
- «Il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action armée sur l’ensemble du territoire algérien le 19 mars 1962, à 12 heures… »
Ainsi débute le texte des Accords d’Évian, signés le 18 mars 1962, au terme de longues et difficiles négociations. La signature de ces accords était une victoire éclatante pour les négociateurs algériens. Ni diplômés de grandes universités ou de prestigieuses académies militaires, ils se présentaient comme étant un pur produit du mouvement national et avaient une longue expérience de la pratique politique et une connaissance parfaite du fonctionnement du système colonial. D’ailleurs, selon le témoignage de l’historien Lahcen Zeghidi, hier au Forum de la mémoire d’El Moudjahid, quelques jours avant le début des négociations, des instructions avaient été données pour intensifier les attaques contre le colonisateur afin de mener ces négociations en rapport de force. «Cette victoire politique et diplomatique a été le fruit d’une lutte acharnée menée par les négociateurs algériens qui ont su faire preuve d’une habileté stratégique remarquable pour obtenir l’indépendance. Les Accords d’Évian, tout en mettant un terme à la guerre de Libération, sont aussi le symbole de la réussite du combat pour la souveraineté nationale face à une puissance coloniale qui semblait, à première vue, invincible.» La présidence de la délégation algérienne aux premières négociations gouvernementales algéro-françaises sera assurée, du début à la fin, c’est-à-dire jusqu’au 18 mars 1962, par Krim Belkacem, et c’est sous sa plume que furent apposées, du côté algérien, les signatures sur les Accords d’Évian. Intransigeant, lors des pourparlers, il défendit avec fermeté l’indivisibilité du territoire et l’indépendance totale de l’Algérie, ainsi que la reconnaissance des droits du peuple algérien à l’autodétermination. Pour Krim Belkacem et ses compagnons, la signature des Accords d’Évian représentait bien plus qu’une simple fin de conflit. Elle symbolisait la victoire du nationalisme algérien, un nationalisme forgé dans les souffrances de la colonisation et les horreurs de la guerre. C’était la reconnaissance de la légitimité de leur lutte, qui allait aboutir à la constitution d’un État souverain. Cela s’exprimait dans leur détermination à ne pas accepter de conditions qui porteraient atteinte à l’intégrité et à la dignité du peuple algérien. Krim Belkacem a été brillamment secondé, durant ces négociations, par des hommes remarquables tant par leur engagement en faveur de la paix et du triomphe de la liberté du peuple algérien, que leurs éminentes qualités de négociateurs et de débatteurs face à des négociateurs français coriaces. Sous la responsabilité de Krim Belkacem, ces diplomates militants s’appelaient Bentobal, Yazid, Dahlab, Boulahrouf, Mostéfaï, Malek, Mendjeli… D’une manière ou d’une autre, ils se sont distingués par leurs compétences, leur habilité et leur fermeté. D’ailleurs, les négociations ont de suite été suspendues lorsque Jean de Broglie a évoqué la question de la souveraineté française sur le Sahara et ne reprendront que lorsque de Gaulle s’est résigné à lâcher du lest sur la question du Sahara. Les négociateurs des Accords d’Évian ont prouvé que, même sans les diplômes traditionnels de la diplomatie, leur expertise et leur habileté politique étaient d’une puissance redoutable. En tant que pur produit du mouvement national, ils ont su s’imposer comme des figures de proue dans la lutte pour l’indépendance, maniant avec finesse l’art de la négociation, tout en restant inébranlables dans leur vision d’une Algérie libre et souveraine. Cette réussite illustre que la véritable diplomatie ne réside pas seulement dans la formation académique, mais aussi dans la compréhension profonde des enjeux politiques et humains, forgée par l’expérience et l’engagement.
