Laâla Boukhalfa, expert agricole : «L’investissement au Sud, un créneau d’avenir»

L’expert agricole Laâla Boukhalfa estime que les potentialités agricoles perdues au nord du pays suite aux conséquences du changement climatique peuvent être récupérées au Sud.

«L’espoir qu'on perd au Nord suite aux conséquences de la sécheresse, on peut le récupérer au Sud dans le temps et l'espace. L'investissement en plein Sud vient compenser largement le déficit enregistré au Nord et constitue une opportunité à ne pas rater», a-t-il indiqué à El Moudjahid, soutenant que l’Algérie est un pays agricole par excellence, qui dispose de tous les moyens et potentialités pour assurer sa sécurité alimentaire et même celle des futures générations.
«Cependant, a-t-il nuancé, les conséquences des conflits qui existent de par le monde, mais aussi des changements climatiques avec la sécheresse et le manque de pluviométrie, nous poussent à revoir notre stratégie de développement agricole. Si on ne prend pas des mesures dans l’immédiat et ne comptons pas sur nos propres moyens, nous allons trouver des difficultés pour essayer d’assurer notre sécurité alimentaire.
Il faut revoir le système actuel en se référant à la recherche scientifique et en mettant en place une cartographie agricole qui répond aux changements climatiques.» L’Algérie a réalisé depuis l’indépendance des niveaux «très appréciables» en matière de production qui rentre dans le cadre de la sécurité alimentaire, que ce soit pour les légumes, les fruits, les légumineuses ou les viandes. «Mais malgré ces efforts, a-t-il regretté, on reste conditionné et dépendant des importations pour certains produits de large consommation considérés comme des produits stratégiques tels les céréales, les viandes rouges, le lait, les huiles et le sucre. L’importation de ces produits coûte très cher au Trésor public, soit la bagatelle de 10 milliards de dollars.»

«Une nouvelle stratégie agricole ordonnée par le Président Tebboune»

Boukhalfa a, dans le contexte, mis l’accent sur la nouvelle stratégie agricole adoptée par l’Algérie en vue de réduire cette facture en encourageant la production locale. «Le président de la République essaye, depuis son élection, de mettre en place une nouvelle stratégie afin de produire localement en comptant sur nos propres moyens et en accordant des avantages et des facilités pour encourager l’investissement dans le secteur de l’agriculture en général, notamment dans le sud du pays», s’est-il félicité.
Concernant la promotion de l’agriculture saharienne, il a rappelé la création dans ce cadre de l'Office de Développement de l'Agriculture industrielle en terres Sahariennes (ODAS) qui est chargé de gérer l’agriculture saharienne et qui a pour missions de dégager de grandes superficies, de préparer les pistes et les forages afin de faciliter la tâche aux investisseurs qui vont prendre en charge le développement de l’agriculture saharienne.
«Conformément au cahier des charges qui a été élaboré, la priorité a été donnée aux céréales comme le blé dur, l’orge et le triticale, ainsi qu’aux cultures oléagineuses», a-t-il précisé.

«Introduction de la culture du tournesol sur 45.000 hectares»

Pour les cultures oléagineuses, il a cité la culture du colza qui a donné de bons résultats et fait part de l’introduction de la culture du tournesol, dont la campagne a commencé en mars dernier sur une superficie de 45.000 hectares. «Ces cultures vont nous permettre l’extraction des huiles afin de réduire la facture des importations et les déchets seront incorporés dans la fabrication des aliments de bétail. Par le passé, on importait le tourteau de soja mais avec cet ambitieux programme, nous allons utiliser prochainement les tourteaux de colza et de tournesol qui peuvent remplacer les tourteaux de soja. Cela permettra de réduire la facture d’importation de ces produits», a expliqué l’expert.
S’agissant de la céréaliculture, l’agronome a relevé que des superficies importantes ont été déjà distribuées aux investisseurs, soit près de 500.000 ha en 2022 et 2023 et estimé que la superficie entre Adrar et In Salah, quelque 9 millions hapermet de couvrir «largement» les besoins nationaux en céréales. «Le taux de rendement réalisé dans le Sud est très important.
Il peut aller jusqu’à 80 q/ha alors que la moyenne de rendement au Nord ne dépasse pas 17q/ha. C’est très peu et la plus grande part sera produite au Sud, compte tenu des conditions climatiques, de la sécheresse et du taux de remplissage des barrages et ce sera difficile de satisfaire les besoins de l’agriculture qui consomme près de 70 % des disponibilités en eau».

«Faire du Sud un pôle agricole d’excellence»

Selon Boukhalfa, une importance cruciale a été donnée à la culture des céréales qui s’est accaparée la plus grande part dans ce programme qui concerne, également, le développement des cultures oléagineuses, le tournesol, le colza, la betterave à sucre et les fourrages destinés comme aliments pour le bétail. «Diverses espèces peuvent être cultivées dans le sud du pays pour satisfaire la demande des besoins en aliments.
Ceci d’autant plus que le facteur principal de la cherté des viandes blanche et rouge réside dans la cherté de l’aliment. La production locale des aliments de bétail va avoir un impact sur le prix des viandes blanche et rouge», a-t-il noté.
Selon lui, l’Algérie dispose des moyens lui permettant de réussir son ambitieux projet de développement agricole à condition d’exécuter toutes les instructions et les orientations qu’a données le président de la République pour faire du sud du pays et de l’Algérie un pôle agricole par excellence, tout en insistant sur la mise en place d’un plan stratégique et d’une bonne gouvernance avec un suivi permanent. «L ’Algérie a tous les moyens et toutes les potentialités pour assurer la sécurité alimentaire et garantir celle des générations futures et faire de l’agriculture la colonne vertébrale de l’économie nationale», a conclu M. Boukhalfa.

Kamélia Hadjib

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«La culture du  triticale, une solution pour la céréaliculture»
 
Laâla Boukhalfa souligne la nécessité de s’orienter vers des cultures de semences qui s’adaptent au climat et qui résistent à la sécheresse pour faire face aux conséquences du changement climatique et estime que le triticale, une graminée qui se situe entre le blé et le seigle, peut être une solution définitive pour la problématique de la céréaliculture en Algérie. «Le triticale s’adapte parfaitement au sol algérien et résiste à la sécheresse et supporte la salinité. Son taux de rendement est supérieur à celui de l’orge, du blé dur et du blé tendre», a-t-il indiqué, ajoutant que cette variété qui faisait jadis partie des coutumes culinaires algériennes a été dominée par le blé tendre qui est une spécialité du Moyen-Orient mais importée en Algérie durant la période du colonialisme.  Pour lui, il est temps de revenir à nos anciennes coutumes en s’orientant vers l’encouragement de la culture du triticale. Et d’assurer : «On dispose dans le sud du pays d’une grande superficie qui peut être sollicitée pour la culture du triticale. Sachez que 1,5 million d’ha peut répondre à 100% de la demande nationale, avec un excédent qui peut être orienté vers l’exportation. Ça va permettre d’assurer notre sécurité alimentaire et de réduire notre facture d’importations consacrées aux céréales et le fardeau des maladies chroniques, dont l’origine est la farine issue du blé tendre».
 
Kamélia H.

 

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