Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) : le challenge du renouveau

L'audiovisuel est une activité où l'intervention de l'action publique est omniprésente.
L'audiovisuel est une activité où l'intervention de l'action publique est omniprésente.

Déterminée à relever le challenge d'une institution amplement réhabilitée et affranchie de toute contrainte dans l’exercice de ses missions, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) marque un retour de plus en plus perceptible sur la scène médiatique. L'Arav entend assumer pleinement ses prérogatives dans le cadre d'une stratégie de renouveau, soutenue par une forte volonté politique maintes fois réaffirmée au plus haut niveau de l'État.

Par Karim Aoudia

L’empreinte du changement est de plus en plus manifeste au sein de l'institution, nul doute que ce nouveau processus sera conforté davantage à la faveur, d’une part de la réactivation du rôle du conseil de l’Arav dont la mise en place est attendue avant la fin de l’année, et d'autre part, d'un réajustement plus approprié du cadre législatif à travers le projet de révision du code de l'information de 2012 et des dispositions de la loi relative à l'audiovisuel de 2014. «L'audiovisuel est une activité où l'intervention de l'action publique est omniprésente. C'est dans cette optique que s'inscrit l'action rénovée de l'Arav pour mettre en adéquation les principes de liberté et de responsabilité dans la diffusion de tout contenu audiovisuel qui procède d'abord du raffermissement du lien social. Ce sont là, les mots-clés de la stratégie du président de l'Arav, Mohamed Louber, qui nous a reçus dans le cadre d'un reportage au nouveau siège qu'occupe l'institution depuis janvier dernier, un bâtiment de huit étages, mitoyen au ministère de la Communication, à Bir Mourad Raïs.

Surprenante résurgence

Indéniablement, l'Arav s'émancipe progressivement du marasme d'une léthargie et d'une marginalisation subie des années durant. Preuve en est, les innombrables communiqués émis par cette institution depuis 2020 à titre de rappel à l'ordre chaque fois qu'il y a atteinte aux enjeux primordiaux universellement admis en matière de communication audiovisuelle, en cas de transgression flagrante du code de l'éthique et de déontologie ou de non respect des exigences du service public.
Les orientations et décisions entérinées ces deux dernières années par l'Arav à l'endroit des médias audiovisuels, que ce soit l'Entv du secteur public ou à l'adresse des chaînes dites privées communément appelées chaîne offshore, tant celles-ci ne disposent pas encore d'un ancrage juridique national «ont été respectée et exécutées à la lettre dans leur totalité » a souligné Mohamed Louber. «Il ne s'agit pas de censure, l'Arav en tant qu’organisme régulateur n'a pas vocation à censurer le produit médiatique» a-t-il assuré, se disant toutefois intransigeant quant au respect de loi, des principes de base de la profession de l'audiovisuel et des fondements de l'éthique et de la déontologie. «Nous sommes tenus en tant qu’institution à veiller au respect de loi qui fait actuellement l’objet de révision approfondie par le gouvernement suivant la procédure définie par la Constitution 2020». Et d'enchaîner : «Il arrive souvent que le contenu du programme audiovisuel soit en contradiction avec un certain nombre d'orientations en rapport avec l’ordre national, la morale publique, et face à tout dépassement du genre, l'Arav a la possibilité de réagir par des mesures adaptées à la gravité de l'infraction. Ce qui constitue l’une de nos missions fondamentales. «L’autre mission porte sur la régulation dans le sens à accompagner les médias audiovisuel dans leur quête de programmes au contenu adapté aux aspirations des téléspectateurs notre raison d’être en tant qu’institution». Dans ses communiqués à l’adresse de ses vis-à-vis des médias audiovisuels, l’Arav rappelle, sous forme d’avertissement, les concernés à faire valoir un sens élevé de l’appréciation de leurs obligations professionnelles en veillant à l’équilibre de la liberté et de la responsabilité à travers de la diffusion des programmes. Cependant, en cas de violations répétées des exigences du service public et des règles de l’éthique, l’Arav durcit la sentence et il lui est déjà arrivé de sévir d’une main de fer, surprenant ainsi le microcosme politico-médiatique par le caractère ferme de sa résurgence. En sus d’un certain, nombre de décisions phares par lesquelles l’institution s’est distinguée l’année dernière, entre autres la dénonciation vigoureuse d’un travestissement flagrant de la vérité dans le reportage controversé de l’émission Enquête exclusive de la chaîne M6 sur l’Algérie, l’Arav a persévéré, cette année encore, dans cette attitude endurcie face aux transgressions intolérables de la loi et de la morale publique.
En août dernier, l’Arav, soucieuse de garantir le respect des lois de la République et les réglementations en vigueur, a décidé la fermeture immédiate et définitive de la chaîne El Djazairia One, pour des motifs liés au non respect des exigences de l'ordre public et d'autres en rapport avec les poursuites judiciaires à l'encontre des fondateurs et gérants de cette chaîne. Autres décisions entérinées celle portant sur la suspension temporaire des chaines El Bilad TV et El Hayat TV pour manquements répétés à la déontologie et aux règles professionnelles. Selon le président de l'Arav, les missions dévolues à cette institution «sont d'une extrême sensibilité vu qu'elles traitent d'un domaine dont l'impact sur la conscience collective est tout aussi extrêmement important». Ce qui surprend toutefois dans le redéploiement de l'Arav jamais aussi manifestement accompli comme c'est le cas depuis 2020, c’est que ce constat est consacré avant même que l’institution ne soit dotée de l’effectif et de la logistique nécessaires. Une telle institution a en effet grandement besoin de s’armer en moyens humains et matériels face à un contexte délicat fait de la multiplication des attaques médiatiques ciblant l’Algérie, ses institutions, son unité et sa cohésion nationale.
Cependant, à l’heure actuelle, les «bourgeons du changement » qui prennent forme progressivement du côté de l’Arav ne sont en réalité que le fruit d'un engagement entier de deux hommes qui puisent de leur riche expérience de journalistes pour redorer le blason d'un organe d’un apport vital dans la dynamique d'assainissement du paysage audiovisuel par une régulation confortant le socle de l’Etat de droit. Il faut rendre à César ce qui lui appartient, confesse le vieil adage, et dire que l'exploit consacré ces derniers mois en matière de veille médiatique est l'œuvre de son président Mohamed Louber, assisté par son proche collaborateur, Amar Bendjedda, journaliste au long parcours à la Télévision nationale qui occupe la fonction de SG de l'Arav.
Une simple visite des locaux de l’institution suffit pour valider ce constat. La quasi totalité des bureaux que compte le siège de huit étages sont vides et de surcroît inopérants. L'on s'aperçoit très vite de l'existence d'une situation problématique en matière de fonctionnement structurel de l'Arav, chose que son président ne manquera pas de confirmer dans sa réponse à nos questions.

