Dans moins d’une semaine, l’Assemblée populaire nationale (APN) se penchera, en plénière, sur la proposition de loi portant criminalisation du colonialisme français en Algérie.
Ce projet de loi, d’une importance nationale majeure, est suivi de très près par le président de l’APN, Ibrahim Boughali, qui a fait le point, le 14 décembre, avec les membres de la commission chargée de son élaboration. M. Boughali veut réunir toutes les conditions nécessaires à «un débat responsable et constructif, à la hauteur de la place qu’occupe ce dossier dans la conscience et la mémoire nationales». Cette démarche, empreinte de fermeté et de détermination, a été lancée en mars 2025 par la chambre basse du Parlement dans un contexte d’attaques et de surenchères récurrentes du courant de l’extrême droite française contre l’Algérie. C’est une initiative consensuelle, à laquelle ont adhéré les députés, toutes tendances confondues.
Au vu de l’élan que cette démarche a suscité au sein de la chambre basse du Parlement et même en dehors de cette institution législative, il est difficile d’imaginer un autre scénario que celui de son aboutissement. Car, comme l’a déjà affirmé le président de l’APN, «la criminalisation du colonialisme n’est pas une option, mais un devoir national et moral envers nos martyrs et notre histoire». «Progresser vers la criminalisation du colonialisme est une responsabilité collective qui vise à protéger les droits des peuples et à garantir que de tels crimes ne se répètent pas à l’avenir», a estimé M.Boughali.
Lors de l’annonce de cette initiative, l’APN avait recensé les principaux crimes coloniaux perpétrés par l’occupant français en Algérie, notamment les enfumades du Dahra en 1845, au cours desquelles des centaines d’Algériens furent brûlés vifs dans des grottes, les exactions de Laghouat en 1852, marquées par le recours à des armes biologiques, les massacres du 8 mai 1945 ayant causé la mort de plus de 45 000 martyrs, les essais nucléaires menés dans le Sud algérien ainsi que l’installation de millions de mines antipersonnel le long des frontières Ouest et Est. Cette démarche va dans le même sens que la résolution adoptée par l’Union africaine en février 2025, exigeant la reconnaissance formelle de l’esclavage, de la traite transatlantique et du colonialisme comme des crimes contre l’humanité et des génocides. Ce projet de loi qui sera examiné en plénière le 21 décembre met en avant le passé douloureux du peuple algérien et l’ampleur des sacrifices qu’il a consentis pour recouvrer sa souveraineté nationale et vivre en liberté. Il précise que l’Algérie s’oppose à toutes les formes de colonialisme et les condamne, tout en contribuant activement à soutenir les efforts internationaux et régionaux visant à l’éliminer.
Ce projet de loi vise, en effet, à criminaliser la colonisation française de l’Algérie depuis l’agression du 14 juin 1830 jusqu’au 5 juillet 1962, ainsi que ses effets directs et indirects qui se sont poursuivis après l’indépendance. Le même texte, considère la colonisation française de l’Algérie comme «un crime d’État qui viole les principes et valeurs humains, politiques, économiques et culturels consacrés par les lois, conventions et coutumes nationales et internationales». L’État va œuvrer, selon ce projet de loi, à collecter les données et à documenter l’ensemble des faits historiques liés à la colonisation française de l’Algérie. Il a défini ce qui est considéré comme crimes coloniaux commis par le colonisateur français en Algérie.
Il s’agit, entre autres, des meurtres par préméditation, des attaques militaires dirigées délibérément contre la population civile, du recours excessif à la force armée, de l’utilisation d’armes non conventionnelles et internationalement interdites, de la pose des mines antipersonnel, des essais et explosions nucléaires, des exécutions extrajudiciaires, de la pratique généralisée de la torture physique et psychologique, de l’infliction délibérée de dommages graves à l’intégrité physique ou à la santé mentale, des traitements inhumains, de la négation délibérée des droits fondamentaux, des enlèvements et disparitions forcées, des déportations, de la discrimination raciale, de la privation intentionnelle, du pillage des richesses et du trésor public algérien, de la soumission des Algériens à des lois d’exception, du déplacement illégal de populations civiles vers les montagnes et les régions arides et la confiscation de leurs biens et terres. La liste de ces crimes commis par la France coloniale en Algérie est encore longue.
Ces crimes coloniaux et tant d’autres, quel que soit leur degré de mise en œuvre sont imprescriptibles, a précisé le texte qui qualifie de «haute trahison» toutes les formes de collaboration des harkis et de ceux qui étaient avec les autorités coloniales contre les diverses formes de lutte et de résistance pour le recouvrement de la souveraineté nationale et l’indépendance du pays.
L’État œuvrera, par tous les moyens et instruments légaux et judiciaires, dans le sens de l’obtention de la reconnaissance officielle et des excuses de l’État français pour tous ces crimes commis durant la longue nuit coloniale. Il y a aussi la réparation complète et équitable pour tous les dommages matériels et moraux causés par le colonialisme français comme un droit établi de l’État et du peuple algériens.
L’État œuvrera, par tous les moyens et instruments légaux et judiciaires, dans le sens de l’obtention de la reconnaissance officielle et des excuses de l’État français pour tous ces crimes commis durant la longue nuit coloniale.
M. A. O.