
Tragédie inqualifiable, déni des droits les plus élémentaires, félonie accomplie à une période où l’on pensait que l’hydre hitlérienne avait été terrassée. Le 8 mai 1945, alors que le monde fêtait la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, la France révélait sa haine barbare à l’encontre des Algériens, noyant dans le sang des manifestations pacifiques revendiquant la liberté.
Ces journées sanglantes ont été une étape d’éveil des consciences, car ayant été à l’origine du déclenchement de la révolution de Novembre 1954. Au bout de sept ans et demi d’une lutte héroïque, le rêve des Algériens s’est enfin réalisé. Pour les chercheurs et historiens, comme Ameur Rekhila, les massacres du 8 mai 1945 constituent un tournant décisif dans l’élévation de l’esprit national et la réflexion sur la lutte armée pour la libération du pays. C’est un des jalons les plus décisifs de l’histoire de l’Algérie, car ce fut la fin d’une autre étape historique et le début d’une nouvelle ère qui a mis le train du mouvement national sur la voie de la libération. L’horreur des massacres commis contre des manifestants pacifiques dépassait tout sentiment humain, pour ce qu’ils représentaient comme violation des droits les plus élémentaires, atteinte à la morale et à la responsabilité de l’État qui a fermé les yeux sur ces crimes. Cette répression sans nom était le signe le plus évident d’un système colonial qui voulait préserver les richesses et le bien-être de la société française aux dépens du peuple algérien. Un des actes les plus cruels est incarné par l’assassinat du jeune Bouzid Saâl qui avait hissé les couleurs nationales dans la ville de Sétif. Sétif, Guelma et Kherrata sont entrés dans l’Histoire pour avoir été le lieu où se perpétraient des massacres innommables, au moment où le monde entier célébrait la victoire sur le nazisme et le fascisme. Ce sont les pages les plus horribles de l’histoire du colonialisme français en Algérie. Le 8 Mai 1945 s’est inscrit dans le prolongement des massacres du colonialisme depuis 1830. C’est pourquoi cette journée a été décrétée journée de la Mémoire par le président de la République. Les chercheurs ont le devoir de contribuer à la réécriture de notre histoire nationale afin que nous puissions la débarrasser des falsifications et des mauvaises interprétations que tentent de faire accréditer de pseudo-historiens.
Inventaire macabre
Le 8 Mai 1945 sur le plan international est une expression flagrante des tragiques violations de toutes les conventions et normes juridiques, du droit international et des droits de l’Homme. Si l’on devait faire l’inventaire de tous les massacres et crimes de guerre, comme le massacre du 26 novembre 1930 contre les habitants de Blida, celui contre la tribu Al-Awfia (Oued El Harrach) le 5 avril 1832, ou encore celui contre la tribu Awlad Riah au cours duquel 1.200 personnes, hommes, femmes et enfants furent exterminés dans la grotte de Farrashish à Mostaganem le 18 juin 1945… Des études ont été faites sur ce chapitre douloureux de la lutte du peuple algérien, pour témoigner, dénoncer et condamner. Des écrivains qui ont vécu ces événements dans leur jeunesse ou qui en ont entendu parler par leur entourage, qui ont connu l’enfer des prisons, ont consigné ce qui s’était passé au cours de ces manifestations qui ont sonné le glas du colonialisme.
Ecrire et témoigner pour la postérité
On citera par exemple l’écrivain Omar Mokhtar Chaâlal, décédé en 2016, qui, dans son livre Talgouda, raconte le combat du journaliste et militant du mouvement national, Abdelhamid Benzine entre Bejaïa et Sétif. Kateb Yacine a abordé, dans son chef-d’œuvre Nedjma, les massacres, tout en évoquant sa participation personnelle, à l’âge de 16 ans, à ces manifestations, ce qui lui a valu d’être emprisonné et condamné à mort. Kateb Yacine avait découvert l’oppression, le vrai visage de la colonisation. Suite à cette expérience traumatisante pour un adolescent de 16 ans, Kateb entame en 1946 l’écriture de son expérience. Depuis l’indépendance, le cinéma algérien consacre des documentaires à la Guerre de libération nationale, mettant en avant les sacrifices du peuple au nom de la liberté. Cependant, les massacres du 8 Mai 1945 n’ont pas connu un traitement exhaustif par les moyens audiovisuels.
Hichem Hamza