«Raï, Oh ! ma déraison, une histoire algérienne» de Mohamed Kali

A ses prémices, confiné à des milieux paillards et graveleux, le raï a conquis la société en faisant un pied-de -nez au milieu traditionnel puritain et aseptisé. Au fil du temps, il s'est modernisé et s'est imposé à l'international.
Ainsi l'histoire de l'origine du Rai et de son développement, a fait l'objet de l’intéressant ouvrage de Mohamed kali "Rai , Oh! ma déraison" qui recentre le débat sur ce genre musical tantôt apprécié tantôt décrié. Les bien-pensants et la bigoterie ambiante l'a voué aux gémonies. Dans ce livre, l'auteur remonte aux origines en montrant l'amalgame entre le raï et le bédoui.
A cette époque, l'Oranie résonnait majoritairement de vers de Melhoun avec des poètes cheikhs comme Benbrahim, Abdelkader Khaldi et Hamada Mustapha. Toutes les fêtes et cérémonies étaient empreintes de ce répertoire déclamé dans le bédouin et rythmé au son du guellal et de la flûte. Mais dans ce contexte des années colonial des années 20 où paupérisation, désarroi , et guerres se côtoient , la voix de ces prolétaires issus de la campagne a donné lieu à des chansons , sortes de complaintes de leur mal-vie et de leur pauvreté durant les moissons, les cueillettes et les fêtes. Ce raï Trab selon Mohammed Kali ou raï du terroir étaient l'œuvre de ces personnes qui ne pouvaient assimiler les poèmes élitistes du chi'ir el Melhoun. Aussi, l'anathème fut lancé par les maîtres du melhoun qui le considérait comme de la subversion poétique.
Selon une version, ce sont ces chanteurs -bergers qui ont permis l'émergence du raï, pour, Il a pris racine dans des milieux peu recommandables et grivois. Prélude à sa diffusion, ce sont ces pseudos- chanteuses et laissées pour compte des bas-fonds qui lesintroduisirent dans tous les espaces publiques comme Rimiti, el Ouachma et Ghilizaniya bien plus tard Zahouania. C'est dans les milieux urbains populaires, qu'il poindra réellement. D'où l'émergence d'orchestres de femmes appelées "medahattes " . C'est par ce canal de chant populaire que passent les revendications du peuple asservi matériellement et culturellement. Porteur de revendications sociales, il est l'expression d'une mal-vie. Vers les années 40, prenant de l'ampleur, il devient l'apanage des femmes avec leurs orchestres. Évoluant dans ces milieux égrillards, le raï licencieux ne choquait pas. On y racontait des thèmes osés pour l'époque comme l'amour, la femme et les vapeurs éthyliques .Aussi ce genre représentait un univers jugé indécent et lubrique. Engoncé dans le milieu des bas-fonds, il restera cantonné dans un environnement marginal.
Après l'indépendance, le rai restera douteux et ne rallie pas les suffrages. Ostracisé par les pouvoirs publics, il connaîtra vers les années 80 une belle embellie en s'introduisant presque par effraction dans tous les espaces publics. Moins hard, le rai évoluera avec des paroles teintées de propos graveleux choquant certains et attirant une jeunesse assoiffée de liberté et d'amour; C’est avec des raimans comme Bellemou, Hasni , Khaled, Mami, Zahouania, Fadela et Sahraoui que le raï fait son entrée dans la cours des grands.
Complainte du terroir décliné à un univers interlope, ou moyen d'acculturation à l'époque coloniale, le rai dénonçait la dure réalité du peuple. Quelque soit son origine, soit issu du rébétika (ballades grecques chez les émigrants grecs aux Usa) selon feu l'universitaire Miliani Hadj ou complainte du terroir,(Raï Trab) ,il s'imposa comme un art musical qui a conquis toute la planète.
Le pertinent et remarquable ouvrage de Mohammed kali, paru aux éditions Chihab, offre une importante source d'informations sur le rai de son origine à son évolution, ainsi que les divers crooners qui ont porté au pinacle ce genre musical souvent discrédité. Cette recherche de l'auteur rappelle que cet art musical a conquis le monde. Un ouvrage empreint d'informations pour une meilleure compréhension de cet art musical. A lire expressément!

K. A.

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