
- Isolement social, deuil, difficultés financières… : La peur et l’inquiétude ont intégré les pratiques sociales
- Pathologies psychiatriques : Augmentation des nouveaux cas
- Pr Mohammed El-Amin BENCHARIF, psychiatre à l’EHS Frantz-Fanon de Blida : «Il faut penser à l’après-Covid»
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«La santé mentale en temps de pandémie a généré un savoir- faire et un savoir-être considérables, de même que le citoyen s’est doté de connaissances scientifiques dans le souci de maintenir une bonne santé mentale, pour ne pas altérer son système immunitaire et juguler les différentes réactions, telles que le stress, la dépression et les troubles psychologiques», affirme Sabrina Gahar, maître de conférences «A» en psychologie clinique, qui relève l'apport de la psychologie clinique en temps de crise laquelle a vraiment fait ses preuves.
«Il est clair que, pour tout scientifique affirmé, la maladie notamment en pandémie doit être réfléchie, suivie et évaluée dans la transversalité et dans une approche multifactorielle déclinée en divers modèles qui permettent de mieux comprendre l’impact psychologique de l’épidémie et ce, en collaboration avec d'autres domaines tels que les sciences médicales.
Il existe donc des mécanismes bio-psycho-sociologiques qui favorisent ou freinent le développement de certaines pathologies et contribuent au bien-être et à la santé.
Pour appuyer l'apport de la psychologie clinique, l’interlocutrice a évoqué la première étude réalisée par une équipe chinoise sur les répercussions psychologies de la Covid-19 en pleine première vague de l'épidémie.
«L’étude a révélé que la mise en œuvre de mesures de quarantaine strictes ont poussé bon nombre de personnes vers l'isolement et ont affecté différents aspects de la vie quotidienne». Cette situation stressante a, également, déclenchée une grande variété de troubles psychologiques tels que panique, anxiété et dépression.
La psychologue dira qu’il s’agit de la première enquête à grande échelle sur les états psychologiques pendant la pandémie, mettant l’accent sur les modalités de leur prise en charge. «Nous sommes ralliés à ce contexte mondial de prise en charge psychologique sur plusieurs plans. D’abord sur le plan de la prise en charge, nous sommes passés du présentiel vers les consultations à distance que ce soit dans les centres d'aides psychologiques ou les cellules d'aides psychologiques mises en place par le mouvement associatif en favorisant la téléconsultation par téléphone ou par appel vidéo.
«Nous avons constaté dès le début de l’épidémie la nécessité d'adopter ce genre de prise en charge au vu de l'impact psychologique de la pandémie vécu par certaines personnes en se basant sur les résultats des recherches qui ont prouvé l'efficacité de la télé-psychothérapie». Pour optimiser la prise en charge psychologique, la clinicienne a rappelé l’intérêt des recommandations émanant des instances scientifiques à l'échelle internationale qui au fur et à mesure de l'avancement de la pandémie sont adaptées au vécu des différents groupes de la société.
Résilience face à la pandémie, un comportement à étudier
La psychologue a indiqué, dans le contexte, que l’impact de l’épidémie n’a pas été perçu de la même manière par toutes les personnes, selon un constat établi par son expérience dans la prise en charge psychologique des répercussions de l’épidémie.
Elle évoque en premier lieu le cas des personnes diagnostiquées auparavant pour certains troubles psychologiques ou psychiatrique, notamment celles qui souffraient de troubles de la personnalité. «C’était la population la plus vulnérable et fragilisée par le contexte de pandémie, surtout par les mesures de confinement et les restrictions, qui avaient rechuté ou manifestaient plus d’anxiété et d’angoisse. Parmi ces cas nous avons reçu des personnes qui étaient sujettes à des attaques de panique, surtout à l’approche du couvre-feu, avec des symptômes ressemblant aux symptômes du Coronavirus. «Ce sont des sensations d’étouffement et des douleurs thoraciques, ce qui provoque chez ces personnes la certitude qu’elles sont atteints de la Covid-19».
Outre les troubles de comportement, la psychologue a cité le cas de personnes souffrant de l’isolement suite au confinement, ainsi que celles présentant des manifestations d’ordre réactionnel et qui ont juste besoin d’un accompagnement psychologique pour renforcer leurs propres ressources internes et les ressources sociologiques.
