Le président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem), le Pr Mostefa Khiati, plaide pour l’adoption d’un véritable code de l’enfance qui aurait pour objectif de regrouper l’ensemble des textes existants, afin de rendre le cadre juridique relatif aux droits de l’enfant plus lisible, plus cohérent et plus accessible à tous.
El Moudjahid : L’Algérie célèbre aujourd’hui, à l’instar des autres pays du monde, la Journée internationale des droits de l’enfant. Qu’est-ce que représente cette date pour notre pays ?
Pr Mostefa Khiati : Cette date revêt pour notre pays une portée à la fois symbolique et institutionnelle très forte. La célébration du 20 novembre renvoie d’abord à un moment fondateur : l’adoption, en 1989, de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est un texte salué et célébré dans l’ensemble des pays du monde, puisqu’il s’agit de l’une des rares conventions des Nations unies à avoir été signée, ratifiée et adoptée par presque tous les États, à une ou deux exceptions près. L’Algérie l’a ratifiée dès 1992, ce qui traduit clairement l’intérêt accordé par les pouvoirs publics à la question de l’enfance. Mais au-delà de l’adhésion à cet instrument international, il faut rappeler que notre pays a développé un corpus juridique particulièrement dense. Lorsqu’on examine l’ensemble des textes relatifs à l’enfance, on constate qu’ils sont nombreux et couvrent tous les aspects de la protection, de l’éducation, de la santé et du développement de l’enfant. Leur quantité est telle que seuls les spécialistes parviennent à en maîtriser l’ensemble. Parmi ces textes, la loi de 2015 relative à la protection de l’enfant constitue un tournant majeur. Elle a créé l’Organe national de protection et de promotion de l’enfance (ONPPE), structure essentielle qui intervient au quotidien, notamment grâce au numéro vert 11-11 et aux multiples actions et manifestations qu’elle organise tout au long de l’année. Cet organe joue aujourd’hui un rôle déterminant, même s’il gagnerait à être renforcé et doté de représentations dans toutes les wilayas, car il reste pour l’instant concentré à Alger.
À la lumière de ce cadre juridique, comment évaluez-vous aujourd’hui la situation de l’enfance en Algérie ?
En effet, cette célébration constitue un moment privilégié de réflexion et de bilan, permettant de mesurer les avancées significatives accomplies pour l’enfant, des progrès qui se sont encore consolidés au cours des dernières années. Si l’on compare la situation actuelle à celle de 1962, les progrès apparaissent considérables. L’évolution est résolument positive et les indicateurs témoignent de l’ampleur des efforts déployés par l’État. Dans le domaine de l’éducation, à la veille de l’indépendance, seuls 33% des garçons étaient scolarisés, et la situation des filles était encore plus préoccupante. L’Algérie indépendante a profondément transformé cette réalité : aujourd’hui, la quasi-totalité des enfants en âge scolaire bénéficie d’un accès à l’éducation, ce qui constitue l’un des acquis les plus structurants de la période post-indépendance. Sur le plan de la santé, les avancées sont tout aussi remarquables. À l’indépendance, la mortalité infantile chez les enfants de moins de cinq ans dépassait largement 150 pour 1.000 naissances ; elle se situe aujourd’hui autour de 20 pour 1.000 naissances, reflétant un important progrès sanitaire . Ce résultat est directement lié aux politiques publiques de vaccination, à la mise en place du Programme élargi de vaccination et à la lutte contre les maladies qui frappaient autrefois les enfants, telles que le tétanos, la coqueluche ou la poliomyélite. La prise en charge des autres pathologies s’est également renforcée et s’étend désormais à de multiples spécialités. Par ailleurs, l’attention portée aux enfants en situation de handicap mérite d’être soulignée. Ils bénéficient de centres de rééducation, même si le maillage territorial reste perfectible. Il existe cependant une volonté constante d’améliorer les capacités d’accueil, la qualité des soins et la coordination entre les différents secteurs impliqués dans la protection de l’enfant.
Quels défis demeurent aujourd’hui essentiels pour renforcer la protection de l’enfant en Algérie ?
Plusieurs ministères sont engagés dans les politiques en faveur de l’enfance, ce qui nécessite une coordination permanente. L’ONPPE assure aujourd’hui ce rôle, mais ses capacités doivent être consolidées afin qu’il puisse exercer pleinement ses missions sur tout le territoire national. L’un des enjeux prioritaires réside dans l’extension des représentations wilayales, permettant une réactivité plus grande face aux situations d’alerte et un accompagnement plus proche des familles. Le second défi est la codification. Regrouper l’ensemble des textes dans un Code de l’enfance clarifierait les droits, les procédures, les responsabilités institutionnelles et renforcerait la sécurité juridique des enfants. Ce serait un instrument de gouvernance moderne, à la hauteur des standards internationaux. Enfin, les perspectives restent porteuses d’espoir. Les acquis réalisés montrent que l’Algérie a posé des bases solides. Les progrès enregistrés dans l’éducation, la santé et la protection sociale constituent des points d’appui pour aller plus loin. Nous espérons qu’avec la poursuite des efforts de l’État, la situation de nos enfants continuera à s’améliorer, afin de garantir à chacun d’eux un avenir plus sûr, plus protégé et plus épanoui.
K. H.