Journée internationale de la biodiversité : Les parcs culturels algériens, une expérience pionnière

La journée mondiale de la Biodiversité sera célébrée, aujourd’hui, dans un contexte particulier en Algérie. En effet, le réseau des parcs culturels a été reconnu par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), en tant que mesure de conservation efficace par zone.

«Cette reconnaissance internationale annoncée officiellement par le ministre des Affaires étrangères le 30 septembre 2020, lors du sommet des Nations unies sur la diversité biologique, a permis à l’Algérie d’atteindre l’objectif 11 d’Aichi et l’objectif 12 de la stratégie et du plan d’action nationaux sur la diversité biologique, durant la période allant de 2016 à 2030», affirme la direction nationale du projet «conservation de la biodiversité d’intérêt mondial et utilisation durable des services écosystémiques dans les parcs culturels en Algérie relevant du ministère de la Culture et des Arts.
Ce résultat réaffirme l’intérêt qu’accorde l’Algérie à la conservation de la biodiversité et concrétise ses efforts pour honorer ses engagements, en tant que partie prenante de la convention sur la diversité biologique (CBD) qu’elle a ratifiée en 1995. Selon la Direction nationale du projet, l’Algérie compte cinq parcs culturels : Ahaggar, Tassili N’Ajjer, Touat-Gourara-Tidikelt, Atlas saharien et Tindouf. Ces parcs culturels constituent des outils de conservation de la biodiversité. Pour le ministère de l’Environnement, ce travail est le résultat d’un long processus de concertation entre le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Environnement, la Direction générale des Forêts et la Direction du Projet des parcs culturels algériens.

Augmenter la superficie des aires protégées à 50% d’ici à 2030

«Cette action vient renforcer les efforts de l’Algérie pour augmenter la superficie de ses aires protégées terrestres et marines de 44% à 50% d’ici 2030, et atteindre ainsi l’objectif 11 d’Aichi, et l’Objectif 12 de notre stratégie nationale pour la biodiversité qui vise à protéger, conserver et restaurer les écosystèmes afin de maintenir leur équilibre, assurer leur pérennisation et garantir durablement la production des services écosystémiques et des valeurs culturelles, spirituelles, socio-économiques et d’autres valeurs pertinentes», affirme le ministère de l’Environnement.
Il convient de rappeler que le ministère de la Culture a mis en place un réseau national important de parcs culturels qui couvre présentement une superficie significative de 1.042.577 km2. Les parcs culturels algériens qui représentent 43% du territoire sont aujourd’hui dotés d’un statut juridique et d’une structure de gestion et d’administrations officielle, ce qui assure leur protection et leur permet de former un réseau de conservation homogène constituant un tampon efficace contre les menaces exercées sur la biodiversité et les écosystèmes. Le Projet des parcs culturels algériens vise à renforcer le système des parcs culturels en le dotant de capacités systémiques, institutionnelles et opérationnelles appropriées pour assurer avec efficacité la planification et la gestion des parcs culturels en se basant sur des données et des informations scientifiques. Il s’agit également d’atténuer les menaces et les pressions exercées sur la biodiversité et les services écosystémiques des parcs culturels, de planifier avec efficacité le financement de la gestion des parcs culturels et d’améliorer leur rentabilité. Parmi les objectifs, assurer une meilleure intégration des priorités de développement socioéconomique des usagers des ressources naturelles dans la gestion des parcs culturels.
Le «Projet de Conservation de la biodiversité d’intérêt mondial et utilisation durable des services écosystémiques dans les Parcs culturels en Algérie», ou «Projet des parcs culturels algériens (PPCA)», dans sa dénomination simplifiée, est financé par le Fonds mondial pour l’Environnement, coordonné par le ministère des Affaires étrangères, mis en œuvre par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et exécuté par le ministère de la Culture.

Le secteur de la Culture fait partie des solutions

La journée mondiale de la Biodiversité sera célébrée cette année sous le thème «Nous faisons partie de la solution». Le secteur de la Culture fait partie des solutions pouvant remédier à l’érosion de la biodiversité, soutient la DNP. Il est l’un des acteurs majeurs contribuant activement à la mise en œuvre de la politique nationale visant la conservation de la biodiversité, notamment par la mise en place d’un important système de parcs culturels dans une approche d’indissociabilité du patrimoine culturel à sa composante naturelle.
A cette occasion, la direction nationale du PPCA a élaboré un programme d’interventions dans les médias en vue de sensibiliser le grand public aux enjeux de protection de la biodiversité d’une part et de l’inciter à contribuer activement à la protection de la biodiversité pour qu’il fasse partie des solutions pouvant réduire les menaces pesant sur son maintien, indique la chargée de communication de la DNP, Narimane Saheb.
La responsable a mis l’accent sur le rôle des médias dans la préservation de la biodiversité. En ce sens, elle a indiqué dans un entretien avec El Moudjahid, qu’un intérêt particulier a été accordé à la communication par la direction nationale du projet. «Une stratégie a été élaborée et mise en œuvre dans l’objectif d’accroitre la visibilité du projet et de prendre en charge toutes les insuffisances».