Mme Gahar souligne enfin l’impact considérable de l’épidémie sur le plan psychologique, ce qui a engendré beaucoup de conflits familiaux et relationnels à travers leur comportement, précisant que les adolescents avaient beaucoup de difficultés à respecter les gestes barrières imposés par leurs parents.
La spécialiste cite, par ailleurs, le cas de beaucoup de personnes qui ont fonctionné dans la résilience et ont pu s’adapter très facilement au contexte épidémique sans grande difficulté.
«Il est important pour nous psychologues de ne pas focaliser seulement sur la psychopathologie et les manifestations cliniques liées à la Covid mais aussi sur le comportement de résilience de certains face à la pandémie.»
Kamelia Hadjib
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Isolement social, deuil, difficultés financières…
La peur et l’inquiétude ont intégré les pratiques sociales
Peur de la maladie, isolement social, deuil, difficultés financières, autant de facteurs qui témoignent d’une grande détresse psychologique liée à la pandémie. Psychiatres, psychologues et sociologues attirent l’attention sur l’impact de l’épidémie sur la santé mentale. Selon les spécialistes, les répercussions sont lourdes, engendrant des états de panique, de stress, des traumatismes et des dépressions en réaction à la maladie ou au décès d’un proche. L’impact social a été bien démontré dans une étude du professeur en sociologie à l’université Oran 2, Mohamed Mebtoul, chercheur en anthropologie de la santé, qui a mis l’accent sur la peur et l’inquiétude ayant intégré les pratiques sociales des populations. «Au début de la pandémie, les personnes ont mis l’accent sur ce qui leur semble le plus important : la rupture temporaire des liens familiaux et sociaux antérieurs», a-t-il indiqué, précisant que le paradoxe tragique de la pandémie est celui de tenter de se protéger de l’autre, tout en étant un membre de sa famille. Vivre avec la pandémie, c’est subir fortement les secousses relationnelles négatives (ne pas pouvoir embrasser sa mère, manger seul, rentrer très tard le soir, éviter avec douleur les gestes affectifs, etc.), obligeant réciproquement les proches parents à s’inscrire dans cette stratégie sociale. Pour le sociologue, la peur joue comme incitateur dans le refus de revoir ses parents, notamment en début d’épidémie du fait du risque plus élevé parmi les personnes âgées atteintes de maladies chroniques. Le confinement est alors vécu comme un ensemble de transformations majeures dans la vie quotidienne.
Selon le sociologue, la pandémie remet explicitement au premier plan la notion importante d’interdépendance dans la société et interpelle le sens donné à la responsabilité collective au cœur des interactions quotidiennes. Se taire face à la Covid-19, du fait de la contamination, devient un glissement dangereux qui a des conséquences dramatiques pour celles ou ceux qui ont été au contact de la maladie.
K. H.
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Pathologies psychiatriques
Augmentation des nouveaux cas
«La Covid-19 est considérée comme un évènement stressant qui affecte la santé mentale des personne à différents degrés
et cause une augmentation des pathologies psychiatriques, ainsi que des cas de rechute parmi les anciens patients», a souligné le professeur Madjid Tabti, chef du service pédopsychiatrie à l’EHS de Chéraga, dans un entretien accordé à El Moudjahid.
Entretien realisé par Kamélia Hadjib
El Moudjahid : La pandémie a perturbé la prise en charge de plusieurs pathologies et activités de santé. Qu’en est-il des pathologies psychiatriques ?
