Forum de la mémoire d’El Moudjahid : La Casbah d’Alger citadelle de la résistance

Ph. T. Rouabah
Ph. T. Rouabah

Durant notre lutte de Libération, l’attachement historique de ses fils à la liberté fit de la Casbah d’Alger un vivier de militants engagés corps et âme en faveur de l’indépendance.

Organisation politique, mobilisation des masses, ravitaillement, fabrication de bombes, acheminement d’armes, caches secrètes, impression de tracts et bien d’autres actions révolutionnaires avaient pour siège cette citadelle qui donna du fil à retordre aux forces de répression qui subirent des revers cinglants.
Pour replonger dans ce que fut une authentique épopée révolutionnaire, le quotidien El Moudjahid et l’association Machaâl Chahid ont organisé, jeudi, une conférence sur la résistance de la Casbah d’Alger, animée par Boualem Chérifi, ancien détenu, Mahmoud Arbadji, moudjahid, Réda Amrani, membre de la Fondation Casbah.
Boualem Chérifi a d’abord mis l’accent sur le rôle éminent qu’a joué la vieille citadelle durant la révolution, soulignant qu’Alger a abrité la réunion du Groupe des 6 Historiques au domicile de Mourad Boukechoura, à la Pointe Pescade (aujourd’hui Rais Hamidou), ou la réunion du Groupe des 22 dans la demeure de Lies Derriche au Clos Salembier (Al Madania).

Un exploit héroïque

S’agissant de la spectaculaire évasion de la tristement célèbre prison Serkadji, il dira qu’elle s’était déroulée le 22 février 1962. Vingt-six détenus ont réussi à s’extraire des geôles de ce haut lieu du crime colonial, de surcroit reconnu pour être inexpugnable et surtout synonyme de guillotines et d’atroces exécutions des patriotes, dont Ahmed Zabana, Abdelkader Ferradj, Fernand Iveton,
Abderrahmane Taleb…
Parmi les prisonniers qui ont réussi à déjouer l’attention de leurs geôliers, un mois avant la proclamation du cessez-le feu, il en est qui sont encore de ce monde et prêts à livrer leurs témoignages.
Il a cité Tahar Kouicem, Mohamed Benamani, Mohamed Bourahla…
Le détenu Ghazali Mokhtar a succombé durant l’évasion parce que, assez corpulent, il s'est retrouvé bloqué dans le trou. Il a été tué par un motard de la garde mobile qui passait à proximité, donnant ainsi l'alerte.
Un tel acte doit beaucoup à la solidarité et à l’assistance de ceux qui étaient incarcérés et ceux qui se trouvaient à l’extérieur du pénitencier. A ce titre, il a rendu hommage, entre autres, au moudjahid Mohamed Bousmaha et à la militante Fatima Achouri. Cette bravoure se doit d’être pérennisée par l’érection d’une stèle commémorative, a-t-il conclu.

Arbadji, cet autre héros

Mahmoud Arbadji a retracé, quoiqu’assez brièvement, le combat du Chahid Abderrahmane Arbadji.
Natif de la Casbah, il rejoignit l’école Brahim-Fatah, et son cursus scolaire sera couronné par l’obtention du CEP. Le jeune Abderrahmane a fait partie du prestigieux club de l’USMA où il a joué au sein des jeunes catégories.
Il intègre la vie active en décrochant un poste de travail au sein des PTT. Abderrahmane Arbadji répondit à l’appel de la patrie dès le déclenchement de la révolution, en novembre 1954.
Son militantisme ne laissa pas indifférentes les autorités coloniales qui finirent par découvrir son identité. Son portrait fut affiché dans tous les commissariats de police et dans les quartiers généraux de l’armée. Le mois de février 1957, il tomba courageusement les armes à la main.

Un symbole de la culture algérienne

Réda Amrani a mis en valeur le legs historique et politique de la Casbah, la considérant comme un lieu de mémoire.
Décoloniser l’histoire, dira-t-il, c’est affirmer que l’Algérie, avant l’invasion de l’armée française, était un état doté de tous ses attributs, qu’elle signait des traités avec des Etats étrangers.
Alger a toujours vécu au rythme des pulsations de La Casbah qui est l’âme de cette ville millénaire, avec sa magnifique baie, son front de mer envoûtant, malgré l’usure du temps et l’outrage des hommes, qui en firent une agence immobilière.
Sans être nostalgique ni passéiste, il préconisa, en termes de revalorisation et de réhabilitation de la Casbah, classée mondialement par l’Unesco, qu’il faut la relier avec sa façade maritime, créer un institut d’archéologie sous-marine.

Mohamed B.

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Ils ont dit

Amar Belkhodja, journaliste et chercheur :
«La torture, une institution quasi officielle»

Dans son intervention, Amar Belkhodja a évoqué l’usage massif de la torture, avec ses sombres officines de détention, comme la villa Susini, les exécutions sommaires…
Paraphrasant les propos de Mohamed Belouizdad, il dira que la force de la résistance du peuple est supérieure à la force répressive du colonisateur. Le recours à une large échelle de la «question», de la quête brutale du renseignement à n’importe quel prix reposaient sur une théorie sanglante et satanique, celle des suspects. Benyoucef Benkhedda qualifiait les auteurs de ces forfaits maléfiques, de professionnels du mal. Pierre Vidal Naquet avait écrit que la torture prend véritablement des proportions industrielles. «Nous allons assister à la mise en place d’un véritable ministère de la torture qui ne dit pas son nom.»

M. B.

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