Absence de presse spécialisée dans le patrimoine écoculturel

Ainsi, des actions de communication de proximité ont été menées avec des médias publics et privés au niveau central et au niveau local avec des correspondants de presse, constituant un réseau des journalistes destiné à accompagner les activités du projet et à les valoriser.
En outre, la DNP a mené de nombreuses actions de formation en biodiversité et en patrimoine culturel au profit des associations écoculturelles et des correspondants de presse, dans le cadre d’un programme d’éducation à l’environnement.
L’objectif de ces formations, dédiées aux journalistes, consiste à renforcer leurs connaissances et pratiques sur le patrimoine écoculturel, d’autant plus que l’Algérie enregistre un manque de presse spécialisée dans ce domaine.
Par ailleurs, un travail de valorisation a été effectué, dont l’élaboration de spots sur la conservation du guépard dans l’Ahaggar et le Tassili n’Ajjer, dans le cadre du plan de protection de cette espèce. Le premier concerne le travail de documentation sur les savoirs et savoir-faire traditionnels. Une étude est également en cours qui prend en charge cet aspect et vise à «élaborer une méthodologie pour la documentation de ces savoirs traditionnels afin de les protéger et de les transmettre aux générations futures». 

Une chaîne sur YouTube pour la promotion du tourisme local

Par ailleurs, pour une meilleure valorisation et interprétation des patrimoines du réseau des parcs culturels, le PPCA a entamé l’aménagement du site de Tagmaret du parc culturel de l’Ahaggar. «Les travaux consistent en l’identification d’un circuit écotouristique à l’intérieur du site, des relevés photographiques et vidéographiques des éléments patrimoniaux de ce site préhistorique, la signalisation et le balisage». 
Le projet envisage également les visites virtuelles pour faire connaitre les potentialités écotouristique de Tagmaret qui est une halte de la boucle de l’Atakor et la création d’un espace d’exposition à l’intérieur du poste de contrôle de Tagmaret. «La direction nationale du PPCA œuvre à ce que site de Tagmaret soit une modèle d’aménagement écotouristique méritant d’être élargi à d’autres sites  des parcs culturels».
En outre, une chaîne sur YouTube vient d’être lancée par la DNP «afin de faire connaître les 5 parcs culturels de l’Algérie couvrant une superficie de 1.042.527 Km2, (soit près de 44% du territoire national)». Un contenu en français, arabe et anglais sera à retrouver à un rythme régulier. Une initiative visant à vulgariser le patrimoine et faire connaître la richesse environnementale et culturelle du pays. Le mouvement associatif joue aussi un rôle capital dans la sensibilisation à l’intérêt de protéger et de valoriser le patrimoine écoculturel. A cet effet, la direction nationale du PPCA a intégré les associations devant être mobilisées pour appuyer la politique du projet sur le territoire des parcs culturels qui cadre avec l’effort national visant la conservation de l’héritage écoculturel de notre pays par l’élaboration d’une convention de partenariat entre la direction nationale du PPCA et les deux associations de Djanet, Taghourfit et Azdjer Mehari. «Une unité de production d’articles d’artisanat inspirés du patrimoine mondial du Tassili vient d’être créée dans le cadre de cette convention. La DNP a ainsi équipé l’unité de machines de broderie. L’objectif est de transformer ces unités de production en start-up permettant l’ouverture de postes d’emploi et la promotion du tourisme local», assure Narimane Saheb.

Neila Benrahal

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«Nous faisons partie de la solution»

L’Algérie célèbre aujourd’hui la journée internationale de la Biodiversité sous le thème «Nous faisons partie de la solution» avec pour objectif l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation conformément à la Convention sur la diversité biologique et son protocole de Nagoya à travers le Projet APA (accès et partage des avantages), mis en œuvre par la DGF, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Fonds mondial pour l’environnement (FEM)
Le projet APA a prévu à cette occasion d’organiser un atelier sous forme de panel pour communiquer sur les inventaires des ressources génétiques agricoles et agroalimentaires, marines, forestières.