Des obstacles qui persistent

«Lorsque j'ai été nommé par le président la République à la tête de l'Arav, l'état général de l'institution était complètement délabré» confie M. Louber. Hormis la contrainte du siège relativement réglée depuis le transfert de la rue Didouche-Mourad à Bir Mourad Raïs, nombreux sont les obstacles qui empêchent cette autorité de connaître un démarrage autrement plus efficient. «Il n'y a ni structure ni conseil ni personnel ni budget». Toutefois, et comptant sur la volonté ferme du président de la République qui inscrit la réhabilitation de l'Arav parmi ses engagements prioritaires, il garde espoir de voir toutes ces contraintes solutionnées dans les plus brefs délais. Il est d’autant plus conforté dans sa conviction qu'en 2017, M. Abdelmadjid Tebboune en sa qualité de Premier ministre avait alors exigé une réorganisation de fond en comble de l’Arav et le renforcement de ses prérogatives de manière à lui permettre d'agir en amont et en aval pour mieux promouvoir la libre expression plurielle dans les médias audiovisuels en faisant valoir un haut sens de responsabilité en matière de respect de l'éthique. «Le passage de M. Tebboune à la tête de l’Exécutif ayant été bref, les choses se sont tassées depuis dans le sens négatif du terme, il aura fallu attendre son élection à la magistrature suprême pour que la machine soit à nouveau remise en marche».
Il fera part de l'examen, actuellement en cours, des CV des universitaires et chercheurs dont les compétences sont en lien direct avec le domaine de l’audiovisuel en prévision de l’installation prochaine du Conseil de l’Arav. Sur un autre volet, il s’est montré très optimiste à l'évocation de ses attentes de la révision de la loi 04-14 relative à l'audiovisuel, dans le but notamment de résoudre le problème de l'ancrage juridique des chaînes TV privées «lesquelles ne disposant pas de statut d'entreprise nationale hypothèquent sérieusement l’action de l’Arav».
L’autre contrainte soulevée par Amar Bendjedda, a trait au budget dû au manque de personnel. «Doter l’Arav d’une autonomie financière est l’une des conditions nécessaires pour lui permettre de mener à bien ses missions», le financement de l’institution est assuré par le biais d’une dotation symbolique attribuée par le ministère de la Communication. En termes d’effectifs, le besoin tel qu'évoqué par notre interlocuteur s’élève à une cinquantaine de journalistes et de techniciens de l’audiovisuel, l’accent étant mis sur l’importance des équipements et de la logistique à mettre en place pour les besoin de la veille médiatique qui sera assurée à partir del’ancien siège d’Alger- centre. En attendant de satisfaire toutes ces conditions élémentaires, M. Bendjedda, Smartphone à la main, veille au grain. Il suit attentivement les rebondissements de l'actualité, le contenu audiovisuel en attachant une attention particulière à tous ce qui pourrait faire l’objet d’un dérapage médiatique de tel ou tel support audiovisuel. «Rien n’est laissé au hasard en matière de contrôle des programmes diffusés par les chaînes de télévision, il y va de la crédibilité que l’Arav s’efforce de reconquérir».
Un responsable à l’esprit très coopératif, mais aussi très vigilant dans l’accomplissement de son travail. Se prêtant bien volontiers au jeu des questions-réponses autour de la réorganisation en cours de l’Arav, il décrit à ce titre une institution qui renaît sous les décombres hérités de l’ancien régime qui ne voulait pas que l’Arav s’affirme dans son rôle d’organisme régulateur, la réduisant à une simple institution de façade. Un tel «illogisme» n’a plus désormais droit de cité, assure-t-il. «Cela fait quelques mois déjà que le président de l’Arav essaye difficilement de faire bouger les choses dans le sens de réhabiliter la place de l'institution conformément aux objectifs de la mission pour laquelle il été nommé par le président de la République».
Le Président Tebboune suit de près le processus de redynamisation de l’action de l’Arav au vu de son rôle crucial de l’architecture institutionnelle de l’Algérie nouvelle, d’autant plus que ses missions traitent d’un domaine aussi sensible que la communication audiovisuelle, a conclu notre interlocuteur.
K. A.

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