Pr Tabti : La prise en charge des pathologies mentales a été perturbée par la pandémie plus que les autres pathologies. En plus des difficultés que l’on partage, en tant que psychiatres, avec les autres spécialistes, nous avons des problèmes liés à la mauvaise coopération aux soins et aux gestes de prévention qui caractérisent beaucoup de malades mentaux du fait de l’altération de leur capacité de discernement. Nous faisons aussi face à des difficultés spécifiques aux cadres thérapeutiques psychiatrique et psychothérapeutique. D’une part, le confinement et la peur de la contamination ont conduit les patients à déserter les structures de soins. D’autre part, le personnel soignant fait des efforts pour recevoir les patients, mais, quand il se sent exposé au risque ou que le patient est exposé, il reporte quelques activités qui nécessitent un contact très rapproché avec ce dernier. C’est le cas par exemple des thérapies de relaxation ou bien de l’hypnose, où l’on utilise la respiration profonde qui comporte des risques de contamination par échange de postillons. Un autre exemple concerne les thérapies de groupe qui rassemblent une dizaine de patients dans une salle, généralement petite, autour du thérapeute, avec tous les risques de contamination lors des rassemblements que l’on connaît bien maintenant. Le problème de coopération des patients souffrant de pathologies mentales apparaît, notamment dans le non-respect des mesures de protection, ce qui a réduit énormément les hospitalisations psychiatriques. Les services de psychiatrie, organisés en dortoirs, favorisent la promiscuité des patients et les exposent ainsi à un risque accru de contamination. Les difficultés de dépistage par manque de tests ont contribué à cette limitation des hospitalisations.
Quelles sont les conséquences de l’épidémie sur la santé mentale ? Y a-t-il un lien entre le coronavirus et les troubles mentaux ?
La Covid-19 est considéré comme un évènement stressant qui affecte la santé des mentale des personne à des degrés différents en fonction de plusieurs facteurs. Si l’on prend le facteur lié aux vulnérabilités individuelles, on peut distinguer trois types de personnes qui ont réagi différemment à cette conjoncture. D’abord, chez les personnes déjà malades avant la pandémie, le stress lié à la peur de contamination et au confinement a aggravé le degré de leur pathologie mentale ou, dans certains cas, déstabilisé un équilibre atteint auparavant, grâce à une prise en charge adéquate. Ensuite, chez les personnes qui étaient saines, mais prédisposées à développer une maladie mentale, la pandémie a déclenché les maladies pour lesquelles elles étaient prédisposées. Troisièmement, les personnes dotées d’une personnalités assez forte ont résisté, mais au prix de quelques difficultés, telle une augmentation de la tendance à la colère, avec comme conséquence des disputes intrafamiliales ou communautaires et des tensions sociales et politiques. Le lien entre la Covid-19 et la maladie mentale est, dans cette perspective, similaire aux autres évènements stressants de la vie, tels que les guerres, les tremblements de terre, les inondations et autres catastrophes naturelles ou humaines.
Quelles sont les pathologies psychiatriques qui ont connu une augmentation durant cette période de pandémie ?
La majorité des pathologies psychiatriques ont connu une augmentation, certaines ont une place particulière dans cette évolution, du fait de leurs thématiques liées au vécu de la pandémie. C’est le cas des dépressions liées à la perte d’un être cher due au coronavirus, à la perte de l’emploi ou à des difficultés financières importantes. Des états de stress post traumatique sont développés suite à des scènes de décès ou des difficultés respiratoires. Des troubles phobiques par peur de ne pas trouver de secours en cas d’attaque de panique dans le cadre de l’agoraphobie, des troubles obsessionnels et compulsifs par obsession de contamination conduisant à des rituels de lavage et de précaution démesurés peuvent créer des dégât plus importants que ceux de la Covid-19 elle-même. C’est le cas des gens qui se lavent avec de l’eau de javel créant des lésions cutanées très invalidantes ou bien ces obsessions qui créent des tensions dans des familles avec un régime tyrannique de prévention. Un autre trouble qui a aussi un lien thématique avec cette pandémie et qui est accentué en cette période est l’hypocondrie, où le patient a tendance à interpréter comme signe d’une atteinte de Covid-19 tout symptôme, même banal, et qui le conduit à partir fréquemment à l’hôpital, car jamais complètement convaincu même avec les assurances multiples des médecins et les examens PCR négatifs.
Disposez-vous de statistiques concernant les pathologies psychiatriques ou les troubles mentaux qui ont connu une augmentation durant cette période de pandémie ?
