Escale, Migration subsaharienne, menace ou aubaine ?

Aucun pays au monde ne peut prétendre assurer l’étanchéité d’une ligne frontalière comme la nôtre longue de 6.563 km logés principalement en milieu désertique. La Chine de l’époque Ming, cinq siècles avant JC, l’a bien tenté, avec une gigantesque muraille de plus de 6.000 km pour se protéger des hordes barbares. Malgré ce dispositif unique dans l’histoire, l’Empire a fini par tomber entre les mains des conquérants Mongols héritiers de Gengis Khan.
L’Algérie affronte un flux migratoire en provenance des pays du Sahel plus important en nombre que tout autre pays au monde et bien plus que le poids qui pèse sur l’ensemble des 28 pays de l’Union européenne. Cette incroyable réalité est mise en évidence en 2018 par une personnalité qu’on ne peut soupçonner de complaisance s’agissant de M. Paolo Giuseppe Caputo, chef de mission de l’Office International de l’Immigration à Alger.
(Le Soir d’Algérie du 18 novembre 2020)
Le message va à contre-sens des clameurs qui s’octroient d’autorité une position monopoliste de l’humanitaire par des attaques médiatiques virulentes contre l’Algérie. Le chiffre de 500 passages clandestins par jour aux frontières du Sud aurait besoin d’une sérieuse mise à jour. Ces données d’il y a trois ans sont aujourd’hui désuètes si l’on juge par l’extension de la mendicité des Subsahariens qui s’élargit aux bourgades de moyenne importance et aux quartiers périphériques des cités de toutes les wilayas. Dans certaines communes, le nombre de migrants est majoritaire devant la population locale. Pris de court par l’apparition d’un phénomène de mobilité aussi nouveau que massif difficilement maîtrisable, nos autorités sont en quête d’une stratégie adaptée. Laquelle ? La question se pose. Le recours aux mesures de durcissement par des contrôles sporadiques et des renvois aux frontières, suspendues du reste depuis le début 2020, a montré ses limites. On peut se demander, aujourd’hui, si cette explosion d’un fait humanitaire nouveau est du ressort exclusif des ministères de l’Intérieur et de la Défense, tant les notions de stopper, juguler, arrêter et renvoyer sont dérisoires. Le sujet est très sérieux, et c’est dans ce sens que s’inscrit l’appel du président de la République à la société civile, pour une réflexion soutenue face à ce nouveau défi d’une ampleur sans précédent dans notre histoire récente. Par ailleurs, l’élite intellectuelle, qui peine à donner un éclairage pertinent, a du mal à se saisir de cette mutation bouleversante dans les échanges entre le Maghreb et le Sahel, devenu objet de convoitises, soudainement militarisé avec des installations de bases étrangères. C’est un espace secoué des crises humanitaires, des guerres et crimes terroristes qui font le lit aux appétits des anciennes puissances coloniales. Dans le seul Niger, la famine, aggravée par la pandémie de la Covid-19, affecte huit millions de personnes. Le Sahel, avec ses dix millions de km2, est devenu un champ de bataille, où s’affrontent des forces antagoniques dans une guerre sans merci en raison d’importantes richesses minières, notamment l’uranium, et l’entrée en scène de nouveaux prétendants dans cette guerre de concurrences. Dans cette tourmente à hauts risques sécuritaires qui nous concerne directement, il y a urgence à trouver des moyens nouveaux pour désamorcer la crise qui s’annonce, au moins par des vagues de populations des pays du Sud, au pire par l’élargissement des conflits qui nous menacent dans notre souveraineté territoriale.
Dans l’immédiat, la réflexion qui s’impose est de savoir comment négocier avec le phénomène migratoire avec le moins d’impact sur notre équilibre socioéconomique et envisager ces vagues humaines non comme facteur de risque exclusivement, mais comme une opportunité. Autrement dit, une force de travail dans des secteurs où l’Algérie manque cruellement de bras, tels que le bâtiment et l’agriculture saharienne. La nature a horreur du vide, la sécurité d’un espace géographique comme notre Sahara est une affaire de peuplement.
Entre la répression et le laisser-faire, n’y a-t-il pas d’alternatives à prospecter ?
R. L.

 

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