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Salah Amokrane, directeur national du projet : Vers la création d’une structure de gestion et de coordination des parcs culturels

Dans cet entretien, Salah Amokrane, directeur national du Projet des parcs culturels algériens (PPCA), annonce la mise en place d’un projet de création d’une structure pour la gestion et la coordination du réseau des parcs culturels afin d’assurer une conservation durable et de capitaliser les expériences acquises.


El Moudjahid : Avant même l’achèvement du projet, les Parcs culturels ont été reconnus à l’échelle internationale. Quelle est votre appréciation ?
Salah Amokrane : C’est une première pour l’Algérie et dans la région Mena. Il faut savoir que le projet vient renforcer les parcs culturels pour mieux gérer et protéger la biodiversité mondiale. C’est l’objectif global. Aujourd’hui, on essaye de partager cette expérience à l’échelle internationale. La création des parcs culturels est un engagement de l’Etat avec d’importants moyens, notamment financiers, pour préserver le patrimoine saharien à travers ces systèmes de parcs culturels qui emploient actuellement près de 1.000 personnes dans les cinq parcs et bénéficient d’un budget conséquent pour le fonctionnement et l’équipement. La mise en place consolidée du réseau des Parcs culturels algériens est ainsi reconnue comme une contribution nationale majeure à l’atteinte des objectifs d’Aichi (2011-2020), à une étape charnière de définition du nouveau cadre stratégique mondial pour la diversité biologique (2021-2030). On ne doit pas s’arrêter à la méthodologie. Cette reconnaissance doit ouvrir d’autres horizons à d’autres projets notamment la durabilité. De ce fait, une réflexion sur la création d’une structure pour la gestion et la coordination du réseau des parcs culturels est lancée. Nous avons élaboré des textes car tout investissement doit être pérennisé dans une structure. L’objectif est que ce réseau puisse porter notre expérience et notre expertise à l’échelle mondiale, ces parcs sont situés sur la bande sahélo-saharienne avec qui nous partageons la géographie mais également la culture.

Justement, quels sont les acquis du projet ?
Le projet est devenu une réalité. Nous sommes à la dernière année. Pratiquement il a atteint tous ses objectifs, c’est un projet de conservation d’intérêt mondial. Je cite la mise en place d’unités au niveau central et local. Le personnel recruté au nombre de 54 a été intégré à la fonction publique et pris en charge par le budget de l’Etat parmi les acquis, la finalisation de l’étude diachronique sur l’évolution des écosystèmes et les zones humides. Outre la mise en œuvre des accords de Gestion collaborative sur les sites de la Taessa, Tefedest, Tihodaine, Serkout Meddak et Ihrir. Parmi les réalisations aussi, la mise en œuvre du plan de conservation du guépard.

La découverte du guépard est l’une des acquis phares du projet…
Effectivement, le Tassili et l’Ahagar sont les dernières régions de l’Algérie qui abritent cette espèce, donc on a engagé cette étude afin de mettre en place un plan d’action dans les parcs. Elle est intégrée dans le plan national et régional car le point focal de cette question est la Direction générale des forêts. Nous travaillons sur le terrain, c’est une première en tant qu’institution. Aucun secteur, ni institution n’a engagé un travail pareil avec des travaux soutenus par des étrangers mais l’étude a été réalisée par des Algériens avec un matériel local. Nous avons également travaillé au Tassili pour la mise en œuvre d’un plan de protection de cette espèce emblématique propre à la région de l’Afrique du Nord, d’où l’intérêt de la protéger. La présence du guépard peut être à l’origine d’autres programmes d’écodéveloppement qui peuvent intéresser les touristes et les chercheurs à travers l’élaboration de lignes directrices pour la protection de l’animal avec la contribution de la société civile, les partenaires et la population .

Qu’en est-il de l’évaluation finale du projet ?
Cette évaluation est importante pour le pays. Elle sera finalisée d’ici la fin de novembre ou début décembre. On procède à une évaluation semestrielle et annuelle, chaque fin d’année, depuis 2013 pour déterminer les dépenses destinées à la conservation et la préservation de l’environnement et de la biodiversité. Ce travail est fait essentiellement avec les secteurs clés, première colonne du secteur en charge de cette mission, à savoir la culture, les Ressources en eau, l’environnement, le tourisme, les forêts. Le projet a été soumis cette année à une évaluation indépendante et externe sur terrain par le Fonds d’Environnement Mondial (FEM), une évaluation à mi-parcours, en attendant son rapport pour la mise en œuvre du projet, en plus du travail d’évaluation que nous faisons nous-mêmes. Ces évaluations se sont soldées par des recommandations et observations prises en compte pour la réussite du projet qui est un premier programme réalisé par des équipes algériennes, j’insiste sur ce point.