Nous sommes en train de réaliser une étude sur les pathologies mentales rencontrées dans notre service durant cette année 2020 caractérisée par la pandémie, qu’on comparera avec les pathologies vues en 2019. Mais les résultats ne seront connus qu’au début de l’année 2021. Cependant, l’impression clinique qui se dégage à travers les cas examinés suggère une augmentation significative des nouveaux cas, ainsi que des cas de rechute des anciens patients déjà stabilisés. C’est ce qui correspond aussi aux résultats des études effectuées en Chine et dans les pays occidentaux. Cette augmentation de l’incidence concerne beaucoup de pathologies psychiatriques, pour ne pas dire toutes les pathologies que l’on avait l’habitude de traiter. C’est le cas du trouble du spectre de l’autisme, du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, du trouble des conduites, de la dépression, de la schizophrénie, des troubles anxieux qui regroupent les phobies, des obsessions, de l’anxiété généralisée, du trouble du stress post traumatique et de l’anxiété de séparation. Les tics, les addictions aux toxiques surtout chez l’adolescent et les addictions aux écrans chez les enfants, ainsi que les troubles du sommeil ont aussi connu une augmentation.
Vous avez bien souligné les répercussions de l’épidémie de la Covid-19 sur la santé mentale. Selon vous, comment y faire face ?
Il faut donner aux professionnels de la santé mentale, les moyens nécessaires pour faire face au nombre croissant de demandes qui parviennent aux structures. D’abord, les moyens de protection, puis améliorer les débits d’internet utilisés durant cette pandémie et qu’on continuera à utiliser encore plusieurs mois, voire après sa disparition complète, car il s’agit d’un moyen qui permet de rendre beaucoup de services avec un coût beaucoup moins élevé par rapport aux procédés classiques. L’utilisation de la téléconsultation sera complémentaire à la consultation en présentiel, dont on ne peut se passer pour le moment. Il faut aussi encourager, financer et multiplier les formations des professionnels dans ce domaine, pour améliorer l’organisation et la qualité des soins, en renforçant les soins de proximité et le travail de réseau. La numérisation du réseau facilitera énormément le travail.
Quel a été l’apport de la commission thématique dédiée à la santé mentale des enfants et adolescents que vous dirigez pendant cette crise sanitaire ?
Dès le début de la pandémie, nous avons installé au comité de santé de l’Organe national de protection et de promotion de l’enfance (ONPPE), une cellule de crise et de suivi de la situation. Un groupe Viber a été créé pour faciliter la communication instantanée entre les membres de cette cellule et l’échange des idées et propositions d’actions. Des numéros de téléphone du personnel de la santé mentale ont été mis à la disposition du public, à travers le numéro vert «1111», sur le site internet ou bien sur la page Facebook de l’ONPPE. Nous avons effectué un grand travail de sensibilisation pour le grand public à travers les médias publics et privés, ainsi que sur les réseaux sociaux. Le but recherché était de faire connaître au public les moyens de bénéficier des consultations psychiatriques, pédopsychiatriques ou psychologiques en ligne ou bien d’obtenir des rendez-vous pour des consultations en présentiel. Des centaines de personnes nous ont contacté pour différents motifs et ont bénéficié d’une orientation vers les services nécessaires qui prennent en charge leurs demandes. Plusieurs dizaines ont bénéficié directement de notre prise en charge pédopsychiatrique et psychothérapeutique.
Votre mot de la fin ? Comment aider les parents des enfants atteints de troubles mentaux dont la souffrance a été accentuée par l’épidémie ?
Oui, on peut dire que cette pandémie a affecté tout le monde à des degrés variables, le personnel de la santé, en général, et de la santé mentale, en particulier, en a souffert en tant que des citoyens comme les autres, et en tant que des professionnels conscients de leur rôle capital dans cette conjoncture. Pour les parents d’enfants atteints de troubles mentaux, il faut que les professionnels de la santé mentale facilitent leur accès aux soins, en améliorant l’organisation des services et en développant la téléconsultation. Les pouvoir publics doivent, d’un côté, fournir les moyens nécessaires pour faciliter la tâche aux professionnels de la santé, et, de l’autre, ouvrir les structures d’accueil pour ces enfants en difficulté. En matière de soins, les services de pédopsychiatrie ne sont pas suffisants pour répondre à la demande de soins en augmentation continuelle. Il est donc nécessaire d’ouvrir des services dans les wilayas qui n’en disposent pas et de renforcer la consultation pédopsychiatrique dans les structures intermédiaires de santé mentale. Il est aussi urgent de faciliter l’ouverture des structures d’hospitalisation à temps plein des enfants et adolescents dans les services de pédopsychiatrie. En effet, certaines pathologies sont difficiles à gérer en ambulatoire. Il s’agit, notamment des troubles du comportement auto et hétéro agressifs qui se manifestent dans certaines pathologies, telles que l’autisme, le retard mental et les psychoses. Des adolescents agressifs, qui ont un corps d’adulte, ne trouvent pas de lieu d’hospitalisation, car âgés de moins de 18 ans. Un autre trouble qui pose le problème d’hospitalisation est l’anorexie mentale qui expose au décès par dénutrition en l’absence d’hospitalisation qui permet une alimentation parentérale. Il faut aussi mettre en place une politique claire d’insertion scolaire de ces enfants en difficulté mentale. K. H.
