
Les dirigeants du Front de libération nationale, malgré une insuffisance palpable de moyens et des capacités militaires réduites, ont très rapidement pris conscience de la nécessité de former les combattants de l’ALN, sur tous les plans : militaire, idéologique, etc.
La formation devenait cruciale et décisive dès lors qu’on prend toute la mesure de la lutte à entreprendre, de ses exigences et des objectifs. L’affrontement face à une armée coloniale puissamment équipée, pour être efficace, et pour pouvoir remporter des succès édifiants sur les champs de bataille, a constamment besoin de combattants formés. C’est pour cette raison que l’Armée de Libération Nationale (ALN), a dû développer des structures militaires dignes de ce nom pour mener la lutte pour l’indépendance.
L’objectif consistait, de toute évidence, à former des étudiants aux techniques de la guerre avec un maximum de compétence, créer une force de frappe organisée, capable de rivaliser stratégiquement avec l’armée française.
C’est ce qui a été fortement souligné, hier, dans le cadre de notre Forum de la mémoire, organisé, en collaboration avec l’association Machaal Chahid.
Il faut noter que cette évocation n’a pas manqué de susciter de l’émotion mais aussi beaucoup de fierté de la part de ceux, anciens étudiants, qui étaient, hier, présents au Forum.
Le moudjahid Salah Guerfi, ancien officier de l’ANP, un de ceux qui ont eu l’honneur et le privilège de bénéficier de cette formation, a, quelque peu, détaillé certains aspects essentiels de cette formation, qui, répétons-le, avait pour mission de permettre à des recrues, à la fleur de l’âge, de se transformer en combattants aguerris. Il n’a pas manqué de mettre l’accent, assez succinctement, sur des handicaps et des obstacles majeurs, comme par exemple, le manque de moyens, l’édification des deux lignes : Challe et Morice ; mais cela n’a pas altéré le moral et la volonté de ces étudiants, soucieux d’engranger le savoir-faire militaire.
Des promotions ont été formées dans les pays du Moyen-Orient et dans des écoles de formation de pays amis. Le Caire était un des centres névralgiques pour le FLN-ALN.
Des pilotes, des navigateurs aériens, des spécialistes en divers secteurs d’activités ont été formés, principalement en Irak, Syrie, Egypte, Jordanie, Egypte, dans des pays socialistes d’Europe de l’Est, en URSS, en Chine populaire.
Par la suite, les éléments les mieux formés et les plus expérimentés ont constitué le noyau de la future Armée Nationale Populaire (ANP), continuant à servir la nation après l’indépendance.
Un témoignage plein de reconnaissance a été dédié au commandant Rabah Nouar qui a été désigné comme responsable des étudiants militaires au Moyen-Orient, en 1958. Cet homme, originaire de Souk Ahras, s’était illustré, selon les propos des intervenants, par un grand sens du dévouement et un engagement sans faille à l’égard de la mission qui lui a été confiée et de la patrie.
M. B.
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Amar Trabelsi, Moudjahid et ancien pilote militaire :
« Ma revanche sur l’histoire »
Moudjahid et ancien pilote militaire, Amar Trabelsi revient sur l’origine de sa vocation de pilote, profondément marquée par une expérience d’injustice durant la période coloniale. « J’ai voulu devenir pilote militaire en réaction à une humiliation vécue dans mon enfance À l’école, mes camarades de classe avaient eu droit à ce qu’on appelait à l’époque le "baptême de l’air" une première montée dans un avion. Tous ont pu y participer, sauf moi. On m’a refusé cet honneur sous prétexte que j’étais Algérien, alors que mes camarades étaient considérés comme des Français musulmans. Ce jour-là, on m’a clairement exclu », confie-t-il. Cette blessure s’est transformée, des années plus tard, en moteur. Pendant la Révolution, après avoir rejoint le maquis, une opportunité se présente pour lui. « Nous avons été envoyés au Caire pour recevoir une formation militaire. On nous a demandé de choisir une spécialité. J’ai immédiatement répondu pilote. C’était ma manière de réparer une injustice », témoigne le moudjahid.
Trabelsi intègre alors l’Académie militaire du Caire où il passe trois années pour passer sous-lieutenant. S’ensuit un parcours militaire ponctué de stages en Union soviétique, puis une carrière civile brillante au sein d’Air Algérie : « J’ai piloté tous les appareils de la compagnie, jusqu’à la mythique Caravelle ».
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Chérif Ouchia :
«Du Caire à la frontière»
Ancien combattant de l’Armée de libération nationale, Chérif Ouchia a témoigné d’une étape clé de son engagement durant la guerre d’indépendance qui est la formation militaire à l’étranger, à une époque où l’organisation et la préparation armée devenaient essentielles. « Fin 1958, depuis la base de l’Est, nous avons pris la route vers l’Égypte à bord de camions chargés d’armes. Nous étions environ 70. Le trajet a duré sept jours, de Tunis jusqu’au Caire. Là-bas, nous avons été intégrés à une caserne militaire », explique-t-il.
Au Caire, les volontaires algériens sont orientés vers différentes branches : infanterie, armée de l’air, police militaire, marine.
Cette répartition, assurée par les autorités égyptiennes, répondait aux besoins croissants de l’ALN. D’autres stagiaires sont ensuite envoyés dans d'autres pays arabes comme l’Irak, la Jordanie ou la Syrie. « Dans ma promotion, il y avait Liamine Zeroual, Amar Trabelsi, Abderrezak Bouharoun. Abdelaziz Chérif, formé en Syrie, était le premier de son groupe spécialisé », se souvient-il.
Mars 1962 marque une nouvelle phase décisive. Alors que les négociations d’Évian approchent de leur conclusion, l’ALN lance une opération massive : regroupement d’armes lourdes à la frontière et préparation d’une offensive générale, du littoral jusqu’au désert. « Pour la première fois, nous avons utilisé des armes lourdes dans une attaque coordonnée. Le 13 mars, nous avons mené une grande offensive avant de faire une pause le lendemain pour réalimenter les stocks. »
R. B.