
La tragédie de Sakiet Sidi Youssef aura été l’illustration parfaite de la profondeur des liens qui unissent les deux peuples tunisien et algérien que rien ne pourra disloquer. Elle a pérennisé les principes d’union et de fraternité, scellés dans le sang et dans la conviction d’une lutte commune. C’est le message qu’ont voulu transmettre les différents intervenants, hier, dans le cadre de notre Forum, dédié à ce douloureux évènement. À cet égard, le SG du Conseil consultatif de l’Union du Maghreb arabe, Saïd Mokeddem, a indiqué que chaque année, nous accomplissons un devoir de souvenance et de recueillement, tout en nous efforçons à mettre au jour des données qu’on ignore encore, car nous ne nous sommes pas encore parvenus à récupérer certaines de nos archives, pouvant nous permettre de savoir davantage sur ce qui s’est passé dans ce village martyr. Ce qu’avait commis le colonialisme français, a rappelé le conférencier, est l’expression d’une réaction violente, pleine de rancune, en signe de représailles en effectuant des bombardements aériens dans une paisible localité rurale, couverte de forêts luxuriantes, manquant cruellement d’infrastructures nécessaires aux habitants. C’était pour les combattants algériens, une base arrière, un abri pour nos réfugiés, un camp d’entraînement militaire, un lieu où les moudjahidine blessés pouvaient être soignés. C’était également un no man’s land, une zone interdite, et il arrivait souvent que des soldats français y patrouillaient.
En réalité, avant cette odieuse agression du 8 février 1958, le village avait fait l’objet d’une attaque causée par un affrontement inattendu entre un groupe de moudjahidine, le 11 janvier 1958, et des soldats français, près de la colline d’El-Ouasta. 12 soldats français furent tués ou blessés, 4 soldats faits prisonniers et introduits en Tunisie. Le commandement militaire français avait accusé le jeune gouvernement tunisien d’être de connivence avec les combattants algériens, arguant qu’il les encourageait à accomplir des opérations militaires à partir du territoire tunisien. Le président du Conseil, Félix Gaillard, a protesté et a envoyé au Président Habib Bourguiba, un général qui a quasiment ordonné à Bourguiba de lui livrer immédiatement les prisonniers. Devant tant d’outrecuidance, le leader tunisien a refusé de le recevoir.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres
La Croix-Rouge internationale, venue de Genève, le 28 janvier 1958, sous la conduite de M. de Preux, a voulu s’enquérir de l’état des prisonniers ; ce que la France a considéré comme une ingérence et une internationalisation de cette affaire. Ce fut un prétexte qu’avait saisi l’armée française, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres, pour commettre son agression contre Sakiet Sidi Youssef. Du point de vue du droit international, c’est la première fois que la France a décidé, le 1er septembre 1957, de s’octroyer le droit d’intervenir et de poursuivre les moudjahidine partout où ils se trouvent. Cette décision lui a permis de porter atteinte à un État indépendant et souverain.
Précédents criminels
Sakiet Sidi Youssef avait vécu d’ignobles antécédents. Elle fut attaquée le 1er et 2 octobre 1957, ensuite ce fut l’agression du 30 janvier 1958, pour parvenir à cet horrible massacre du 8 février 1958. Ce crime a provoqué la mort de 79 personnes, dont 11 femmes, et 120 blessés. Sans compter une destruction totale du village.
Les allégations du général de Gaulle ont été mises à bas, l’idée de l’unité du Maghreb arabe s’est de nouveau posée, cela a permis que se rencontrent les chefs des partis maghrébins à Tanger, en 1958, qui ont tracé les contours du Maghreb arabe.
Les peuples opprimés, ceux qui ont chassé le colonialisme n’ont pas à attendre à recevoir des excuses ou à des dédommagements de sa part, a dit Saïd Mokeddem. Notre destin repose sur les épaules de nos fils et nous exhortons les États du voisinage, afin qu’ils redoublent d’efforts, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral, l’essentiel est d’enraciner les fondements d’une citoyenneté maghrébine, a-t-il conclu.
Rappelons, pour notre part, que le massacre a été accompli par 11 avions bombardiers de type B26 de fabrication américaine. Ce qui prouve avec clarté que l’OTAN et les USA étaient derrière le colonialisme français. Ont été aussi utilisés, 6 avions corsaires et 8 avions de type Mistral. L’acte d’agression a duré une heure et 20 minutes.
M. B.