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Pr Mohammed El-Amin BENCHARIF, psychiatre à l’EHS Frantz-Fanon de Blida
«Il faut penser à l’après-Covid»
Le professeur Mohammed El Amin Bencharif, médecin-chef du service universitaire de psychiatrie légale de l’E.H.S. Frantz-Fanon de Blida et enseignant à la faculté de médecine de l’université Blida1 Saad-Dahleb a relevé l’impact de la pandémie sur la prise en charge des pathologies du fait des mesures de restriction des déplacements et l’instauration du confinement.
«Au début de la pandémie, le nombre de consultations au service de psychiatrie a fortement baissé, mais juste après le déconfinement et la reprise timide des moyens de transport, nous avons enregistré une augmentation sensible, notamment aux urgences psychiatriques, cette situation s’expliquant par la rupture des soins constatée au début de la crise.
Le praticien fait état d’un taux de rechute très important parmi les malades atteints de schizophrénie lié à l’arrêt des traitements et une flambée des pathologies anxieuses, des états de panique, du stress post-traumatique, des troubles phobiques ainsi que des cas de dépression dues essentiellement en réaction à la maladie ou au décès d’un proche.
Il fera savoir que 537 malades se sont présentés aux urgences du service de psychiatrie légale depuis janvier dernier, contre 319 cas recensés en 2019.
Mettant en exergue le lien entre la pandémie et les troubles mentaux, le psychiatre indique que les conséquences de la Covid sur la santé mentale sont multiples et délétères.
«Nous rencontrons dans notre pratique une recrudescence de certaines pathologies en lien direct avec la Covid-19 que nous classerons en trois catégories de troubles», citant en premier lieu les pathologies liées directement à l’infection par le SARS-Cov-2.
Le Pr Bencharif précise que dans ce cas, des troubles psychiatriques, notamment confusionnels, démentiels et même psychotiques, ont été observés.
Il cite, en deuxième lieu, les cas d’angoisse générée par le vécu de la maladie, et là les attaques de panique, les états de stress post-traumatique, les états dépressifs, mais aussi les troubles phobiques, voire les troubles obsessionnels compulsifs ont connu une augmentation, notamment dans le milieu soignant.
Le spécialiste évoque certains troubles liés au travail dans les «unités Covid», causés par l’épuisement psychique et qui se manifestent par le «syndrome d'épuisement professionnel» ou «burn-out».
S’exprimant sur la prise en charge des pathologies psychiatriques dans le contexte de la pandémie, «nous nous situons dans le feu de l’action et il est difficile d’agir et de réfléchir», dit-il. Et de conclure : «Nous n’étions pas préparés, bien qu’on ait vécu des situations similaires sur le plan de la santé mentale. J’évoquerai l’expérience accumulée durant la période du terrorisme, les évènements douloureux liés aux inondations de Bab-El-Oued, au séisme de Boumerdès, des crash d’avion, etc. Toutes ces expériences n’ont pas été capitalisées et n’ont pas été utilisées pour doter le pays d’une organisation permettant de faire face aux situations d’exception, telles que nous sommes en train de les vivre.
Face à la Covid-19, nous nous sommes adaptés, chacun dans son coin ; ce n’est pas l’idéal, mais c’est le minimum à atteindre. Il s’agit de penser à l’après-Covid et à la prise en charge des séquelles de la pandémie sur le plan de la santé mentale. Il y a donc nécessité d’ adopter une politique et une organisation des soins de santé mentale claire, cohérente, efficiente et répondant à des critères épidémiologiques avec des moyens logistiques (structures de soins) et des compétences qualifiées.»
Kamelia Hadjib