
On ne peut malheureusement parler aujourd’hui d’animaux sauvages, qui pourtant ont tant peuplé notre pays par le passé, que pour dire une vérité amère : déjà dès l’occupation romaine, ceux-ci furent l’objet d’une extinction progressive due à l’attitude irresponsable des divers occupants étrangers de notre pays.
«La façon dont un pays s’occupe de ses animaux sauvages démontre la grandeur du pays et de sa haute valeur morale.» Cette maxime ô combien éloquente montre à quel point la protection de la faune est malheureusement loin d’avoir été la priorité, non pas de nos ancêtres, mais des divers occupants étrangers de notre pays durant des siècles.
Déjà les écrits anciens concernant la faune algérienne témoignent que dès la fin du paléolithique supérieur, les peuplades numides et maures ont cohabité avec les fauves et autres animaux sauvages : lions, léopards, éléphants, hippopotames, rhinocéros, ours (caverne des ours et du mouflon sur les gorges du Rhummel à Constantine), buffles, dont les gravures rupestres du nord du pays et du Tassili au Sahara sont les témoins de cette période. Les principaux sujets sont les animaux, des signes abstraits et quelques figures humaines ; les herbivores, bovidés et chevaux dominent largement, suivis des bouquetins, cervidés, éléphants et girafes.
Des traces palpables de cette vie passée au cours de cette même période sont d’ailleurs exposées par les musées nationaux qui, pour leur part, regorgent d’ossements de ces mammifères, à l’image du musée Cirta de Constantine (os de mouflons, d’ours, d’éléphants, d’hippopotames, de rhinocéros...), du musée national du Bardo à Alger, et musée Zabana à Oran. Il faut noter qu’avant l’arrivée des Phéniciens, vers le XXIIe siècle avant J.-C., l’éléphant de Berbérie peuplait déjà l’Afrique du Nord, principalement dans le Constantinois. On le rencontrait à Bou Mezroug, à Ibn Zied. Près de Skikda, c’est à Fil Fila qu’il vivait en bandes. Le mot «fil» (éléphant en arabe) est d’origine punique. Hannibal, général carthaginois, ne l’avait-il pas utilisé pour attaquer Rome en passant par les Alpes en l’an 216 av. J.-C.?
À l’arrivée des Turcs, on chassait encore des fauves dans les environs de Constantine
Par la suite, lors de l’occupation romaine, la présence de fauves est décrite dans différentes mosaïques du IVe siècle représentant des scènes de chasse (musées de Timgad, Djemila, Tipasa). Quelque 4.000 à 5.000 bêtes féroces ont ainsi été capturées dans les colonies nord-africaines pour être tuées, pour le spectacle, dans les arènes du Colisée de Rome. Et ce n’est pas tout : l’occupation romaine a, entre autres, été responsable de l’extinction progressive de nombreux autres animaux sauvages. Quelques siècles plus tard, notamment à l’arrivée des Turcs, on chassait encore des fauves dans les environs de Constantine, à El Ghaba (forêt d’El Menia et environs d’El Hamma).
Au XIXe siècle, les Français aussi, pour le plaisir de la chasse, tuaient lions, léopards et panthères à Souk-Ahras, l’ancienne Taghaste ou ville des fauves. Pour preuve, le dernier léopard vu au nord dans l’Atlas tellien, massif de Sidi Ali Bounab en Kabylie, remonte à 1925 (voir l’animal empaillé à l’APC de Tadmait).
À Constantine, la dernière apparition d’un oiseau rapace remonte à 1998
Vivant dans les lieux boisés et montagnes de l’Atlas tellien, les nicheurs sédentaires -chouette hulotte, grand duc d’Europe, buse féroce, gypaète barbu, épervier d’Europe- et les nicheurs migrateurs -milan royal, busard, vautour- sont en régression alarmante.
L’aigle a quant à lui survolé les gorges du Rhummel et, au grand étonnement des riverains, a trouvé refuge dans le ravin qui fait face à la passerelle Mellah. D’une manière générale, l’existence d’aigles et de vautours à Constantine a été relevée à une certaine époque, comme en témoigne le médaillon central de la mosaïque de Sidi M’Cid qui représente «un aigle tenant la foudre entre ses serres».
Autre témoignage de cette présence et selon une revue historique, le père de l’aviation, Clément Adler, serait venu dans notre pays, précisément à Constantine, pour étudier le vol des grands rapaces (en l’occurrence les aigles, les vautours) et aurait fait ses principales observations dans cette ville.
Kamel Bouslama