
«Une réforme de l’État en profondeur.» C’est par ces termes, succincts, mais à coefficient élevé, que le ministre des Finances, invité hier du Forum d’El Moudjahid, a qualifié la réforme des finances publiques. Depuis le 1er janvier 2023, l’Algérie est indéniablement inscrite dans le club très restreint des pays adoptant un budget axé sur les résultats appuyés par un système comptable en droits constatés, dans le cadre de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF). "La loi organique fait office de Constitution financière de l'Etat», a-t-il souligné.
Le projet de loi de finances 2024 est basé sur une démarche réaliste obéissant à la consolidation des mesures décidées par les pouvoirs publics pour assurer la soutenabilité des dépenses publiques, stimuler l’activité économique et restaurer à moyen terme l’équilibre du budget de l’État, à travers de nouveaux instruments institués par les dispositions de la LOLF pour une meilleure gestion des deniers publics. Cette double transformation institutionnelle, souligne Laâziz Faïd, apportera un «changement radical dans la façon de gérer les finances et les biens publics». Une nouvelle philosophie est adoptée.
Les notions de «performance, de résultat, du coût du service public seront plus que jamais valorisées». Affirmant qu’«une réforme ne se décrète pas», le premier argentier du pays qualifie ce chantier de «lourd» et d’«ambitieux», d’un processus dont l’impact se fera sentir dans les toutes prochaines années. Certains experts affirment que sans approfondissements institutionnels, la réforme conservera sans nul doute un caractère inachevé qui contraste avec la philosophie et la cohérence de l’ensemble du projet de réforme. «Il faut laisser du temps aux acteurs de la finance publique de digérer ces instruments qui doivent être mis en place, du moins sur le plan architectural», recommande M. Faïd. Et les acteurs de la finance publique «doivent s’approprier la nouvelle architecture».
Les crédits budgétaires mis à la disposition de tous les ministères
De cette réforme, un nombre d’objectifs est fixé : «plus de responsabilisation, de résultat, d’évaluation de la performance de chaque institution et de chaque fonctionnaire». Dans ce registre, le ministre indique que des comparaisons seront faites par rapport à d’autres pays et vont «nous permettre d’être compétitifs». Et d’ajouter : «On n’a rien à cacher. Tout est publié. Notre souci est de parvenir à une meilleure visibilité et une traçabilité des politiques publiques. En termes de transparence, c’est digne de ce qui se fait dans les grandes démocraties.» L’important est que «les gens reprennent confiance en leurs institutions. Il faut aller vers la reddition des comptes. La vraie réforme, ce ne sont pas les discours, beaux et lénifiants, mais c’est d’agir sur le comportement». Si la patience est recommandée, les premiers résultats sont déjà là, perceptibles. A contrario des années précédentes, où ils s’étalaient jusqu’en mois d’août, voire septembre, et un budget qui «n’était plus en état prévisionnel, mais en mode de régularisation des dépenses», les crédits budgétaires, précise M. Faïd, «sont mis à la disposition de tous les ministères, dès la première semaine de janvier courant». Dans son intervention, le ministre n’a pas manqué de rappeler les résistances enregistrées, mais assure que «la réforme, étant à sa 2e année de mise en œuvre, a atteint un degré de non-retour». Le processus est engagé. Irréversiblement.
Le coût du service public
Tout récemment, M. Faïd a remis des lettres de mission aux directeurs généraux relevant de son département. Cela s’inscrit dans le cadre d’une approche «stratégique, visant l’amélioration de la performance des différents départements ministériels». Des tâches spécifiques et des objectifs précis sont fixés à chaque structure «sur trois ans avec un séquentiel d’une année». Même les banques et les compagnies d’assurances, relève le ministre des Finances, «vont disposer de contrats d’objectifs et de performance». De la réforme budgétaire, oui. De la réforme de la comptabilité, aussi. Désormais, relève le premier argentier du pays, la loi sur la comptabilité publique, publiée au Journal officiel, consacre trois types de comptabilité : budgétaire, générale et analytique. Cette nouvelle vision permettra d’aller dans le détail à même de connaître «combien coûtera un mètre cube d’eau, un mètre linéaire de route, etc». En d’autres termes, le coût du service public. «On aura une qualité d’information plus pertinente, plus judicieuse proche de la réalité et une gestion en toute transparence», enchaîne M. Faïd. Une chose est sûre : une réforme d’une telle ampleur ne saurait évidemment se réduire à un simple épiphénomène technique. Des changements profonds sont attendus, dans le cadre d’un projet de réforme global et cohérent.
Fouad Irnatene