Justement toutes les études du projet ont été réalisées, exclusivement, par des chercheurs algériens ?
Toutes les études de terrain sont réalisées par des experts et des universitaires algériens des universités pays qui intègrent des ingénieurs, des techniciens et des offices pour commencer l’action de formation. Même lors des études, l’accent a été mis sur la formation, notamment la formation continue. Nous avons lancé, dans le cadre du projet, des études sur les profils écoculturels et le renforcement des capacités, pour la mise en œuvre justement d’un plan de formation au profit de tous les secteurs qui travaillent sur la thématique de la biodiversité.

Un dernier mot …
L’expérience algérienne de développement du concept de parc culturel et de mise en place du système y afférent au niveau national a fait l’objet d’une mise en lumière d’échanges à travers la présentation par la DNP du cas d’étude du parc culturel d’Ahaggar. Il est temps de porter cette expérience et expertise à l’échelle internationale.

N. B.

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Réda Behlouli, chargé de la biodiversité : Évolution positive du couvert végétal durant ces dernières 30 années

Les parcs culturels abritent une biodiversité remarquable traduite par la diversité des espèces, allant des écosystèmes insulaires et marins, avec une frange d’écosystème littoral, en passant par les écosystèmes forestiers et montagnards, suivis par les écosystèmes steppiques, puis l’écosystème saharien y compris l’écosystème humide qui se retrouve au niveau de ces différents écosystèmes.
Dans un entretien à El Moudjahid, le spécialiste met en avant la contribution du réseau des parcs culturels dans la conservation de la biodiversité. En ce sens, il a évoqué l’évolution positive du couvert végétal durant ces dernières 30 années, selon l’étude diachronique de l’évolution des principaux écosystèmes Ahaggar Tassili durant la période allant de 1986 à 2016.
Les résultats de cette étude ont été partagés à l’échelle internationale à travers la participation de cet expert à la 20e rencontre du groupe d’intérêt sahélo-saharien. L’étude réalisée par des experts nationaux concerne les principaux écosystèmes des parcs culturels.
Le complexe du Tassili n’Ajjer/Ahaggar abrite les clés de compréhension de la biodiversité du Sahara central. L’étude diachronique assistée par imagerie satellite, estime l’état de la biodiversité terrestre et aquatique actuelle dans l’espace du complexe Tassili N’Ajjer/Ahaggar, et identifie les principaux facteurs de changement depuis les trente dernières années. Selon l’étude, la progression de la végétation naturelle pérenne ligneuse conforte l’hypothèse d’une amélioration des conditions climatiques. Le chargé de la biodiversité a indiqué que le PPCA a procédé à l’utilisation d’outils modernes et numériques dans son plan d’action basé sur l’inventaire et la conservation, dont le recours au Système d’Imagerie Géographique (SIG).
En effet, le réseau national de parcs culturels œuvre à assurer la gestion des écosystèmes et de la biodiversité de façon systémique tout en réduisant les menaces de dégradation et en garantissant une utilisation durable des services écosystémiques. Pour ce faire, il a été mis en place un système de suivi, de surveillance et de contrôle de la biodiversité qui permet de fournir des données sur l’état de conservation du patrimoine écoculturel pour informer et prioriser les prises de décision. Ce système permet de répertorier systématiquement et de façon normalisée, toutes les espèces existant sur les itinéraires de suivi. Le système de suivi mis en place permet d’évaluer l’état de conservation de la biodiversité, de détecter les changements et d’en inférer les causes afin de mieux guider les actions de préservation du patrimoine naturel. Il ambitionne de fournir les informations et les outils utiles à la gestion participative de la biodiversité. Il est conçu de manière à être fonctionnel, adaptatif et évolutif. Il se généralise sur l’ensemble des parcs culturels tout en prenant en compte les spécificités de chacun de ces territoires exceptionnels. Le spécialiste a précisé également que le PPCA intervient aussi «dans le cadre de la recherche afin de renforcer les études sur la biodiversité des parcs. On travaille sur le guépard, l’évolution des écosystèmes des cinq parcs et l’intégration des populations locales dans le système de gestion participative des parcs».
M. Behlouli a mis en avant la démarche de gestion participative, entamée à titre expérimental dans les parcs du Tassili et de l’Ahaggar généralisée à l’ensemble des parcs, avec la signature de chartes et de conventions sur la gestion collaborative avec les divers partenaires, dont les populations locales. Celles-ci seront associées aux efforts de conservation et de valorisation du patrimoine ; l’objectif est l’amélioration de la conservation des espèces phareset la réduction des menaces qui pèsent sur le maintien de la biodiversité.

Neila B.

 

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