F. L.
----------------------------------------------------------
De la victoire militaire et diplomatique à l’indépendance : Le parcours glorieux d’un peuple
Le 19 mars 1962 marque l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, intervenu après la signature des Accords d’Évian la veille, marquant la victoire militaire et diplomatique de la glorieuse Révolution de Novembre 1954. L’historien et chercheur Meziane Saidi a, dans le cadre du Forum de la mémoire, mis l’accent sur l’Armée de libération nationale (ALN) et sa contribution sur un front de lutte engagé, à l’époque, contre une armée française fortement équipée, ses nombreux supplétifs. Il a brièvement retracé les différentes étapes de sa création, son évolution, malgré des difficultés notables. Il dit que la décision de recourir à la lutte armée s’est manifestée avec l’organisation spéciale (OS) composée de militants déterminés à passer à l’action. Les débuts furent difficiles à l’entame de la Révolution, en 1954. L’ALN, faiblement armée, ne comptait dans ses rangs, que 1.200 moudjahidine. Le Congrès de la Soummam, le 20 août 1956, constitue un tournant décisif dans le renforcement des structures de l’ALN avec une stratégie et un commandement, la création de grades militaires, une division en formations et unités organisées. Malgré tous les moyens mobilisés par le pouvoir colonial, la lutte fut menée avec détermination par le FLN-ALN. Pour étouffer la Révolution et arrêter les soutiens extérieurs, la France édifia deux lignes : Challe et Morice aux frontières Est et Ouest. En 1957, le commandement de la Révolution organise la lutte dans les villes. La capitale verra la création de la Zone autonome d’Alger. Le conférencier notera aussi que l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle a intensifié la répression en orchestrant une guerre totale contre le peuple algérien et son avant-garde, le FLN-ALN. Il dit que l’ALN est considérée comme l’un des symboles majeurs de la résistance et que son héritage continue d’influencer notre mémoire collective. L’historien, Mohamed Lahcene Zeghidi, co-président de la commission conjointe d’historiens algériens et français, s’est penché sur l’action diplomatique, en tant que moyen de lutte pour la concrétisation des objectifs que s’est tracés notre Révolution. Il affirme que l’Étoile nord-africaine (ENA) a été le premier mouvement nationaliste, celui qui fut le messager des idées de liberté, de souveraineté et d’indépendance de l’Algérie. Les diplomates algériens furent intransigeants en ce qui concerne la pleine intégrité territoriale de l’Algérie, la souveraineté nationale et l’indépendance totale de notre pays. Cette diplomatie des maquis fut un digne défenseur de notre cause dans les fora internationaux, notamment le mois d’avril 1955, où a eu lieu la Conférence afro-asiatique de Bandung, ainsi que dans les différentes sessions des Nations unies. Les représentants du FLN sont parvenus à faire inscrire la question algérienne. Les Nations unies ont émis une résolution concernant l’autodétermination des peuples sous domination coloniale et la résolution du 20 décembre 1960, qui invite la France à passer à la table des négociations avec le GPRA.
M. B.
----------------------------------------------------------
Mahrez Lamari, militant des droits de l’homme et des peuples : «La diplomatie algérienne est une épopée»
Mahrez Lamari, militant des droits de l’homme et des peuples, a souligné que le mérite principal de cette victoire revient à la glorieuse Révolution du 1er novembre 1954 et au peuple algérien, qui a fait preuve de ténacité, de courage, de loyauté, de patriotisme et d’engagement. Ce peuple n’a jamais cédé, combattant sans relâche, au prix de lourds sacrifices, pour son émancipation, sa dignité, le rejet du colonialisme hors de ses frontières et pour l’indépendance totale de l’Algérie. « En cette journée de commémoration, il nous incombe de nourrir un devoir de souvenir et de réflexion. Les moudjahidine, engagés dans la lutte diplomatique, depuis le sommet de Bandung jusqu’aux négociations d’Évian, doivent demeurer présents dans la mémoire collective.» À cet égard, M. Lamari a insisté sur le fait que la commémoration de cette journée revêt une importance particulière et constitue un devoir envers nos chouhada, pionniers de l’action diplomatique et de la révolution.
Aïssa Kasmi, moudjahid et historien : «Le 19 mars 1962, une joie indescriptible»
Le moudjahid et historien Aïssa Kasmi a affirmé que la fête de la Victoire revêt une grande symbolique, car elle couronne la lutte héroïque du peuple algérien après 132 ans de résistance acharnée et continue, qui n’a jamais cessé. «Il s’agit d’une confrontation où, d’un coup, une armée française, réputée invincible et classée parmi les meilleures du monde, a dû se rendre. Le colonialisme s’est arrêté le 18 mars 1962.» Il a également évoqué l’émotion particulière du 19 mars 1962, un mélange de joie indescriptible et de préoccupations. «La joie était immense, mais aussi empreinte de préoccupations, car nous savions que l’Algérie était profondément dévastée. Des millions de morts, des orphelins, des veuves, des chômeurs, des blessures de guerre impossibles à guérir.»
R. B.