ESCALE : Cet article 66 à bannir du code de la famille

Tel un grain de sable dans les rouages du Code de la famille, cet article 66 interdit à la mère de famille divorcée le droit de garde en cas de remariage. Est-ce juste ? Introduit en 2015 par la réforme du code de la famille, il est décrié par un petit groupe de 8000 femmes. Excusez du peu. Il y a des dispositions de lois anachroniques et retardataires. Il y en a d’autres plus inacceptables qui suscitent l’indignation. En particulier quand il s’agit d’interpréter, de façon abusive, des lois dans un but de nuire et d’asservir la femme à l’écart de tout sentiment de noblesse vers lequel aspire la science juridique. La réforme du Code de la famille en 2015 a été plutôt initiatrice de modernité dans l’ensemble avec des changements notoires en faveur de la femme surtout les nouveaux amendements du code pénal criminalisant les violences conjugales. Dans le même ordre d’idées, les femmes ont accueilli avec soulagement le droit de transmettre la nationalité algérienne à leur enfant de père étranger et aux mères célibataires le droit de reconnaître leur enfant et d’en transmettre le nom. Depuis la réforme de 2015, il est désormais impossible au wali-tuteur de la future épouse d’intervenir dans la volonté de mariage. Il n’est plus qu’un symbole et la femme n’est plus dans la minorité et la soumission. En 2005 déjà, une réforme courageuse du code de la famille avait introduit l’attribution du droit de garde à la mère et l’obligation pour le père d’assurer le logement et la pension alimentaire à ses enfants mineurs. Malheureusement, l’article 60 qui annule le droit de garde en cas de remariage de la mère surgit comme une menace permanente qui impose sa terreur. Ma jeune voisine de 26 ans fait partie des très nombreuses algériennes réduites à la précarité sociale par cette supercherie juridique qui conditionne le droit de garde à l’interdiction du remariage. « Si tu veux garder ton enfant, accepte de tirer un trait à toute prétention de remariage» ainsi résumée cette prise d’otage dû à un amendement au code de la famille. L’article 56 intervient comme une disposition dictatoriale de l’homme sur son ex-épouse. Cette injustice est la source des pires instabilités sociales aux jeunes femmes dans la situation de ma voisine réduite à la clandestinité et l’attente d’une proposition de remariage religieux au rabais non reconnu civilement ou l’astreinte au célibat dès lors que la sécurité d’une union légale s’avère problématique. Mariée très jeune et divorcée, ma voisine est mère d’une fillette de sept ans. Elle est convaincue que la séparation va à l’encontre des intérêts de son enfant. C’est le sacrifice. Le principe de la « Hadhana « continuum de la gestation selon le droit musulman est dénaturé de son sens. Le réformateur qui s’est permis cette grave dérive fonde son argumentation sur une lecture fantaisiste de la loi divine inscrite dans le Chapitre de la Femme en considérant la cohabitation de l’enfant avec le beau-père comme non conforme à l’intérêt de l’enfant. L’article déchoit à la mère le droit de garde de ses enfants « en cas de remariage avec une personne non liée à l’enfant par une parenté de degré prohibé « (Art 66 du CF) alors que l’époux détient le statut de « Moharem Chaâri « selon le verset 23 de la Sourate Enissa. Les femmes et juristes qui contestent l’article 66 ont lancé une pétition recueillant des milliers de signatures. Citoyennes à part entière, ces victimes ne sont pas des parias de la société. Elles sont nos filles, nos sœurs, nos voisines qui attendent de nous un geste de soutien. Aujourd’hui que la configuration sociale de l’ APN a changé avec un renouvellement de son personnel, l’heure est venue pour réinscrire cette affaire à l’ordre du jour pour marquer la rupture avec les commodités du silence méprisant.
R. L.

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