défi majeur, tout comme l’utilisation de l’intelligence artificielle, pour personnaliser l’enseignement. Nous croyons beaucoup à la personnalisation de la didactique.
La formation doit être adaptée aux besoins spécifiques de chaque élève, en valorisant ses capacités individuelles. Dans le cadre de cette réforme, nous avons introduit un système de «professeur tuteur» dans les écoles supérieures, et, depuis cette année, aussi dans la dernière année de l’école secondaire de premier cycle.
Ces professeurs sont chargés de personnaliser la formation, afin de maximiser l’enseignement et de rattraper les éventuels retards d’apprentissage. L’orientation scolaire est également une priorité pour nous, avec l’introduction du «professeur de l’orientation», afin que les familles puissent faire un choix éclairé, en fonction des besoins du marché du travail et des exigences des entreprises.
Vous avec un phénomène de décrochage scolaire dans votre pays. Quelles sont les mesures que vous avez prises pour le stopper ?
Nous avons investi massivement pour lutter contre le décrochage scolaire, qui reste un problème historique.
Le taux de décrochage est particulièrement élevé dans les régions du sud du pays. Nous avons mis en place un programme appelé «Agenda Sud», qui comprend dix mesures importantes, comme : la formation de professeurs spécialisés, l’introduction de nouvelles méthodes pédagogiques, l’ouverture des écoles toute la journée, l’intégration du sport et du théâtre, et une meilleure implication des familles.
Les résultats montrent un recul significatif de ce phénomène. Toutefois, ce problème commence également à se manifester dans certaines écoles du centre et du nord du pays, dans les périphéries des grandes villes, ce qui nous a amenés à lancer l’«Agenda Nord», avec des mesures spécifiques mises en œuvre, cette année.
Monsieur le ministre, avez-vous une idée du système éducatif en Algérie ?
J’ai appris que le gouvernement algérien a mis beaucoup de ressources, pour favoriser une scolarisation large et de qualité. C’est un exemple très important.
B. T.